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La théorie sociocognitive (TSC)

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Chapitre 2 - Pratiques d’enseignement

3. La théorie sociocognitive (TSC)

Nous exposons donc la théorie « sociocognitive » développée par Bandura, construite à la suite des approches néo-piagétiennes. Ces approches mettent en avant la dimension sociale de l’apprentissage qui n’est pas facilitatrice de développement cognitif mais en serait un facteur propre. Nous postulons que c’est en situation de travail « dans » et

« par » l’action qu’il y a apprentissage et que donc différents types de savoirs peuvent s’acquérir.

3.1. Le modèle de causalité triadique réciproque

A partir de ces différents travaux Bandura avance qu’ « une théorie qui nie que les pensées peuvent réglementer les actions ne se prête pas facilement à l’explication du comportement humain complexe » (Bandura, 1986). Partant de ce principe-là, il développe, la « théorie sociocognitive » basée sur la théorie de l’agentivité humaine, le modèle de la « causalité triadique réciproque» où trois éléments s’influencent de manière réciproque. Ces éléments sont : l’individu, l’action et l’environnement.

L’individu se caractérise par les facteurs personnels d’une personne tels que l’expérience vécue sur le plan cognitif, biologique ou affectif. Ces éléments s’influencent mutuellement tant dans l’action que dans le développement de la connaissance. Le fait que ces éléments s’influencent ne signifient pas qu’ils le font de

manière égale : « leur influence relative peut varier selon les activités et les circonstances » (Bandura, 2003). De même il précise que les effets de ces influences réciproques ne sont pas nécessairement immédiats mais peuvent être décalés dans le temps. Dans son approche du fonctionnement psychologique, l’environnement influence l’individu qui l’influence ou le modifie en retour par ses comportements.

L’interdépendance de ces trois pôles montrée par Bandura caractérise la « causalité triadique réciproque ».

Ainsi ce système constitue le cœur épistémologique de l’œuvre de Bandura qu’il représente à travers un système triangulaire où chaque sommet représente un des trois facteurs nommés précédemment.

Figure 1 : le modèle de causalité triadique réciproque (Bandura, 1986)

A partir de cette modélisation, Bandura met en avant les relations réciproques entre ces trois facteurs. Dans un premier temps, intéressons-nous à la relation entre l’individu et l’action. Il précise qu’une personne avec toute son épaisseur (ses représentations, ses expériences, son vécu, ses ressentis) peut agir sur son comportement. Autrement dit, pour une situation identique deux individus auront des comportements différents. De plus par réciproque de l’interrelation, les actions d’un individu vont largement l’influencer. Si nous transposons à une situation d’apprentissage, les comportements mis en œuvre par un apprenant vont impacter et modifier ses cognitions face à une situation. Dans un deuxième temps regardons la relation réciproque entre l’individu et son environnement. Bandura précise que l’individu en relation avec une situation, va

modifier celle-ci et réciproquement par sa simple présence. L’environnement dans lequel se trouve l’individu va impacter sa cognition ainsi que ses processus affectifs.

Enfin dans ce troisième et dernier temps, observons la relation réciproque entre l’environnement et le comportement. La situation va influencer les comportements d’un individu. Il peut avoir des comportements conformistes, altruistes ou agressifs selon l’environnement ce qui permet de le protéger des effets dévastateurs de la situation ou bien à l’inverse des effets positifs. Et réciproquement, un individu peut de façon consciente ou inconsciente modifier l’environnement par son comportement. En d’autres termes pour Bandura : « le comportement humain est déterminé, mais il est partiellement déterminé par l’individu plutôt que par l’environnement seul. » (Bandura, 2003). Par contre, au niveau de la cognition, il privilégie le « sentiment d’efficacité personnelle » : « Les individus contribuent causalement à leur fonctionnement psychosocial par des mécanismes d’agentivité personnelle, dont le plus important et le plus répandu est la croyance d’efficacité personnelle. Les hommes sont peu inclinés à agir s’ils ne croient pas que leurs actes peuvent produire les effets qu’ils souhaitent. La croyance d’efficacité est donc un fondement majeur du comportement. Les individus guident leur existence en se basant sur la croyance en leur efficacité personnelle.

L’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (Bandura, 2003). Autrement dit, l’estimation que réalise une personne pour accomplir une tâche peut être tout aussi importante que sa capacité réelle à effectuer cette tâche.

Pour Bandura, une personne a la capacité de s’autoévaluer et de s’auto-organiser, elle n’est pas que le fruit de son environnement. Il nomme cela le concept « d’agentivité humaine » (Bandura, 2003).

