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La Présidente (Mme Hovington): Alors, allez-y.

M. Langlois: Alors, j'y vais. La FAPUQ, la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, comme l'a dit tout à l'heure le président, s'intéresse, bien sûr, au financement des universités, mais aussi à tout ce qui touche le milieu de l'éducation et de l'en-seignement supérieur. Une de ses principales préoccupations a été, effectivement, le sous-financement des universités parce que, entre autres, il remet en question le principe de l'accessibilité à une éducation universitaire de qualité.

En septembre 1986, les membres de la Fédération participaient avec d'autres syndicats de professeurs à la présentation d'un mémoire sur le sujet. Depuis, la FAPUQ n'a cessé d'exprimer ses inquiétudes à cet égard, à de multiples occasions. C'est ce qui l'a amenée, d'ailleurs, à créer, en 1988, un comité des affaires universitaires dont le mandat est d'étu-dier toute question qui touche de près à la vie universitaire. Toute mesure, donc, qui tend à remettre en question l'accessibilité à l'enseigne-ment supérieur nous préoccupe grandel'enseigne-ment.

C'est dans ce contexte que le document intitulé "L'aide financière aux étudiants dans les années 1990: Orientations gouvernementales, qui avait été déposé en avril 1989 par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, a particulièrement retenu notre attention. Le dépôt

du projet de loi 25 sur l'aide financière aux étudiants, précédé de l'annonce par le ministre du dégel des frais de scolarité au niveau univer-sitaire, a tout naturellement amené le comité à se pencher à nouveau sur les grands principes de la démocratisation et de l'accessibilité qui caractérisent l'histoire de l'enseignement au Québec depuis la Révolution tranquille. Cette réflexion s'est faite à la lumière de l'énoncé de politique sur l'aide financière aux étudiants mis de l'avant par le gouvernement et le projet de loi à l'étude. L'accessibilité à l'éducation et au diplôme universitaire demeure donc la principale préoccupation de la FAPUQ dans le cadre du débat intense qui secoue actuellement le milieu de l'enseignement.

Le dégel des frais de scolarité, la position traditionnelle de la Fédération. Il convient donc, au préalable, de rappeler la position tradition-nelle de la FAPUQ sur ce sujet. Dans un mémoi-re commun des professeurs d'universités auquel je me référais tout à l'heure, en 1986, nous écrivions: Tout en sachant que la gratuité n'assure pas à elle seule l'égalité d'accès à l'université, il faut reconnaître que les frais de scolarité, même minimes, constituent un obstacle pour les plus démunis. Ainsi, il faut non seule-ment maintenir les frais de scolarité à leur niveau le plus bas mais, au premier cycle sur-tout, subventionner les étudiants les plus dému-nis. " C'est tiré de ce mémoire intitulé: "Autono-mie, accessibilité et fonction critique".

Plus récemment encore, à l'occasion de son conseil fédéral de juin 1989, la FAPUQ réaffir-mait très clairement sa position par une résolu-tion non équivoque adoptée quasi unanimement:

La FAPUQ s'oppose à toute hausse des frais de scolarité des étudiants.

Le dégel, est-ce une solution au problème du sous-financement? Malgré la situation difficile que vivent en ce moment les universités québé-coises et malgré les problèmes financiers qu'éprouve le gouvernement québécois, ce qui est d'autant plus aigu, semble-t-il, ces derniers temps, la FAPUQ ne croit pas que l'augmentation des frais de scolarité réclamée par de nombreux intervenants de la société québécoise constitue en soi la panacée à tous les maux qui affligent les universités du Québec. La FAPUQ ne croit pas non plus qu'une augmentation des frais de scolarité signifiera automatiquement que l'en-veloppe budgétaire mise à la disposition des universités québécoises en sera d'autant augmentée. Interrogé sur cette question tout récemment, à l'émission Virages, le président de la CREPUQ, M. Kenniff, n'a pu, en fait, le confirmer lui non plus. Rien n'assure, d'autre part, que l'augmentation des frais dans une institution accroîtra d'autant la masse budgétaire de cette dernière et c'est bien ce que nous avons cru comprendre des propos du ministre tenus récemment.

Jamais qui que ce soit au gouvernement du

Québec n'a donné l'assurance aux universités qu'elles pourraient conserver l'intégralité des fonds supplémentaires ainsi recueillis. Il n'est pas sûr que le gouvernement n'amputera pas le budget global du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science d'une partie ou de la totalité des nouvelles ressources rendues dis-ponibles. À notre avis, et jusqu'à preuve du contraire, il pourrait tout aussi bien s'agir d'un leurre qui, malheureusement, semble présentement attirer tant les administrateurs d'universités qu'une partie de la population en général.

