• Aucun résultat trouvé

de la commission, M. le ministre. Je suis Michel Campagna, président de l'Intersyndicale, qui regroupe douze syndicats de professeurs des universités québécoises qui comptent, à eux douze, 4800 membres. J'ai avec moi ce soir, à ma gauche, M. André Leblond, qui est vice-président de l'Intersyndicale et président du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicou-timi; à la gauche de M. Leblond, c'est M. Roland Ouellet, vice-président du Syndicat des

profes-seurs de l'Université Laval; à la gauche de M.

Ouellet, M. Joseph Mathieu, qui est vice-prési-dent du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi; à ma droite, M. Roch Denis, qui est président du Syndicat des profes-seurs de l'Université du Québec à Montréal; à la droite de M. Denis, M. Claude Livemoche, qui est président du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Rimouski.

De toute évidence, Mme la Présidente, la nécessité d'une nouvelle loi ayant pour objet d'établir un cadre législatif pour l'application d'un régime d'aide financière aux étudiants sous forme de prêts et bourses ne fait aucun doute pour les syndicats participant à l'Intersyndicale des professeurs des universités québécoises.

Toutefois, ce projet de loi, tel que présenté, est un cadre législatif qui ne répond pas aux besoins et aux réalités socio-économiques du Québec,

"paramétrés" présentement par une scolari-sation universitaire au niveau global, une sous-scolarisation aiguë au niveau des régions, une sous-scolarisation universitaire aiguë au niveau des femmes, l'éclatement des familles et l'aug-mentation, par conséquent, des familles monopa-rentales et des jeunes mères célibataires.

Ce projet de loi ne tient pas compte non plus de la volonté des femmes, des jeunes, d'accéder à leur indépendance économique.

Par conséquent, Mme la Présidente, et compte tenu de ces énoncés, l'Intersyndicale se devait de réagir et de présenter un mémoire ayant pour but d'apporter une critique construc-tive à ce projet de loi, dans le but de contribuer un tant soit peu à son amélioration. À cette fin, nous avons articulé ce mémoire autour des trois objectifs principaux suivants: premièrement, l'au-tonomie des étudiants et des étudiantes; deuxiè-mement, l'accessibilité de tous ceux et celles qui sont aptes aux études universitaires et, troisiè-mement, le financement adéquat par l'État des universités.

Nous allons d'abord développer le thème de l'autonomie. L'étude globale du projet de loi 25 révèle qu'il repose sur le maintien d'un lien de dépendance de tous les étudiants et étudiantes universitaires vis-à-vis de leurs parents et d'un lien de dépendance des femmes et des hommes vis-à-vis de leur conjoint au mépris de leur autonomie. Ce projet écarte de plus une quantité très importante des étudiants universitaires, soit les étudiants adultes. À titre indicatif, dans le réseau de l'Université du Québec, ces étudiants adultes sont au nombre de 51 000 et constituent les deux tiers des inscrits. Par conséquent, l'Intersyndicale recommande que les chapitres I et II du projet de loi 25 soient modifiés pour assurer la pleine et entière autonomie de la femme et de l'homme par rapport à son conjoint, de l'étudiant et de l'étudiante de niveau univer-sitaire a l'égard do ses parents et des adultes en situation de perfectionnement ou de retour aux études après une expérience sur le marché du

travail.

Mme la Présidente, pour atteindre cet objectif de pleine autonomie, l'Intersyndicale re-commande que la loi 25 prévoie: 1° que la con-tribution parentale soit progressivement abolie ou carrément supprimée; 2° que la contribution des conjoints soit également abolie; 3° que les étudiants adultes aient accès à une assistance financière, soit par un régime de prêts et bour-ses spécial, soit par un programme de formation professionnelle associé aux programmes d'aide sociale ou d'assurance-chômage; 4° que les étu-diants de deuxième et troisième cycles soient éligibles au programme de prêts et bourses, sans restriction; 5° qu'à l'exemple d'autres provinces ou États américains des programmes d'assistance et de création d'emplois permettent d'assurer aux étudiants gradués un revenu minimum de 12 000 $ par an. En particulier, ces étudiants devraient pouvoir bénéficier à l'université d'a-vantages spécifiques tels que des bourses d'excel-lence, des salaires d'assistant, des salaires de moniteur, etc.

Permettez-nous, Mme la Présidente, de citer nos collègues Dumont, Dansereau, Fortin, Bou-chard et al. dans Le Devoir du 27 février: "Si l'on veut augmenter au Québec le nombre de candidats... à la diplomation de maîtrise et de doctorat, il faudra envisager des mesures sérieu-ses de support financier et ne pas augmenter indûment les frais de scolarité. À ce stade des études - de maîtrise et doctorat - les abandons sont très nombreux et dus très souvent à un besoin d'argent."