3.2. L’origine du sentiment d’efficacité personnelle

Bandura indique que les individus bâtissent leur sentiment d’auto-efficacité en interprétant des informations provenant de quatre sources : les expériences de maîtrise, les expériences vicariantes, les persuasions sociales et les états physiologiques et émotionnels. Les travaux de Joët mettent aussi en avant l’influence des personnes

significatives pour les élèves (parents, enseignants…) dans la perception de leur sentiment d’efficacité personnelle à performances égales (Joët et Bressoux, 2007).

Bandura précise donc que le sentiment d’efficacité personnelle peut influencer les pratiques des individus mais il précise que les pratiques vont également influencer la construction de leur sentiment d’auto-efficacité. D’où la réalisation du concept de causalité triadique bidirectionnel que nous avons vu précédemment (voir schéma 1 ci-dessus).

Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) d’un individu a un lien avec les actions qu’il réalise et avec l’environnement dans lequel il se trouve, mais réciproquement ces deux derniers vont participer à la construction du SEP de l’individu.

3.3. Le sentiment d’efficacité personnelle : un élément organisateur des pratiques

Comme nous l’avons précisé précédemment, le SEP est un des éléments qui va permettre de caractériser un individu. Donc partant du modèle de causalité triadique réciproque, le sentiment d’efficacité personnelle peut être un outil de description des comportements dans un environnement donné. Galand et Vanlede montrent, dans le compte rendu sur les différents travaux relatifs au Sentiment d’efficacité Personnelle, que les résultats vont dans le même sens. Il existe « une relation entre le sentiment d’efficacité personnelle et performance ou persévérance » (Galand et Vanlede, 2004).

Le sentiment d’efficacité personnelle est donc un des éléments qui va organiser l’action d’un individu dans un environnement donné. Il peut donc être perçu comme un organisateur des pratiques d’enseignement. Dans nos travaux, nous étudions la sphère professionnelle des enseignants, nous utiliserons donc le terme de « Sentiment d’efficacité Professionnelle, qui n’est qu’un sous-ensemble du Sentiment Efficacité Personnelle » (Marcel, 2009).

Selon Bandura, le sentiment d’efficacité est un facteur interne à l’individu qui a une forte valeur prédictive sur les comportements humains (Bandura, 2003). Safourcade a mis en avant une relation entre le Sentiment d’efficacité Personnelle et les pratiques d’enseignement (Safourcade, 2010). Lors de cette recherche, basée sur l’étude de 106 enseignants de collège, l’auteur a évalué leur SEP qu’elle a mis en relation avec les pratiques d’enseignement. Elle a observé, ensuite, 23 enseignants, volontaires, afin de

déterminer différentes pratiques d’enseignement. Un entretien d’auto-confrontation a ensuite été réalisé après chaque séance observée, afin que les enseignants les valident.

Parmi les indicateurs d’efficacité de l’action enseignante qui ont été utilisés lors de cette étude, il y a les variables liées au sujet apprenant, c’est-à-dire l’observation des interactions entre l’apprenant et l’enseignant pendant la séance. Pour elle, le sentiment d’efficacité personnelle va organiser trois niveaux de l’action : celui de la valorisation de l’action, de la perception de l’action et enfin celui de la décision. Selon ses conclusions, « l’efficacité professionnelle perçue est donc un organisateur de l’action car elle permet d’expliquer les régularités et les variations des pratiques observées » (Safourcade, 2010). Par exemple, les enseignants ayant un fort sentiment d’efficacité professionnelle vont interroger les élèves pour s’assurer que certains aspects du cours ont bien été transmis. Cette affirmation se vérifie pour la majorité d’entre eux (régularité de la pratique). A contrario, les enseignants ayant un faible sentiment d’efficacité professionnelle vont moins centrer leurs interventions sur le contenu. Ici Safourcade montre une régularité de la pratique pour ceux qui ont un SEP élevé, mais elle montre aussi une variation de la pratique pour ceux qui ont un SEP faible. Nous pouvons donc dire, dans ce contexte, que le sentiment d’efficacité professionnelle, qui est une sphère du sentiment d’efficacité personnelle, est un des organisateurs des pratiques d’enseignement.

L’ensemble de ces processus cognitifs est organisé au sein des activités menées par les enseignants en situation. Lorsque nous nous intéressons à l’évolution des pratiques d’enseignement, nous regardons le comportement de l’enseignant en situation de classe qui dans certains cadres est nommé le « pouvoir d’agir » de l’enseignant.

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