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La stéatose hépatique : lipotoxicité ou lipoprotection ?

Partie I : Physiopathologie du foie et récepteurs nucléaires

5. La stéatose hépatique : lipotoxicité ou lipoprotection ?

La stéatose hépatique est associée au diabète de type II dans nombre d’études épidémiologiques. L’hypothèse d’une relation cause à effet entre l’accumulation de triglycérides dans le foie et la résistance à l’insuline a donc été émise (McGarry 1992). L’interrelation entre ces deux pathologies a été schématisée comme un cercle vicieux : d’un coté la résistance à l’insuline induit une hyperglycémie favorisant la lipogenèse et la stéatose hépatique, de l’autre l’accumulation de lipides au cours de la stéatose active différentes voies de signalisation directement ou indirectement via l’inflammation (Glass and Olefsky 2012) ou

le stress du réticulum endoplasmique (Fu, Watkins et al. 2012) aggravant la résistance à l’insuline (Chavez and Summers 2012; Samuel and Shulman 2012). Cependant, l’association entre la stéatose hépatique et la résistance à l’insuline est remise en question par plusieurs considérations. Tout d’abord, l’analyse méticuleuse des études cliniques montre que des sujets présentant des degrés similaires de stéatose hépatique peuvent présenter de faible et de forte sensibilité à l’insuline (Stefan, Kantartzis et al. 2008). De plus, des interventions visant à améliorer la résistance à l’insuline n’influent pas forcément sur le niveau de stéatose et inversement (Yu, Murray et al. 2005; Mao, DeMayo et al. 2006; Wendel, Li et al. 2010; Lonardo, Bellentani et al. 2011; Moon, Liang et al. 2012). Dans cette partie, nous allons voir que l’accumulation de lipides dans le foie n’entraine pas forcément une résistance à l’insuline. A l’état nourri, le foie convertit le glucose d’origine alimentaire en glycogène. Quand les réserves en glycogène hépatique sont constituées (environ 5% de la masse du foie), le glucose en excès est orienté vers la synthèse de novo d’acides gras qui sont ensuite estérifiés dans des triglycérides. Ces triglycérides sont incorporés dans les VLDLs et exportés hors du foie. Des patients présentant une mutation du gène codant pour l’apolipoprotéine B (ApoB), une protéine nécessaire à la synthèse des VLDLs, sont incapables d’excréter les triglycérides. Ces patients présentent une stéatose hépatique et une hypotriglycéridémie mais ne développent pas de résistance à l’insuline (Amaro, Fabbrini et al. 2010; Visser, Lammers et al. 2011). Dans le même sens, les souris transgéniques invalidées pour ApoB développent également une stéatose hépatique mais restent sensibles à l’insuline (Schonfeld, Yue et al. 2008). Les souris transgéniques n’exprimant pas le gène codant pour la « microsomale triglycérides transfert protein » (MTTP) (Minehira, Young et al. 2008), une protéine impliquée dans l’assemblage des VLDLs, ou pour la « Phosphatidylethanolamine N-methyl transferase » (PEMT) (Jacobs, Zhao et al. 2010) ou la « CTP: phosphocholine acetyltransferase α » (CTα) (Niebergall, Jacobs et al. 2011), deux enzymes impliquées dans la synthèse de phosphatidylcholine, un phospholipide requis pour la synthèse des VLDLs, développent aussi une stéatose hépatique sans changement de la sensibilité à l’insuline. De même, des souris nourries avec un régime déficient en choline et ne pouvant donc pas synthétiser de VLDLs développent une stéatose qui n’est pas accompagnée d’une résistance à l’insuline (Raubenheimer, Nyirenda et al. 2006).

Avant leur incorporation dans les VLDLs, les triglycérides sont stockés dans des gouttelettes lipidiques dans le cytoplasme des hépatocytes. Les gouttelettes lipidiques sont également l’endroit où se déroule la lipolyse, qui consiste en l’hydrolyse des triglycérides

(Lass, Zimmermann et al. 2011). Les souris transgéniques invalidées spécifiquement au niveau du foie pour le gène codant pour l’ « adipose triglycéride lipase » (ATGL ou PNPLA2), l’enzyme principale dans l’hydrolyse des triglycérides, développent une stéatose sans modification du statut inflammatoire ni de la sensibilité à l’insuline (Wu, Wang et al. 2011). Les gouttelettes lipidiques sont recouvertes de protéines importantes pour leur structure et la régulation de la lipolyse (Greenberg, Coleman et al. 2011). La « perilipin 2 » (Plin 2) fait partie de ces protéines et inhibe la lipolyse dépendante de ATGL dans le foie (Listenberger, Ostermeyer-Fay et al. 2007). La surexpression de Plin2 chez la souris induit une stéatose hépatique et est associée à une amélioration de la sensitivité à l’insuline (Sun, Miller et al. 2012). Les gouttelettes lipidiques apparaissent donc, vis-à-vis du développement du diabète de type II, comme des lieux temporaires protecteurs de stockage des triglycérides.