L'avenir nous donnera peut-être tort, mais l'histoire récente nous rend fort méfiants. Et même si le mémoire a été écrit il y a déjà quelques semaines, je pense que l'histoire la plus récente semble vouloir nous donner raison.

L'impact sur l'accessibilité aux études universitaires. Ce qui préoccupe davantage la FAPUQ face à l'augmentation prévisible des frais de scolarité, c'est son impact sur l'obtention du diplôme de premier cycle et l'accessibilité aux études de deuxième et troisième cycles. En effet, tous les intervenant du milieu universitaire s'entendent pour affirmer que le rattrapage pour ce qui est de la diplomation aux cycles supé-rieurs que devaient permettre les mesures d'accessibilité mises en place au milieu des années soixante est loin d'être acquis.

Dans ce contexte, donc, nous croyons que la hausse des frais de scolarité amènera un grand nombre d'étudiants soit à renoncer aux études universitaires, soit à abandonner celles qu'ils ont entreprises, qu'il s'agisse d'études de premier, de deuxième ou de troisième cycle. Nous croyons pouvoir l'affirmer malgré la réforme de l'aide financière qui est présentement à l'étude. La démonstration du contraire, en fait, aurait incombé au gouvernement. Le ministre se devait, d'après nous, de démontrer par des études sérieuses que le dégel, évalué à la lumière de la réforme de l'aide financière, ne menace ni le chemin parcouru en ce qui concerne l'accès-sibilité aux études supérieures ni l'avenir de ce qui sera, il faut bien le dire, celui que se réserve l'ensemble de la société québécoise à l'aube des années deux mille.

Les éléments d'analyse dont nous disposons concordent tous à démontrer que l'augmentation des frais de scolarité aura un impact négatif sur la clientèle universitaire. Nous nous référons à une étude publiée en 1986 pour le compte de la FAECUM, association étudiante, et faite par Léger & Léger, qu'advenant une hausse substan-tielle des frais de scolarité "12 % des étudiants inscrits à temps plein et 19, 5 % inscrits à temps partiel abandonneraient leurs études et près de 25 % des étudiants inscrits à temps plein modi-fieraient leur statut pour poursuivre leurs études à temps partiel. " D'après la même étude, l'impact d'une hausse des frais de scolarité se ferait encore plus durement sentir chez les femmes que chez les hommes. Plus de 15 % d'entre elles

abandonneraient tout simplement leurs études et les abandons surviendraient surtout dans le secteur des sciences humaines. Le document ajoute, et cela est plus grave, quant à nous, pour l'avenir de la société - et je cite - "Plus que la poursuite même des études, c'est la longueur de ces études qui est affectée par la perspective d'une hausse des frais de scolarité: il est beaucoup moins question de s'engager dans de longues études universitaires... dans une proportion élevée, l'on abandonne le projet de poursuivre les études au niveau du deuxième et troisième cycle:..." Le pourcentage passe alors de 50,7 % à 37,5 %.

Le journaliste André Pratte, dans un article paru dans La Presse le 25 janvier de cette année, relate une entrevue qu'il a eue avec l'économiste David Stager, spécialiste canadien de la question. Ce dernier, nous dit-il, prévoit que la hausse annoncée entraînera une baisse de clientèle de 13 %, tout en précisant que le phénomène devrait se résorber après trois ans.

Enfin, d'après le sondage tout récent aussi CROP-La Presse du 3 février, la hausse projetée aura pour effet, selon les répondants toujours, de provoquer l'abandon des études de 9 % des étudiants au niveau collégial et de 5 % au niveau universitaire. Elle aura également pour effet d'obliger 28 % des collégiens et 18 % des univer-sitaires à travailler davantage à des fins lucra-tives.

L'approche gouvernementale du financement des études universitaires. Pour la FAPUQ, ce qui paraît encore plus grave dans la décision gouver-nementale d'augmenter les frais de scolarité, c'est le fait de reporter indistinctement sur la tête de tous les étudiants, quelles que soient leurs perspectives d'avenir, la fardeau de la hausse. On part du postulat que la formation supérieure est d'abord un bien individuel qui profitera, avant tout, à ceux qui l'acquièrent.

