La zone des Petites Antilles
II.1. La subduction des Petites Antilles
II.1.1. L’arc des Petites Antilles
L’arc des Petites Antilles s’étend du Nord au Sud sur environ 850 km, de Grenade au Sud jusqu’à Anguilla au Nord. Il est parallèle au front de subduction et a un rayon de courbure d’environ 450 km. Les Petites Antilles sont décrites comme un arc double qui se subdivise au nord de la Martinique en
deux alignements d’îles subparallèles (Martin‐Kaye et al., 1969 ; Westercamp et al., 1979) (Figure
II.2) :
‐ Un arc actif à l’Ouest (arc actuel) nommé « Antilles Volcaniques » (Bouysse, 1979, 1988 ;
Bouysse et al., 1985; Bouysse and Westercamp, 1990) qui se compose du Sud au Nord des
îles de la chaîne volcanique active : Grenade, St‐Vincent, St‐Lucie, Martinique, Dominique,
Basse‐Terre de Guadeloupe, Montserrat, Redonda, Nevis, St‐Kitts , St‐Eustache et Saba.
‐
Un arc inactif paléogène (arc ancien) à l’Est, variant entre 10‐50 km à l’Est du précédent et enposition d’avant‐arc. Cet arc est recouvert de plates‐formes carbonatées d’âge miocène et plio‐quaternaire (« Antilles Calcaires »). Il comprend la Grande‐Terre de Guadeloupe, Antigua, St. Barthélémy, St. Martin, Anguilla et Sombrero (Gunn and Roobol, 1976 ; Andreieff
et al., 1981; Andreieff et al., 1983 ; Davidson et al., 1993). En position d’avant‐arc, ces plates‐
formes carbonatées d’eaux peu profondes (0‐300m de bathymétrie max.) sont susceptibles d’enregistrer les mouvements verticaux récents de l'avant‐arc en réponse aux processus de
F ig ur e II . 2 Carte bathymétrique de la zone de subduction des Petites Antilles, modifiée d’après Feuillet
(2000) et Feuillet et al. (2002). Contour bathymétrique 500m d’après Sandwell and Smith (1997). Taux de convergence d’après DeMets et al. (2000). Ligne rouge continue : Arc interne actif. Ligne rouge pointillée : Arc externe inactif en position d’avant‐arc. Contour jaune : Plates‐formes carbonatées peu profondes (Bouysse, 1988). En vert : Les îles volcaniques de l’arc interne actif. Les lignes pointillées noires représentent les rides topographiques des zones de fractures médio‐atlantiques : Ride de Barracuda, Ride de Tiburon et Ride de Sainte‐Lucie d’après Bouysse and Westercamp (1990). L’ellipse blanche : Archipel des îles de Guadeloupe, BT : Basse‐Terre, GT : Grande‐Terre, MG : Marie‐Galante, LD : La Désirade et le haut‐fond EK : l’Eperon Karukéra.
L’origine du retrait de l’arc volcanique vers l’Ouest reste débattue. Pour certains auteurs, il serait lié à un changement de pendage de la plaque subduite, induit par l’accrétion d’un corps isostatiquement compensé (McCann et Sykes, 1984).
En effet, Bouysse and Westercamp (1990) développent l’hypothèse initialement présentée par
Westbrook and McCann (1986) selon laquelle une ride à forte flottabilité (compensée) serait entrée
en collision dans l’avant‐arc et aurait généré une rupture du slab. Cet évènement majeur aurait provoqué une surrection généralisée de l’avant‐arc et un arrêt du volcanisme. Le pendage plus faible du panneau subduit après la rupture expliquerait la reprise du volcanisme plus à l’ouest au cours du
Néogène, dans la seconde moitié nord des Petites Antilles (Figure II.3). Ce recul aurait eu lieu entre
l’Oligocène et le Miocène Inférieur (Bouysse and Westercamp, 1990). Pour Bouysse and Mascle (1994), ce saut se traduirait par une discordance majeure dans le domaine avant‐arc identifiée sur les profils pétroliers. Toutefois, cette discordance demeure mal contrainte dans le temps et l'espace à l’échelle des Petites Antilles bien qu’elle puisse témoigner d’une mise en compression de l’avant‐arc et de la surrection de celui‐ci (Figure II.2 et Figure II.3).