La synthèse de triglycérides est également une façon de protéger les hépatocytes d’une lipotoxicité des acides gras. En effet, les souris transgéniques surexprimant Dgat2 présentent une augmentation de la quantité hépatique de céramides, de diacylglycérols et de triglycérides mais sans modification de la sensibilité à l’insuline (Monetti, Levin et al. 2007). Comme nous le verrons plus en détails plus loin, SREBP-1c et le « carbohydrate-responsive element- binding protein » (ChREBP) sont deux facteurs de transcription qui, une fois activés, induisent l’expression de gènes impliqués dans la lipogenèse. La surexpression de Srebp-1c (Becard, Hainault et al. 2001) ou de Chrebp (Benhamed, Denechaud et al. 2012) dans le foie par adénovirus induit une accumulation de triglycérides hépatiques. Néanmoins, surexpression de Srebp-1c induit une diminution de la glycémie en dépit de la stéatose (Becard, Hainault et al. 2001) et celle de Chrebp empêche le développement de la résistance à l’insuline normalement observée à la suite d’un régime riche en graisse (Benhamed, Denechaud et al. 2012). Chez l’homme les niveaux d’expression de ChREBP sont corrélés positivement avec la stéatose hépatique et négativement avec la résistance à l’insuline (Benhamed, Denechaud et al. 2012).

L’ « histone deacetylase 3 » (HDAC3) est une enzyme permettant de dé-acétyler les histones et de rendre la chromatine dans une conformation interdisant la transcription de gènes par des facteurs de transcription. L’étude de l’occupation de HDAC3 sur l’ensemble du génome montre un enrichissement de HDAC3 sur les promoteurs de gènes de la lipogenèse (Feng, Liu et al. 2011). L’enrichissement de HDAC3 sur ces gènes est soumis au rythme circadien avec une forte occupation sur les promoteurs durant le jour et une faible occupation durant la nuit (Feng, Liu et al. 2011). Cette régulation est en accord avec la phase de prise de

nourriture des souris durant la nuit et la phase de jeune durant le jour. Ainsi, l’expression des gènes de la lipogenèse durant la nuit permet le stockage d’énergie au cours de la phase d’alimentation. Cette régulation circadienne est directement régulée par les récepteurs nucléaires Rev-erbα et Rev-erbβ, des régulateurs clés du rythme circadien dans l’organisme (Feng, Liu et al. 2011; Bugge, Feng et al. 2012). Les souris transgéniques invalidées pour

Hdac3 dans le foie présentent une augmentation de la lipogenèse, de l’accumulation de

triglycérides et de diacylglycérols, une diminution de la néoglucogenèse et une hypersensibilité à l’insuline (Sun, Miller et al. 2012). La diminution du flux néoglucogénique chez les souris déficientes pour Hdac3 serait le résultat d’une réorientation du métabolisme vers la synthèse de lipides plutôt qu’un défaut des capacités de la néoglucogenèse (Sun, Miller et al. 2012). La lipogenèse et la néoglucogenèse sont donc régulées de façon opposée en fonction des besoins énergétiques du jour ou de la nuit. Dans ce modèle, l’augmentation de la lipogenèse est bénéfique à la signalisation par l’insuline.

LXR est un récepteur nucléaire impliqué dans la régulation transcriptionnelle des gènes de la lipogenèse. L’utilisation d’un activateur pharmacologique de LXR à long terme chez des souris obèses ob/ob aggrave la stéatose hépatique mais permet une amélioration de la sensibilité à l’insuline (Archer, Stolarczyk et al. 2013). Cette observation est concomitante avec une redistribution de graisses du tissu adipeux blanc viscéral vers le tissu adipeux blanc sous cutané et une diminution de l’état inflammatoire dans les deux types de tissus adipeux (Archer, Stolarczyk et al. 2013).

LXR possède des fonctions qui paraissent opposées car son activation conduit à une stéatose hépatique bien que LXR possède des propriétés bénéfiques dans le fonctionnement de l’organisme en général. Dans la suite de cette introduction bibliographique, nous nous intéresserons plus en détail à LXR en commençant par l’étude de sa structure, des mécanismes qui régulent son activité et de ses ligands.