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SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

5 La voie de protéolyse ciblée Ubiquitine-Protéasome 26S

La capacité des cellules à basculer d’un stade de développement à un autre ou encore à s’adapter à de nouvelles conditions environnementales demande de pouvoir rapidement synthétiser de nouveaux polypeptides et dégrader des régulateurs préexistants. Différents systèmes de dégradation plus ou moins spécifiques des protéines coexistent au sein de la cellule. Dans la mitochondrie, la vacuole et certains plastes, des protéases dégradent les protéines de manière non-spécifique, par reconnaissance de certains acides aminés ou de certains sites (comme par exemple les protéases à cystéine, à acide aspartique, à sérine, les

Figure 33 : Organisation et structure du protéasome 26S (d’après Vierstra, 2003). Organisation du protéasome 20S (A) et du complexe régulateur 19S (B). N, sous-unités non-ATPasiques ; T, sous-unités ATPases de type AAA. (C) Structure du protéasome 26S et séquence des évènements conduisant à la dégradation d’une protéine polyubiquitinée en K48 par le protéasome 26S.

A- La partie catalytique, le protéasome 20S B- Le complexe régulateur 19S C- Le protéasome 26S couvercle base Cœur catalytique 20S 19S 20S Reconnaissance Dépliement Ouverture Clivage Relarguage A- La partie catalytique, le protéasome 20S B- Le complexe régulateur 19S C- Le protéasome 26S couvercle base Cœur catalytique 20S 19S 20S Reconnaissance Dépliement Ouverture Clivage Relarguage

métalloprotéases, les endo- et exo-peptidases). La voie Ubiquitine-Protéasome 26S, ou UPS, est le seul système à cibler spécifiquement des protéines pour une dégradation. Il consiste en l’ubiquitination de protéines substrat par l’intervention successive des enzymes E1, E2 et E3, puis d’une reconnaissance et d’une dégradation des protéines polyubiquitinées par le protéasome 26S. Bien que ce système existe chez la levure et tous les animaux, il a majoritairement été privilégié chez les plantes où il est d’une importance et d’une complexité considérable. Chez Arabidospis thaliana, les composants de cette voie représentent

approximativement 5% du protéome (Smalle et Vierstra, 2004). Il est par conséquent considéré maintenant comme l’un des systèmes de régulation majeur des fonctions cellulaires chez les plantes, avec la transcription et la phosphorylation des protéines. La haute spécificité de ce système de dégradation est apportée par le nombre important d’enzymes E3 ligases. Le génome d’Arabidopsis thaliana compte par exemple plus de 1500 gènes de E3, contre

seulement 2 gènes de E1 et 37 gènes de E2 (Vierstra, 2003 ; Hua et Vierstra, 2011). La reconnaissance E3 ligase–substrat a longtemps été imaginée comme un système clé-serrure ; le nombre de protéines ciblées étant tout aussi important qu’il existe de E3. Cependant, plusieurs exemples d’une même E3 pouvant cibler plusieurs substrats différents ont été récemment reportés, suggérant que le nombre de protéines régulées par la voie UPS serait bien plus important encore (Yi et Deng, 2005 ; Boulton, 2006).

5.1 Le protéasome 26S.

Le protéasome 26S reconnaît puis dégrade les protéines étiquetées avec une chaîne de polyubiquitine comportant au minimum 4 monomères d’ubiquitine, reliés en K48. Le protéasome 26S est un complexe protéolytique dépendant de l’ATP, de 2,5 MDa, présent dans le noyau et le cytoplasme des cellules animales et végétales. Il est fortement présent dans les tissus en division et lors de stress. Le protéasome 26S est constitué d’un cœur catalytique en forme de baril, le protéasome 20S ou CP (core particule), et de 2 complexes régulateurs 19S,

ou RP (regulatory particule), placés à chacune des extrémités du cœur catalytique (Vierstra,

2003 ; Figure 33).

5.1.1 Le protéasome 20S.

Le 20S, ou CP (core particle), est un complexe de 720 kDa composé de 28 sous-unités

la structure et 2 anneaux de sous-unités β au centre, enfermant une chambre protéolytique interne (Figure 33, A). Le complexe 20S est une protéase à large spectre, indépendante de l’ATP. Les sites protéolytiques actifs au sein de la chambre interne du CP sont des thréonines N-terminales des sous-unités β1, β2 et β5. Les sous -unités β1, β2 et β5 génèrent respectivement des activités peptidylglutamyle hydrolase, tryspine-like et chymotrypsine-like, donnant ainsi au CP la capacité de cliver la plupart des liaisons peptidiques (Kurepa et Smalle, 2008). Le CP dégrade les polypeptides préalablement reconnus et dépliés par le RP, en peptides de 6 à 9 résidus.