F ig ur e II. 3 Évolution du Nord des Petites Antilles depuis l’Éocène (40Ma). Modifié d’après Bouysse et
Westercamp 1988. a. Arc Externe (Ancien) en activité du début de l’Éocène au milieu de l’Oligocène. La ride
d’Aves correspond à l’arc rémanent qui s’est séparé des Petites Antilles lors de l’ouverture du bassin arrière‐arc de Grenade au Paléocène (Bouysse et al., 1988).b. Au milieu de l’Oligocène arrive au front de la zone de subduction une anomalie topographique compensée correspondant à une ride océanique, arrive au front de la zone de subduction produisant une rupture du slab. c. Collision de la ride compensée avec l’avant‐arc entrainant une surrection de tout l’avant‐arc. Détachement dans l’asthénosphère du slab et initiation d’un nouveau slab. d. Au Miocène Inférieur (Burdigalien), on observe la mise en place d’un nouvel arc volcanique, formant l’arc Interne (récent) après un saut de subduction vers l’ouest dont l’origine est liée au changement du plan de Benioff. e. De la fin du Néogène à l’Actuel, on observe la subduction de ride asismique non compensée de type Barracuda et Tiburon.
Les campagnes de sismique profonde (Bangs et al., 2003; Christeson et al., 2003) et de tomographique par sismique réfraction 3D (Kopp et al., 2011 ; Evain et al., 2011 ; Laigle et al., 2013) menées au large de l’archipel guadeloupéen (Figure II.2) ont révélée que seul un faible volume de
matériel a été accrété à la marge en profondeur sous le prisme (Figure II.4). Ces observations laissent
perplexe face à la modification du régime tectonique de la marge proposée par Bouysse and
Westercamp (1990) et posent la question du rôle des rides dans les modifications du comportement
de la marge antillaise.
F ig ur e II . 4 Schéma interprétatif de l’histoire de la collision d’une ride asismique et de la déformation du
butoir de la zone de subduction des Petites Antilles à la latitude de la Guadeloupe. Extrait de Bangs et al., 2003 et Christenson et al., 2003. Ces auteurs proposent que le butoir avait évolué avec la collision de deux types de rides (compensée et non compensée), produisant une déformation des sédiments à l’aplomb des rides. Il en résulte une transition entre le prisme d’accrétion (en jaune) et les sédiments de l’avant‐arc (en orange). La géométrie du butoir conduit la subduction des sédiments du prisme sous celui‐ci.
II.1.1. Modèle tectonique Actuel de l’arc et de l’avant‐arc
La zone de subduction antillaise s’incurve vers l’Ouest, depuis sa partie centrale vers le Nord (Figure II.1, Figure II.4, Figure II.5). Cette morphologie engendre un mouvement relatif des plaques évoluant depuis une convergence quasi‐frontale, à la latitude de l’archipel guadeloupéen, à une convergence oblique le long de la fosse de Porto Rico. L’obliquité croissante de la subduction vers le Nord‐Ouest provoque un partitionnement de la déformation à l’origine d’un décrochement sénestre au niveau de l’arc et d’une extension parallèle à l’arc. Cette extension est accommodée par des failles normales transverses au front de subduction formant des bassins d’effondrement dans le domaine avant‐arc (Feuillet et al., 2002, 2004 et 2011). Dans ce contexte, le Bassin de Marie‐Galante d’orientation WNW‐ESE, qui entoure l’archipel guadeloupéen, est interprété structuralement comme le graben le plus méridional d’un système en queue‐de‐cheval. Ce dernier amortit vers le Sud le mouvement transtensif sénestre accommodé le long de l’arc (Bouysse et al., 1988; Chabellard et al., 1986; Grellet et al., 1988 ; Feuillet et al., 2002 et 2010) (Figure II.5).