Nous abordons maintenant le second thème:

l'accessibilité générale aux études supérieures.

Hélas! Le gouvernement a autorisé les universités à hausser considérablement les droits de scolarité afin qu'elles puissent, éventuellement, compenser le manque à gagner de leur financement par l'État. L'Intersyndicale croit que cette mesure diminuera l'accessibilité à l'université et, par le fait même, qu'elle nuira aux étudiants. N'est-il pas communément admis que, plus le niveau de formation est élevé dans une société, plus celle-ci se développe politiquement, économiquement et socialement. Il y a donc un rapport évident, pour nous, entre le développement de la conscience politique et sociale du citoyen, son bien-être économique et son niveau de scolarisation. Ce rapport est d'autant plus important pour nous, Québécois, que nous entrons dans une période de libre-échange avec les États-Unis, un phénomène qui entraînera une croissance du secteur tertiaire de l'économie.

Dans un tel contexte, il est impérieux que les études supérieures soient accessibles à tous les Québécois et à toutes les Québécoises. Sans doute, le gouvernement va-t-il répondre que cette accessibilité est déjà un fait. Nous répon-dons: Non, Mme la Présidente, ce n'est pas le cas. Je vous invite à regarder les tableaux 1 et 2, en annexe à notre mémoire. D'abord, sur le

tableau 1. au niveau du Québec, globalement, le taux de scolarisation universitaire, au Québec, se situe en dessous de la moyenne canadienne: 8,6 % comparativement à 9,6 %. Deuxièmement, le taux de scolarisation universitaire du Québec est inférieur de 2 % à celui de l'Ontario, ce qui nous place en situation de nette infériorité. Troisième-ment, le taux de scolarisation universitaire des femmes québécoises se situe à 6,8 % compara-tivement à 10,5 % pour les hommes, soit un écart relatif de 35 %. Quatrièmement, le taux de scolarisation universitaire est de 12,6 % à Montréal et à Québec, alors qu'en région on constate des taux qui sont de beaucoup infé-rieurs: 4,3 % en Abitibi, 4,6 %, en moyenne, au Lac-Saint-Jean, 6,7 % au Saguenay, 8,2 % à Rimouski et 8 % en Mauricie.

À la suite de ces constats, l'Intersyndicale est plus que jamais convaincue que l'accessibilité est un droit fondamental et qu'elle doit être retenue par le gouvernement comme une grande priorité. En conséquence, nous recommandons au gouvernement de surseoir à toute hausse des frais de scolarité; en second lieu, d'ajouter au projet de loi 25 des dispositions spéciales en faveur des femmes québécoises, leur permettant de rattraper le taux de scolarisation universitaire des hommes; en troisième lieu, de proposer un nouvel énoncé de politique comportant a la fois des modifications au projet de loi 25 et d'autres mesures législatives, afin de permettre le rat-trapage du taux de scolarisation universitaire des régions et des sous-régions du Québec, soit par des programmes spéciaux d'aide financière aux étudiants adultes, soit par l'offre d'un plus grand nombre de programmes d'études et de services sur place.

Mme la Présidente, le ministre Claude Ryan a reconnu que la hausse des frais de scolarité entraînera une baisse de 5 % du nombre d'étu-diants. Une étude récente évalue que doubler les frais de scolarité au Québec entraînerait une chute de 12,5 % de la fréquentation universitaire.

L'Intersyndicale en conclut qu'indéniablement l'accessibilité sera diminuée et qu'en conséquence l'enveloppe de financement des universités sera réduite d'autant. Cette diminution sera non seulement dramatique pour l'accès des femmes, des populations à temps partiel et des étudiantes moins favorisées à l'université, mais aussi pour le développement de la scolarisation universitaire en région.

Nous abordons maintenant le troisième objectif qui est le financement adéquat des universités par l'État. Dans son mémoire au premier ministre, la Conférence des recteurs avait fait état de deux études permettant d'ap-précier le degré de sous-financement de nos universités. On y lit: "Les universités sont sous-financées à raison de 200 000 000 $ par an.

L'Intersyndicale ne croit pas nécessaire de répéter cette démonstration. Par contre, l'Inter-syndicale s'étonne que le gouvernement du

Québec abandonne sa responsabilité première de financer adéquatement le réseau des universités en choisissant des solutions de facilité, à savoir:

Première solution de facilité: le maintien et l'augmentation du ticket modérateur que tituent les frais de scolarité, ces frais cons-tituant une taxe spéciale imposée aux étudiants et étudiantes, alors qu'un projet de société adopté dans les années soixante avait voulu voir disparaître ces frais de scolarité avec le temps.