Tout comme chez la levure et les animaux, les sites actifs du 20S chez les plantes sont sensibles aux inhibiteurs sélectifs chimiques MG115, MG132, lactacystine et epoxomycine (Yang et al, 2004).

5.1.2 Le complexe régulateur 19S.

Chaque 19S, ou RP (regulatory particle), est un complexe multimérique de 890 kDa.

Chez Arabidopsis, le 19S est composé de 17 unités pouvant être divisées en deux

sous-complexes : le couvercle et la base (Glickman et Raveh, 2005 ; Kurepa et Smalle, 2008 ; Figure 33, B). La base est en contact direct avec le 20S. Elle est composée d’un anneau de 6 ATPases de type AAA (sous-unités RPT 1 à 6) et de 3 sous-unités non-ATPasiques (RPN1, 2 et 10). Les sous-unités RPT utilise l’hydrolyse de l’ATP pour aider au dépliement des polypeptides ciblés et ouvrir l’accès à la chambre interne du 20S (Hartmann-Petersen et al,

2003). Le couvercle du 19S est constitué de 8 sous-unités non ATPasiques (RPN3, 5 à 9 et RPN 11 et 12). Les fonctions du 19S sont la reconnaissance et la fixation de la protéine polyubiquitinée en K48, le retrait de la chaîne de polyUbs, le dépliement de la protéine cible et le transfert dans la chambre protéolytique du 20S. Les peptides clivés sortent du 20S par l’ouverture du cylindre grâce à l'énergie produite par l'hydrolyse de l'ATP catalysé par les sous-unités ATPasiques de la base du 19S.

D’autres protéines peuvent se lier plus faiblement au complexe 26S, suggérant que ce complexe multimérique serait à l’origine d’un plus grand complexe dynamique (Schmidt et al, 2005). Par exemple, chez les plantes, 2 protéines kinases (un homologue de SNF1 et une

protéine de la famille des kinases dépendante du calcium) interagissent avec le 26S sans doute pour réguler son activité (Farras et al, 2001 ; Lee et al, 2003). Chez la levure, la E3 de type

HECT Hul5, la déubiquitinase Ubp6 et la protéine Ecm29 aident à l’interaction du RP avec le CP. Des homologues de ces gènes ont notamment été retrouvés chez Arabidopsis.

Tableau 4 : Exemples de la fonction de gènes de la voie UPS, dans le développement d’Arabidopsis thaliana

De plus, le protéasome 20S peut également être retrouvé seul dans les cellules. Il assure une dégradation indépendante de l’ubiquitine des protéines oxydées par les espèces activées de l’oxygène et jouerait un rôle important dans les mécanismes de défense contre les potyvirus TMV et LMV du fait de son activité RNAsique (Kurepa et Smalle, 2008).

5.2 Les fonctions de l’UPS

La voie UPS a lieu dans le noyau et le cytoplasme, mais également sur la surface interne de la membrane plasmique et dans le réticulum endoplasmique. Elle est utilisée pour dégrader des régulateurs clés à courte durée de vie mais sert également à dégrader des protéines anormales ou à mauvaise conformation. On estime que pas moins de 30% des produits initiaux de traduction sont non-fonctionnels et sont rapidement dégradés par la voie UPS (Schubert et al, 2000). Les régulateurs clés incluent notamment des enzymes limitantes

de certaines voies métaboliques. En conférant une courte demi-vie à ces protéines, la voie UPS régule finement des flux métaboliques et peut diminuer le métabolisme quand le substrat est limité ou que le produit de la réaction métabolique est en excès et n’est plus nécessaire. Chez le soja, par exemple, la voie UPS dégrade une pyruvate kinase afin de contrôler la répartition du carbone dans la plante (Tang et al, 2003). Parmi les régulateurs clés sont

également retrouvés des récepteurs de signalisation ainsi que des activateurs ou répresseurs de la transcription (Clough et al, 1999 ; Hellmann et Estelle, 2002 ; Vierstra, 2003).

La voie Ubiquitine-Protéasome 26S impacte presque tous les aspects de la croissance et du développement de la plante, affectant notamment le cycle cellulaire, l’embryogénèse, la photomorphogénèse, la sénescence, les mécanismes de défense, les réponses à des stimuli de l’environnement et la signalisation hormonale (Vierstra, 2009 ; Tableau 4).