Subduction, bassin avant‐arc et sédimentation de marge active
I.2. Les bassins d’avant‐arc
I.2.3. Les types de sédimentation
I.2.3.1. Environnement de Plates‐formes
Chaque plate‐forme présente une architecture particulière qui est fonction de l’accommodation écologique et de la morphologie héritée de la zone. La morphologie des systèmes carbonatés littoraux se répartit en deux principaux modèles suivant la distribution des faciès, la pente sédimentaire et l’attachement (ou non) à une masse continentale que sont les rampes et les
plates‐formes s.s. (Tucker, 1990 ; Handford and Loucks, 1993 ; Wright and Burchette, 1996) (Figure
I.10).
F ig ur e I. 10 Morphologie des rampes carbonatées et de plate‐forme au sens stricte d’après Tucker (1990),
Handford and Loucks (1993) et Wright and Burchette (1996).
Les sédiments des plates‐formes carbonatées peu profondes se développent dans la zone euphotique (Pomar, 2001b). Elles enregistrent les discontinuités engendrées par les variations cycliques de haute fréquence et de faible amplitude du niveau marin ou des évènements catastrophiques (e.g. Éruption volcanique). Ces variations sont marquées sur ces plates‐formes par des surfaces émersives ou érosives remarquables, des discontinuités ou des interruptions de sédimentation. Ces surfaces sont des repères chronostratigraphiques régionaux, nécessaires à l’étude de l’évolution spatio‐temporelle de la plate‐forme. Les systèmes récifaux sont d’excellents marqueurs paléoenvironnementaux et paléobathymétriques. Le mode de croissance de ces systèmes récifaux est fonction du taux de création d’espace disponible (accommodation) et du taux de
croissance récifale (Davies et al., 1992 et Neumann and Macintyre, 1985). Les paramètres physiques et écologiques qui contrôlent la mise en place des plates‐formes carbonatées sont synthétisés dans la Figure I.11.
F ig ur e I. 11 Synthèse des paramètres physiques et écologiques contrôlant l’édification des plates‐formes
carbonatées d’après Pomar (2001b).
I.2.3.2. Environnement de Bassin : Les systèmes turbiditiques
Les systèmes turbiditiques dominent abondamment au niveau des marges actives et correspondent au type de sédimentation les plus complexes. Ils se développent avec des courants turbides générés par un écoulement gravitaire, ainsi ils associent transport et accumulation de sédiments du glacis à la plaine abyssale des bassins profonds.
D’après la classification de Mutti and Normark (1991), les éléments architecturaux des systèmes
turbiditiques chenalisés sont les suivants : les surfaces d’érosion, les complexes chenaux‐levées et les lobes.
I.2.3.2. 1. Les surfaces d’érosion
‐ Les ravines sont des vallées sous‐marines relativement rectilignes de faible largeur (~100‐200
m) et profondeur (~5‐50 m maximum). Elles se situent sur le rebord et la pente du plateau continental (ou insulaire) et ne sont pas rattachées à un réseau fluviatile. Ce sont des zones où l’érosion domine et peut évoluer spatialement sur la marge au cours du temps. Leur origine est souvent associée à des déstabilisations du rebord du plateau sous forme de glissement ou à des courants de turbidité (Izumi, 2004).
‐
Les canyons sous‐marins permettent la canalisation des apports sédimentaires. Ce sont des vallées incisées caractérisées par des pentes latérales abruptes et un fort gradient de pente. Ils ont une section en V (ou U), avec des profondeurs variables, atteignant ~1000 m à 3000 m. Ils constituent des zones où l’érosion domine et assure le transfert des sédiments vers les grands fonds. Les canyons sont généralement anciens et leur formation est liée à l’évolution de la marge (comme des surrections ou des changements de pente). Une relation entre la présence de canyons et le gradient de pente du talus a été proposée par Twichell andRoberts (1982) sur la marge américaine. Leur position spatiale est stable sur le long terme et
l’érosion qu’ils engendrent provoque des hiatus sédimentaires de plusieurs millions d’années.
I.2.3.2.2. Les complexes chenaux‐levées
La morphologie des chenaux est contrôlée par les processus de dépôt et d’érosion produits par les écoulements turbiditiques. On en distingue deux types : (1) Les chenaux érosifs développent peu de levées construites associées et leur section présente une forme en U ou en V caractéristique. (2) Les chenaux de dépôt présentent des morphologies qui sont influencées par la nature des apports (Piper and Normark, 2009).
Il est admis que les chenaux dans lesquels transite du matériel grossier (sable et graviers) sont larges et rectilignes. Ils sont peu marqués bathymétriquement à cause de levées peu ou pas développées. En revanche, les chenaux transportant du matériel fin sont étroits, sinueux, creusés et présentent des dépôts de levées développés ; leurs sinuosités étant contrôlées par la valeur de la
pente et la nature des apports (Clark et al., 1992).
En sismo‐stratigraphie, la surface d’érosion associée au chenal montre une incision nette dont le contraste d’impédance est amplifié par les sédiments grossiers à la base du chenal.
Les levées sont construites par débordement de la fraction fine formant le sommet des écoulements turbiditiques. Elles peuvent s’étendre sur plus de 50 km de part et d’autre de l’axe du chenal. Elles se développent sur les flancs du chenal et présentent souvent une importante dissymétrie qui s’explique par des courants transverses à l’écoulement ou à la force de Coriolis.
Les sédiments observés dans les levées sont souvent des argiles et des silts organisés en séquence de dépôt à lamines horizontales. Contrairement au chenal, il n’y pas ou peu de surfaces d’érosion en base de séquence. Le flanc interne (coté chenal), à forte pente, est soumis à des processus d’érosion et de glissement en masse qui peuvent alimenter les écoulements. Le flanc externe (coté levée) est caractérisé par des pentes faibles, soumises à des processus de dépôt. Généralement, les levées externes présentent des champs de dunes sédimentaires ou « sediment waves » (e.g . Carter et al., 1990 ; Normark et al., 1980 ; Normark et al., 2002).
I.2.3.2.3. Contrôle des systèmes turbiditiques
Les facteurs qui contrôlent les systèmes turbiditiques sont : la tectonique, la nature des apports, l’eustatisme et le climat. En domaine de marge active, le facteur prédominant est essentiellement la tectonique. Celle‐ci aura un impact sur la morphologie du plateau continental (et/ou insulaire) et du bassin ainsi que sur le déclenchement des courants de turbidité et la déstabilisation de pente. Un second facteur associé aux courants superficiels peut aussi influencer ces courants de turbidité. En effet, au niveau des plateaux continentaux et insulaires, les courants tidaux et littoraux peuvent améliorer l’alimentation des têtes de canyon en redirigeant les apports sédimentaires vers le bassin (e.g. Romans et al., 2009). En revanche dans les bassins profonds, les courants de fonds ou de contours peuvent intervenir en agissant sur les accumulations distales des systèmes turbiditiques. Ils peuvent localement avoir un rôle dans l’organisation des dépôts en pied de pente et remanier partiellement ou totalement les dépôts pour former les contourites (e.g. Carter et al., 2004).