Comme deuxième solution <L<i facilité: le maintien d'un programme d'aide financière inadéquat, qui aura pour effet de limiter l'accès à l'université. Or, l'Intersyndicale pense que toute hausse des frais de scolarité provoquera, bien au contraire de l'effet visé, une importante diminution de l'enveloppe budgétaire allouée annuellement aux universités, puisqu'elle entraî-nera une baisse de la clientèle étudiante. De plus, même si une baisse de la clientèle étudiante des universités ne résultait pas de cette hausse de frais de scolarité, ce qui est bien improbable, rien n'assure encore que l'enveloppe budgétaire allouée à chaque université sera plus généreuse.

En effet, le ministère de l'Enseignement supé-rieur et de la Science pourrait très bien diminuer sa subvention, ou, dans la meilleure des hypothè-ses, la maintenir à son niveau actuel, en allé-guant, par exemple, qu'une partie de sa subven-tion provient de la hausse des frais de scolarité, ou encore que la subvention fédérale a été diminuée.

Mme la Présidente, il semble bien que le premier acte de ce scénario tragique soit déjà en cours. L'Intersyndicale désapprouve donc totale-ment la position des recteurs sur l'augtotale-mentation des frais de scolarité comme moyen de finance-ment des universités.

L'Intersyndicale constate également que les recteurs des universités en région n'ont pas réussi du tout à convaincre leurs collègues, ni à convaincre le gouvernement à introduire une formule de financement des universités du type

"Northern grant", laquelle tient compte de la taille et de l'éloignement, ainsi que de l'indice de sous-scolarisation universitaire des régions et des sous-régions.

Par conséquent, l'Intersyndicale propose les quatre solutions alternatives suivantes: première-ment, que le gouvernement du Québec perçoive un impôt spécial sur les grandes entreprises;

deuxièmement, que le gouvernement du Québec incite toute municipalité où est implantée une université, qui est desservie par cette université, à contribuer à son financement; troisièmement, que le gouvernement introduise des mesures fiscales supplémentaires permettant aux citoyens de contribuer au financement de leur université régionale; quatrième piste de solution, que le gouvernement du Québec introduise au plus tôt une formule de financement des universités du type "Northern grant", qui tienne compte de la taille, de l'éloignement et de l'indice de

sous-scolarisation universitaire des régions et des sous-régions.

Le projet de loi 25 constitue une négation à peine déguisée de l'accessibilité aux études supérieures pour les étudiants et étudiantes, accentuée par la hausse des frais de scolarité et le maintien du sous-financement des universités.

De plus, ce projet de loi 25 tel qu'il est ne comporte aucune mesure correctrice visant à favoriser le rattrapage des femmes québécoises, ni des populations régionales au plan de la scolarisation universitaire. Enfin, ce projet écarte totalement les étudiants adultes.

De ce point de vue, l'Intersyndicale est profondément déçue de ce projet de loi 25, d'autant plus que le Canada, dont le Québec est encore une des parties constituantes, a ratifié en 1966 et mis en vigueur en 1976 le Pacte des droits économiques et sociaux, dont on peut lire l'article 13.2C, je cite: "L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous, en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés, et notamment par l'instauration progressive de la gratuité."

(21 h 45)

Plus récemment, le Canada, par l'inter-médiaire des ministres provinciaux de l'Éducation, dont celui du Québec, au cours de la 41e session de la Conférence internationale de l'éducation, a adopté la recommandation 76. Cette recommanda-tion indique entre autres, le principe suivant:

Assurer à tous ceux qui ont les capacités requises pour accéder à ce niveau d'enseignement l'égalité des chances dans la préparation à la vie - et plus particulièrement à la vie profes-sionnelle - et dans la participation aux diverses activités de la société.

Quant aux mesures et programmes concrets à adopter, cette recommandation indiquait ce qui suit: Dans ce but, il est indispensable de prendre des mesures afin d'assurer aux étudiants remplis-sant les conditions voulues et dont la situation économique l'exige l'octroi de bourses, de crédits ou d'autres formes d'aide sociale et financière.

Une attention spéciale devrait être accordée à la formation pour l'emploi des femmes et des jeunes filles. À cette fin, l'inscription des jeunes filles dans les filières scientifiques et techniques devrait être encouragée et une plus large place devrait être également attribuée à l'emploi des professeurs femmes enseignant au niveau secon-daire.

En bref, Mme la Présidente, le projet de loi 25 est un cadre législatif qui répond probable-ment aux besoins du ministère et de son inten-dance. Ce projet de loi n'est malheureusement pas adapté aux besoins de la société québécoise d'aujourd'hui. Nous recommandons instamment aux membres de la commission et au gouverne-ment de prendre en bonne considération les recommandations de l'Intersyndicale. Nous vous remercions, ainsi que les députés membres de la commission et le ministre, pour votre bonne

attention et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M.

Campagna. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ryan: Mme la Présidente, je veux saluer