La zone des Petites Antilles
II.1. La subduction des Petites Antilles
II.2.4. Le Bassin de Marie‐Galante (ou BMG)
II.2.4. Le Bassin de Marie‐Galante (ou BMG)
La reconnaissance géologique des îles de l’avant‐arc (ou arc externe) a fait l’objet de nombreuses études cartographiques, pétrologiques et stratigraphiques ; il n’en est pas de même de la partie immergée de cet avant‐arc. Les travaux bathymétriques et géophysiques réalisés par le BRGM ont permis une première reconnaissance du domaine avant‐arc des Petites Antilles avec le projet ARCANTE. Au cours de ce projet, un important effort d'échantillonnage a permis de connaître les grandes lignes de la géologie de certains secteurs. La première campagne ARCANTE1 a proposé la physiographie de la zone immergée de l’avant‐arc à la latitude de l’archipel de la Guadeloupe. La physiographie sous‐marine de cette région comprend de nombreux plateaux et pentes insulaires. Des bancs et des éperons sous‐marins ont alors été associés à des faciès sédimentaires pour la première fois. Plus récemment, les campagnes Aguadomar (Deplus et al., 1999) et Sismantilles 1 et 2 (Hirn et al., 2001 et 2007) ont permis de préciser, par l’acquisition de données bathymétriques et de sismiques réflexions (basse et moyenne résolution), la morphologie et la structure de la marge antillaise du Nord de la Guadeloupe à la Martinique. Par la suite, les campagnes GeoBéryx (BRGM) et KaShallow 0, 1, 2 et 3 (Lebrun et al., 2006 à 2011) ont permis de compléter les connaissances de la
zone grâce à l’acquisition d’échantillons carottés, de levés bathymétriques et d’un réseau dense de sismique haute résolution dans le Bassin de Marie‐Galante.
Situé entre 16°30N et 16°15N de latitude, le Bassin de Marie‐Galante constitue la zone qui s’étend, du Nord au Sud, entre la Guadeloupe et la Dominique, et d’Ouest en Est, de l’arc volcanique (au niveau de Basse‐Terre) au prisme d’accrétion, à envion 50 km au large de la Désirade. Ce domaine inclut le domaine immergé des îles de La Grande‐Terre, de Marie Galante et de La Désirade au niveau de leurs plates‐formes immergées proches ainsi que les domaines plus profonds du bassin. Avec une surface d’environ 12.000 km², ce bassin perché sur la marge des Petites Antilles constitue l’avant‐arc‐interne au niveau de l’archipel guadeloupéen. Dans cette posion, il domine l’avant‐arc externe et le prisme d’accrétion de 5000 m au Nord (au niveau du « Mur de Désirade ») à 3000 m au Sud (au niveau du Canyon de Dominique) ; il constitue un des nombreux bassins avant‐arcs de la zone des Petites Antilles (Figure II.2).
II.2.4.1. Travaux préexistants en mer
II.2.4.1.1. Travaux ARCANTE du BRGM
Sur la base de prélèvements issus de dragages, de levés bathymétriques et avec l’appui de données de sismique réflexion, les travaux ARCANTE 1, 2 et 3 ont permis de préciser la nature et l’âge des unités sismiques ainsi qu’une première évaluation des mouvements verticaux du BMG. Ces auteurs caractérisent pour la première fois des mouvements de forte amplitude au niveau de l’Eperon Karukéra sans les quantifier. En effet, selon un raisonnement portant sur l’âge et les environnements de dépôt de cinq échantillons de roches recueillis sur l’Éperon Karukéra (33V, 36D, 31D, 37D et TR6), ils proposent qu’une tectonique locale complexe (avec compartiments abaissés, soulevés et basculés) avait eu lieu entre le Miocène Inférieur et l’Holocène (Andreieff et al., 1979 ;
F ig ur e II. 15 Mouvements verticaux du Miocène Inférieur à l’Holocène de l'Éperon Karukéra d'après les
environnements de dépôts de 5 échantillons dragués. Les signes + caractérisent les surrections avec les faciès para‐récifaux et les signes ‐ les phases de subsidence avec les faciès pélagiques. D’après Andreieff et al., 1979.
II.2.4.1.2. Travaux de Feuillet et collaborateurs
Les travaux de Feuillet (2000) suite à la campagne Aguadomar décrivent la néotectonique de la zone du Bassin de Marie‐Galante. L'organisation structurale du bassin est principalement marquée par la présence de structures accommodant le partitionnement actuel de la déformation. Dans ce contexte, le graben Est‐Ouest de Marie‐Galante est contrôlé par des systèmes de failles N90°E à N130°E. Ce graben est limité au Nord par le système de failles normales à pendage sud recoupant le Sud de La Grande‐Terre (la Faille du Gosier et la Faille de Roche de May) et au Sud un système de
failles normales à pendage nord, la Barre de l'île (Bouysse et al., 1993) (qui recoupe l’île de Marie‐
Galante, Figure II.16). Ces structures distensives, transverses à l'arc, résulteraient de l'étirement de
l’avant‐arc vers le Nord. Elles se connecteraient au système décrochant sénestre de Montserrat‐ Bouillante qui accommode le mouvement latéral sénestre dans l’avant‐arc. Le tout constituerait un système en « queue‐de‐cheval » qui amortit vers le Sud le mouvement transtensif sénestre
accommodé le long de l'arc (Figure II.5 et Figure II.6). Au Nord de La Désirade, le bassin est limité par
un important tombant de plus de 5000m, « le Mur de la Désirade », de direction N60°E. Par ailleurs, cette structure héritée ferait partie d'une série de grabens perpendiculaires à l’arc qui
F ig ur e I I. 16 Modèle tectonique du Bassin de Marie‐Galante d’après Feuillet et al., 2002. Carte structurale synthétique de l’organisation du graben de Marie‐Galante, montre la direction d’extension NS dans le graben ainsi que le pendage des blocs le long des accidents majeurs.
II.2.4.1.3. Travaux KaShallow et cette étude
L’essentiel des travaux issus du projet KaShallow seront détaillés dans ce manuscrit. Ma participation aux travaux à terre est publiée dans Cornée et al. (2012), Münch et al. (2013) et (2014). Le programme KaShallow a été réalisé pour étudier la nature sédimentaire, l’organisation stratigraphique et les structures tectoniques de la croûte de l’avant‐arc des Petites Antilles au niveau de l’archipel guadeloupéen, dans le but d’en quantifier les mouvements verticaux. Les données disponibles issues des campagnes précédentes étant insuffisantes en terme de couvertures sismiques et d’échantillonnage, un important jeu de données géophysiques et géologiques complémentaires a été acquis lors de cette dernière campagne. La base de données utilisée pour
cette étude ainsi que son traitement est détaillée au chapitre III.