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5. P RÉSENTATION DES RÉSULTATS

5.1 L ES MOMENTS D ’ INFLUENCE DES PRODUCTEURS SUR LA PRODUCTION

5.1.5 P LAIRE AUX DIFFUSEURS

Les diffuseurs ont une place importante dans tout le processus de production. En effet, s’ils n’achètent pas le contenu, il n’y a pas de série. Les producteurs voudront donc, avant, pendant et

l’écran. C’est d’ailleurs l’expérience que relate le producteur de variétés populaires :

Des fois, le diffuseur peut même venir sur le plateau. On ne veut pas se ramasser à la fin du tournage et qu’il n’ait pas réagi. Si c’est des émissions à sketchs, on envoie les premières émissions. Ça nous permet de nous ajuster. C’est sûr que, des fois, on fait un pilote, carrément, pour que tout le monde voit la même affaire, qu’on comprenne pareil. Parce que ça évolue beaucoup quand même entre le texte et l’écran.

On comprend avec le témoignage du producteur de variétés populaires que le diffuseur influence l’étape du tournage pour émettre des ajustements, puisque toute la saison est tournée en même temps. Un exercice est fait pour que la vision du producteur soit la même que celle du diffuseur, et le producteur de variétés populaires le dit clairement : il veut que tout le monde « voit » la même chose. Tous les producteurs nous parlent également de la place du diffuseur dans les étapes d’approbation du scénario. « Après ça, c’est sûr que les commentaires du diffuseur, tu en tiens compte, c’est le client, il paie. » (Producteur de séries documentaires Web et télé).

Les productions sont donc tributaires des commentaires des diffuseurs, puisque ces derniers sont les principaux bailleurs de fonds. Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre 1, les diffuseurs se tournent maintenant vers des stratégies numériques afin d’attirer un plus grand public.

Les diffuseurs veulent de plus en plus du contenu qui se partage. Donc, des trucs qui se morcèlent. Maintenant, il faut « créer 360 ». Il faut créer en fonction d’avoir une autre offre sur les différentes plateformes. Tu sais, on ne pense plus à un seul show, c’est comme si on pense déjà à deux shows en commençant. Fait que, ça fait partie de nos stratégies de développement. (Producteur de variétés populaires).

Avec les nouvelles plateformes de diffusion en ligne par abonnement à nourrir, les diffuseurs veulent des contenus exclusifs pour aller chercher des publics différents. « Ce qu’ils font actuellement, c’est qu’ils remplissent, si tu veux, la programmation de Tou.TV, par exemple, pour être capable de vendre de l’abonnement. » (Producteur de séries fictives grand budget).

Ces contenus exclusifs sont essentiels à la survie des plateformes québécoises.

Au début, les chaînes disaient : « on va les mettre en ligne et on va les mettre à la télé après. » Mais tu ne vas pas t’abonner pour voir des shows qui seront à la télé plus tard. Tu vas attendre, tu vas les enregistrer et ça ne te coûtera rien. (Productrice de séries fictives populaires).

Par contre, les producteurs laisseront le soin aux diffuseurs de choisir l’endroit où ils présenteront les contenus achetés, sans changer leur façon de produire ou de gérer un projet. « Mais, sinon, pour moi, aujourd’hui, je travaille à raconter une histoire, à proposer une histoire, à travailler sur une série fiction. Qu’on la présente à Radio-Canada, à TVA, à Netflix… c’est une histoire. » (Productrice généraliste de séries populaires).

En somme, les producteurs ne se voient pas comme des créatifs, mais bien des gestionnaires de création. Ils portent la vision du projet tout au long du processus, sans pour autant prendre part à l’écriture d’un épisode ou à sa réalisation. Ils poseront plutôt des questions et voudront faire réfléchir leurs équipes. Les producteurs, mais surtout cette vision qu’ils portent, seront au cœur des décisions créatives prises tout au long du projet. Ils organiseront leurs équipes autour de cette vision en ralliant le plus de gens à leur idée. Les diffuseurs ont également un grand pouvoir sur les décisions, puisqu’ils sont les principaux investisseurs. Les médias sociaux, quant à eux, semblent être beaucoup plus importants pour les diffuseurs qui, selon la productrice de séries fictives populaires, sont davantage à l’affût des commentaires en ligne que les producteurs. Même si elles ont moins d’impact que les cotes d’écoute, ces interactions seront à l’origine de certains ajustements et demandes de la part des diffuseurs, comme avoir une distribution d’acteurs populaires.

Les diffuseurs aiment beaucoup avoir des gens qui sont connus à l’écran. […] Je te dirais que la popularité, pour nous, ce n’est pas le numéro 1. Mais après ça, ça reste que tu demandes des sous puis t’essaies de convaincre un fonds que ta série a besoin de financement. C’est sûr que si tu leur dis : « bien oui, j’ai Sarah-Jeanne Labrosse, j’ai Pier-Luc Funk », eux, ils se disent : « cette série-là a un potentiel d’être populaire, donc

de séries pour adolescents).

Caldwell (2008) avance qu’autant les producteurs que les diffuseurs utiliseront une « imagined

audience » pour justifier leurs requêtes. Comme il le précise : « neither the studios nor the

broadcasters are responsible for authoring television—instead, the audience is. » (Caldwell, 2008, p. 223). Il est donc pertinent de comprendre, dans cette optique, comment le public influence, par sa rétroaction en ligne, la création des producteurs, en commençant par expliquer les facteurs d’influence de cette technologie.