Rien de plus discutable, pourtant. L'éducation n'est pas un bien de consommation comme un autre; c'est aussi un enrichissement collectif et qui profite autant, sinon plus, à la société qu'à l'individu. L'adage "Qui s'instruit s'enrichit" a longtemps été mis de l'avant pour démontrer que l'accès aux études universitaires équivalait presque automatiquement à un emploi stable et rémunérateur. Si cela s'est avéré ainsi dans les décennies soixante et soixante-dix, il faut tempérer aujourd'hui cette affirmation dans ce qu'elle comporte de trop absolu. Qui pourra, par exemple, jamais prétendre que l'étudiant en théologie ou en lettres a les mêmes chances de rentabiliser son éventuelle mise de fonds au sortir de l'université que l'étudiant en médecine ou en administration? Et pourtant, le gouverne-ment les frappe tous indistinctegouverne-ment de la même hausse comme s'ils avaient la même promesse d'enrichissement.

Il est reconnu depuis longtemps que le mode de taxation le moins régressif et le plus

équita-ble est l'impôt sur le revenu. Il nous seméquita-blerait beaucoup plus juste que le gouvernement répar-tisse sur l'ensemble de la collectivité les coûts de l'éducation supérieure et fasse payer davan-tage ceux dont le revenu est plus élevé. C'est ainsi que ceux qui tireraient profit de leurs études universitaires devraient rendre à l'État une plus juste quote-part de leur enrichissement.

Certaines formules là-dessus ont été proposées, dont une par un organisme étudiant, en 1986, qui existe d'ailleurs dans certains pays - je crois que c'est l'Australie - qu'il y ait une surtaxe à l'impôt dans les études universitaires, une fois les études universitaires terminées, si le revenu est suffisant. Une autre forme aussi a été proposée par la commission Jean, à savoir une taxe sur la grande entreprise qui est certaine-ment un des principaux bénéficiaires du système de formation supérieure que se donne une collectivité. D'autant que des comparaisons établissent que les milieux d'affaires québécois contribuent moins que leurs voisins au finance-ment des universités - et je cite un extrait d'article paru dans Le Soleil du 11 mars: - "Nos hommes d'affaires réclament une main-d'oeuvre plus qualifiée, des chercheurs plus nombreux et plus compétents, des universités plus performan-tes pour aider nos entreprises à devenir plus compétitives sur la scène internationale. Cepen-dant, ils se montrent nettement plus avares que leurs collègues anglophones et américains quand vient le temps d'appuyer financièrement nos universités."

(20 h 30)

Au lieu, donc, de se plaindre du sous-financement et de vouloir faire porter le fardeau par les étudiants, nos hommes d'affaires feraient bien d'augmenter leur propre contribution. C'est d'ailleurs ce que proposait récemment un parti politique du Québec et c'est ce que les syndicats et associations de professeurs du Québec suggé-raient dans leur mémoire qu'ils présentaient à la commission parlementaire, en 1986. "On pourrait imaginer - et je cite - une contribution par-ticulière des grandes entreprises à la formation universitaire sous forme de taxe par exemple."

La Loi sur l'aide financière aux étudiants.

Une analyse rapide des orientations de base ayant inspiré le gouvernement dans le cadre du projet de loi nous permet de considérer que l'approche adoptée est en soi louable, bien que conservatrice comme prise de position. Les orientations en question sont citées dans les orientations gouvernementales, je me passe de les lire.

En effet, l'aide financière aux étudiants est, dit-on, essentiellement supplétive. Elle repose sur le principe que l'étudiant, ses parents, son conjoint sont les premiers responsables financiers des études postsecondaires. Par contre, elle doit être analysée en fonction d'une hausse de plus du double des frais de scolarité au niveau universitaire.

Les principes de la réforme, tels qu'ils apparaissent dans le document des orientations générales qu'on énumère ensuite, et je passe...

Avant d'entrer de plain-pied dans l'étude du projet de loi et de son adéquation avec les principes ci-haut mentionnés, nous aimerions faire les remarques préliminaires qui suivent.

De 14 articles que contenait la Loi sur les prêts et bourses, le projet de loi en contient 65.

