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Langue électronique voltammétrique à base des électrodes de Diamant dopé au Bore

III. Dispositifs de langues électroniques

III.1. Langue électronique voltammétrique à base des électrodes de Diamant dopé au Bore

Trois composantes sont importantes pour constituer une langue artificielle: une matrice de capteurs, une cellule de mesure et un système d’acquisition et traitement des données. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons détailler chacune de ces composantes.

III.1.1. Caractéristiques du Diamant Dopé au Bore (BDD)

L’apparition du diamant dans le domaine de l’électrochimie [20] a donc été liée aux développements des procédés de dopage du diamant [21]. En effet, pour que le diamant puisse être utilisé comme électrode il faut qu’il ait un comportement métallique, ce qui implique de doper lourdement le diamant au bore. Depuis, les électrodes BDD se sont imposées comme étant une électrode phare dans le domaine de l’électrochimie [22], la bioanalyse [23-25] ou les procédés de dépollution [26-28]. Cet engouement tient aux propriétés électrochimiques exceptionnelles du diamant alliant faible courant de fond, large fenêtre de potentiel en milieu aqueux et bonne résistance à l’encrassement.

Par ailleurs, les courants résiduels observés sur les électrodes BDD sont très faibles [29], typiquement de l’ordre de dix fois inférieurs à ceux d’une électrode métallique conventionnelle. Ainsi, c’est ce faible courant résiduel qui améliore considérablement la sensibilité des électrodes en augmentant le rapport signal sur bruit. Cet avantage est également renforcé par la stabilité et la reproductibilité de l’amplitude du courant résiduel [22]. La sensibilité et la reproductibilité des mesures confèrent au BDD un avantage majeur par rapport aux électrodes usuelles pour les applications dans le domaine des capteurs voltammétriques.

La très large fenêtre électrochimique des électrodes BDD en milieux aqueux [30] représente un atout majeur pour de nombreuses applications (diagnostique, analyse, dépollution…). Les électrodes BDD permettent l’exploration de plages de potentiels inaccessibles aux autres électrodes conventionnelles (or, platine, carbone vitreux). Comparativement à ces électrodes qui voient leurs propriétés chuter avec le temps (à cause de l’accumulation d’espèces sur leurs surfaces) et particulièrement dans les milieux organiques complexes, les électrodes BDD conservent leurs attributs plus longtemps. Nous remarquons aussi que ces électrodes sont peu sensibles à la corrosion [31]. Cependant, la synthèse des films BDD n’est pas du tout aisée dans la mesure où elle doit être faite par dépôt chimique en phase vapeur à micro-ondes assistée par plasma (Microwave Assisted Plasma-Enhanced Chemical Vapour Deposition (MPECVD)), à des températures supérieures à 800°C. Il faut ajouter que la microstructuration des films minces déposés sur les microcellules est généralement effectuée par des techniques de photolithographie nécessitant d'utiliser des résines

photosensibles et des attaques chimiques sélectives (lift-off). Certes, ces techniques sont bien placées pour atteindre une excellente résolution, d’ordre de grandeur du micromètre, mais elles demandent plusieurs étapes dans un environnement de salle blanche, et chacune de ces étapes présente un risque d'erreur [32]. D’où la nécessité de développer un nouveau procédé de fabrication permettant de surmonter tout inconvénient des méthodes photolithographiques.

III.1.2. Description du procédé technologique

Le procédé technologique permettant la fabrication des électrodes BDD consiste à microstructurer le film mince de BDD déposé sur une couche isolante de silice par micro-usinage laser femtoseconde. Ces lasers permettent d’atteindre des densités de puissance supérieures à celles des lasers de durée d’impulsion nanoseconde voire picoseconde. Les microélectrodes formant la microcellule BDD ont des tailles de quelques centaines de microns, par conséquent, un micro-usinage laser est tout à fait réalisable. Le faisceau laser de durée d’impulsions femtosecondes agit sur la morphologie de la surface des films à l’échelle nanométrique afin de définir un réseau de trous [33]. La structure de la surface peut alors être contrôlée en modifiant la polarisation et la longueur d’onde du faisceau laser. La Microscopie Electronique à Balayage (MEB) de la surface des BDD montre que la structure est de type microcristalline (Figure II.7). La moyenne de la taille des cristaux est de l'ordre de 100 nm. Certains cristaux de grande taille apparaissent également.

Figure II.7: Structure microcristalline de la BDD [32].

L'image MEB du chemin de gravure de la microcellule micro-usinée est présentée sur la figure II.8. Sa largeur est d'environ 50 μm. La couche de la BDD, la couche isolante et la couche du silicium apparaissent clairement après le micro-usinage laser femtoseconde. Le fait de réaliser un usinage immédiat a un avantage significatif sur la photolithographie conventionnelle, car une seule étape est nécessaire pour former toutes les microcellules électrochimiques, du coup, le processus est rapide et n’a pas besoin de réactifs chimiques. Une autre caractéristique de ce type de micro-usinage

permet d'obtenir rapidement et avec précision des structures répétitives. En effet, si des changements sont nécessaires, ils peuvent être immédiats car la programmation du chemin laser peut être modifiée.

Figure II.8: Découpage laser femtoseconde micro-usiné (gauche), et sur la droite, a: BDD et b: des couches de nitrure de silicium et c: substrat de silicium [32].