Bien qu'il codifie, en substance, certains des principes ci-haut mentionnés, comm» le caractère contributif du régime, la définition et la gestion d'un prêt, la définition d'une bourse, etc., il n'en demeure pas moins que le projet de loi, dans son aspect essentiel, c'est-à-dire le calcul de l'aide financière et ses paramètres, demeure dans le domaine de la législation déléguée. C'est, effec-tivement, dans la réglementation que nous pourrons voir si sont tenues ces promesses de financement. Là-dessus, je pense que M. le ministre a fait part des contraintes de présenta-tion de budget avant la présentaprésenta-tion des règle-ments, sauf que nous devons bien prendre cela comme c'est actuellement, c'est-à-dire sans réglementation, en sachant que tout cela peut être modifié.

On remarque, et il faut le souligner, que les articles 47 à 52 du projet de loi laissent craindre la formation d'un système qui permettrait d'enquêter sur tout fart visé par la loi ou le règlement. L'apparition de telles dispositions n'est pas sans rappeler le débat encore récent sur les dispositions comparables de la Loi sur l'aide sociale. Est-il besoin d'en rajouter?

Surtout que nulle part dans le document portant sur les orientations gouvernementales, ni dans l'ensemble des données disponibles, on n'a fait mention d'abus au régime qui permettraient d'évaluer la pertinence d'une telle mesure.

Les articles 43 à 45 instituent un comité d'examen des demandes dérogatoires auxquelles serait soumise la demande d'aide financière prévue à l'article 42. Ce comité d'examen n'au-rait aucun pouvoir autre que d'aviser le ministre.

Puisque le projet de loi crée des droits et obligations pour l'étudiant et que la privation partielle ou totale des droits qui sont prévus audit projet peut avoir un impact déterminant sur la poursuite de ses études, nous nous inter-rogeons s'il ne serait pas pertinent de remplacer ce comité aviseur par un tribunal au sens de l'article 23 de la Charte des droits et libertés.

Et je crois, entre parenthèses, que nous rejoi-gnons là les propos de M. le Protecteur du citoyen québécois, M. Jacoby, cet après-midi.

Bien sûr, cette quasi-judiciarisation du recours pourrait augmenter le délai de prise de décision, mais elle aurait l'avantage de soumettre le processus décisionnel d'attribution de l'aide à un tribunal qui assurerait à l'étudiant la protec-tion de ses droits garantis, par ailleurs, par la Charte et l'application des règles de justice naturelle. Dans ce sens, l'ensemble du processus

décisionnel de l'attribution de l'aide devrait être soumis à la juridiction de ce tribunal, et non seulement à la décision visée à l'article 42 du projet de loi; et la décision de ce tribunal, évidemment, serait finale et sans appel. Cette solution est envisageable, surtout en considérant les sommes substantielles qui sont en jeu pour l'étudiant - plus de 14 000 $ en 1989, par exemple - et l'impact que peut avoir sur son avenir le refus d'attribution d'aide. Il peut être utile de rappeler que pour un litige civil dont le montant s'élève à 15 000 $, tout étudiant peut s'adresser à la Cour supérieure et non pas à un simple comité-conseil.

Accessibilité aux études postsecondaires.

Hormis l'article 1 du projet de loi qui institue un programme d'aide financière pour les études universitaires à temps partiel, celui-ci reste muet sur la concrétisation de ce principe. M. le ministre a annoncé, d'ailleurs, que cette aide était remise à plus tard, que cette partie était remise à plus tard.

Le document sur les orientations gouver-nementales indique, par ailleurs, que les modifi-cations envisagées entraîneront une augmentation de 20 % du nombre de bénéficiaires. Pour chacun de ceux-ci, l'aide moyenne connaîtra un accrois-sement de 915 $. Si on considère que l'augmenta-tion moyenne des frais de scolarité sera de 350 $ à 400 $ l'an pour les deux prochaines années, l'augmentation réelle, donc, de l'aide moyenne s'en trouvera d'autant diminuée et l'accessibilité aux études postsecondaires plus compromise.

D'autant que, d'après l'économiste Clément Lemelin, et je cite: "Des études indiquent aussi que les étudiants sont plus sensibles aux droits de scolarité qu'aux bourses".

Responsabilisation de l'étudiant, de sa famille et de son conjoint. La recommandation numéro 7 des orientations gouvernementales propose de demander à l'étudiant une contribu-tion minimale fixe selon le niveau d'enseignement pour les différents cycles universitaires, ce qui est en soi équitable. C'est le salaire minimum qui, actuellement, tient lieu de base du calcul de cette contribution. Rien ne justifie qu'une telle base doive être modifiée

Quant à la contribution parentale...

La Présidente (Mme Hovington): Ça fait déjà 20 minutes.