III.1.3. Fabrication des électrodes de diamant dopé au Bore

La langue électronique développée pour cette étude se base sur le principe de la multi-détection simultanée des espèces chimiques. Elle est constituée de microcellules électrochimiques planes intégrées en un film de 300 nm de diamant microcristallin dopé au bore à 8000 ppm et déposé sur une tranche de silicium isolé de 4 pouces de diamètre. Les électrodes BDD ont été produites par Adamant Technologies (La Chaux-de-Fonds, Suisse). Le diamant polycristallin dopé au bore (concentration de bore supérieur à 8000 ppm) a été obtenu par MPECVD sur du silicium recouvert d'une couche isolante d'oxyde de silicium et de nitrure de silicium (Si/SiO2/Si3N4) de 0,5μm d'épaisseur. Les électrodes ont été microstructurées dans la plaquette de BDD par micro-usinage [34]. Celui-ci a été mené par IMPULSION SAS Entreprise à l'aide d'un laser femtoseconde (5 kHz, 2,5 W, 800 nm, 150 fs); une tête de balayage et un ensemble XYZ de déplacement des plaques. Les paramètres choisis lors du traitement sont les suivants: Puissance 150 mW; scanner optique 80 mm et la vitesse 10-20 mm/s. La structure de chaque microcellule BDD, en particulier l’électrode de travail, contre-électrode et la pseudo-référence, est représentée sur la figure II.9.

III.1.4. Microcellule électrochimique de mesure

La conception de telle microélectrode a suscité le développement de microcellules fluidiques miniaturisées et bien adaptées. Dans ce sens, nous avons utilisé une microcellule fluidique de type FC4 fournie par BVT Technologies, République Tchèque (Figure II.10). Conçue en polyétheréthercétone (PEEK), elle a des terminaisons en téflon permettant une connexion entièrement compatible aux tubes de chromatographie. L’électrode est insérée dans le compartiment (front descendant), puis le couvercle est fermé et serré par une vis. L'écoulement de la solution se fait à jet orthogonal (wall-jet) sur l'électrode de travail et est optimisée pour éviter les bulles. En effet, dans le cas du système "wall-jet" couplé à la détection électrochimique, le flux de la solution à analyser, émanant d’un orifice de faible diamètre, est normal à la surface de l’électrode de travail. La solution qui touche la surface de l’électrode provient essentiellement du jet et non du volume mort de la cellule. Ainsi, la solution qui arrive sur l’électrode est toujours fraîche. Cette microcellule est choisie pour son faible volume; 5 μL de la solution suffisent pour faire les tests. A l’autre extrémité de la microcellule, un câble de sortie sera connecté à une unité d’acquisition des données.

Figure II.10: Microcellule fluidique. III.1.5. Système d'acquisition des données

L’équipement couramment répandu pour faire des mesures en électrochimie est le potentiostat. Développé en 1942 par Hickling [35], cet équipement permet à la fois de mesurer le potentiel entre l’électrode de travail et l’électrode de référence et de fournir le courant entre l’électrode de travail et l’électrode auxiliaire. La figure II.11 représente le schéma de principe d’un potentiostat. Ce montage évite que le courant ne circule dans l’électrode de référence et que sa composition ne varie au cours de la mesure, ce qui engendrerait un potentiel fluctuant.

Figure II.11: Schéma de principe d’un potentiostat

Le système électrochimique est piloté par un potentiostat PalmSens (Eindhoven, Hollande), qui permet l’application de diverses techniques ampérométriques et potentiométriques (Figure II.12). Cet instrument est connecté à l’ordinateur par l'intermédiaire d'un port USB ou série (RS232) ou au moyen du câble de technologie sans fil Bluetooth. Il est doté d’un logiciel d’acquisition et de traçage des données relatives à la méthode électrochimique choisie. La voltammétrie à redissolution anodique à impulsion différentielle (DPASV) et la voltammétrie cyclique, en particulier, sont pilotées par PalmSens associé au logiciel PSTrace pour l’acquisition et le traitement des données. En effet, ayant une interface interactive, le programme effectue automatiquement la sélection du potentiel de pic, la hauteur, la surface et la largeur. Une régression linéaire ou intégration peut être réalisée sur une partie notable de la courbe obtenue. Le lissage de la courbe de mesure est possible également. Deux courbes peuvent être soustraites les unes des autres. Les fichiers de données peuvent être stockés et chargés. Ce sont des fichiers standards ASCII et ils peuvent facilement être importés dans d'autres programmes (Excel ou Matlab par exemple).

III.1.6. Protocole de mesures

Avant chaque expérimentation, l’électrode BDD est nettoyée et activée par 10 mL de la solution Piranha (un mélange de H2SO4 (95-97%) / H2O2 (30%) [V/V = 7:3]) pour une durée de 5 minutes. L’électrode BDD est ensuite rincée avec de l'eau distillée, séchée par l'azote et activée par voltammétrie cyclique, dans du HNO3 à0,1 M.

Les mesures semi-quantitatives sur les métaux lourds sont effectuées par DPASV. Pour chaque test, nous optimisons les paramètres suivants: le potentiel de départ est de –2 V, celui d’arrivée est de +0,5 V et celui de dépôt est de –2 V. Les temps de conduction, de dépôt et d’équilibre sont tous égaux à 5 s. La vitesse de balayage est de 50 mV/s. Les conditions de mesures standards sont effectuées dans une solution tampon de citrate de potassium à 0,1 M à pH de 2. Dans un premier temps, l’électrode BDD est immergée dans les solutions des métaux lourds (zinc, cadmium, cuivre, nickel, plomb et mercure) complexés à des concentrations bien précises pour constituer ce qu’on appelle une base d’apprentissage. Cette base sera considérée comme un référentiel pour toutes les prochaines analyses et permettra l’identification des métaux dans des eaux synthétiques et réelles.