• Aucun résultat trouvé

LA SELECTION ET L’ELEVAGE DU TAUREAU BRAVE

PARTIE 1 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

I. LA SELECTION ET L’ELEVAGE DU TAUREAU BRAVE

I.1. DOMESTICATION ET SELECTION POUR DES COMPORTEMENTS I.1.1. Histoire et objectif de la domestication

Depuis des milliers d’années, les hommes tentent d’exercer un contrôle sur les animaux vivant dans leur environnement et ayant un intérêt pour leur société. On appelle domestication, le processus permettant de passer d’une espèce sauvage à une espèce domestique. Il existe plusieurs définitions de la domestication. Nous gardons pour l’instant, la définition zoologique d’un animal domestique (Denis, 2004). Il doit répondre à plusieurs critères : il doit avoir un certain degré d’apprivoisement avec l’homme (le terme

« domestique » étant d’ailleurs souvent confondu avec le terme « familier »). L’homme contrôle la reproduction de l’espèce et opère une sélection. L’animal doit être utilisé par l’homme. Enfin, il faut un nombre important de sujets concernés pour parler d’espèce domestique.

L’adaptation des animaux à vivre au contact des hommes apparaît comme un préambule essentiel à la méthode avec laquelle ces animaux seront produits. Cette réponse comportementale de l’animal à la manipulation par l’homme peut être définie par le terme de tempérament (Lansade, 2005). Nous nous contenterons pour l’instant de cette définition restrictive.

Afin d’obtenir une population qui répond aux attentes de leurs éleveurs, il faut donc opérer une sélection sur deux éléments fondamentaux : d’une part il faut que les animaux soient manipulables par l’homme afin qu’il puisse opérer en toute liberté. Le second objectif de la domestication est d’obtenir ou d’améliorer des races domestiquées concernant les éléments de production, comme la quantité et la qualité du lait, de la viande, du cuir….. Ce

avec les progrès réalisés dans le domaine de la génétique. Cependant cela fait des milliers d’années que les hommes font de la génétique des comportements, de façon empirique, en éliminant des cheptels les individus ayant les conduites agressives les plus prononcées.

I.1.2. Cas particulier de sélection : sélection pour des comportements

Le premier élément qu’il est essentiel de maîtriser est le tempérament (définition restrictive). L’objectif étant de faire en sorte que les animaux soient apprivoisés, adaptés à la vie en captivité et à l’homme. Il s’agit donc de faire une sélection sur le comportement des animaux.

Or selon Plomin (1990), le comportement est le plus complexe des phénotypes qu’il nous est donné d’étudier. D’une part car l’individu qui l’exprime est une unique combinaison de gènes qu’il ne peut transmettre intégralement à sa descendance. D’autre part, le comportement résulte de l’environnement dans lequel l’animal vit et des situations auxquelles il a été confronté. L’analyse génétique des comportements en vue de la sélection rencontre plusieurs problèmes :

- il existe une grande palette de comportements dont peuvent faire preuve les animaux, ce n’est pas un modèle manichéen.

- les traits de comportements ne dépendent pas d’un unique gène

- il existe de nombreux facteurs ne relevant pas de la génétique et qui influencent le comportement : il s’agit de la part « expérientielle » de l’expression des traits de caractères.

Malgré ces difficultés, des aptitudes peuvent être le fruit d’une sélection : on choisit les reproducteurs en fonction du critère recherché. Puis on réalise des croisements afin que la descendance ait le plus de chances possible d’hériter des qualités de ses parents.

Grâce à l’application de ces principes, la domestication a eu pour principal effet l’altération héréditaire des réactions défensives de peur vis-à-vis de l’homme (Lankin, 1997).

D’autres effets sur les relations intraspécifiques ont permis l’établissement d’une structure

I.1.3. Facteur influençant le tempérament

L’un des facteurs influençant le plus le tempérament est la race (Burrow, 1997). Les vaches de races Hereford sont par exemple considérées comme plus dociles que les vaches de race Angus selon un mode de notation subjectif. Les vaches de races laitières sont plus dociles que les vaches allaitantes.

Chez les vaches de races allaitantes, l’auteur semble sceptique sur la possibilité d’opérer une amélioration du tempérament par la sélection génétique et rejette cette idée pour les races laitières. Pour lui la différence de docilité entre les vaches laitières et allaitantes est due à la plus grande relation homme/animal. C’est cette contrainte de manipulation quotidienne qui a constitué une pression de sélection sur l’espèce bovine.

Dans cette étude le critère de sélection est la docilité. Mais il existe des productions où les caractères à sélectionner sont les aptitudes au combat. Pour ce critère aussi la race est un facteur essentiel.

I.1.4. Cas particulier de sélection : sélection pour des conduites agressives

Contrairement au modèle classique de sélection, ici ce sont les aptitudes au combat qui ont été retenues pour sélectionner les reproducteurs.

Nous détaillerons 3 exemples : les coqs de combat, les vaches d’Hérens et les taureaux de corrida. Les 2 derniers exemples illustrent les 2 types de comportements agonistiques rencontrés dans l’espèce bovine : la lutte intra-spécifique (vache d’Hérens) et la lutte inter-spécifique (taureau Brave).

I.1.4.1. Les coqs de combat (Vosny, 1975)

Le combat de coqs consiste à faire s’affronter 2 coqs préparés au combat dans un

tradition. A partir de l’âge de 10 mois, les coqs commencent à chanter et à gratter le sol. Ils sont alors mis en présence d’un partenaire pour un test de combativité. Leurs ergots sont camouflés afin d’éviter des blessures trop violentes et chaque coq est apprécié pour son goût du combat, son intelligence dans les attaques. Si l’animal passe ce test avec succès il est mené à son premier combat.

Suivant les régions et leurs traditions, les ergots sont soient équipés d’une pointe ou d’une lame de métal (combat rapide pour des coqs de vitesse souvent pratiqué dans le Nord de la France), soient enveloppés dans des capuchons (combat long et âpre pour des coqs d’endurance, souvent pratiqué dans les Antilles ou en Polynésie française). Le combat peut durer jusqu’à 8 minutes et s’il n’y pas de KO ou d’abandon, c’est un juge qui désigne le gagnant.

Les critères de sélection des coqs de combat sont la résistance aux blessures, l’adresse au combat, la rapidité, le plumage, la taille et la puissance des ergots. Les poussins sélectionnés sont issus de parents s’étant mis en valeur lors de combats ou ayant donné des coqs performants. Selon une étude (Fennel, 1945) sur le comportement de dominance des coqs de combat, cette sélection empirique a permis d’obtenir des coqs qui, comparés à des coqs hybrides et indépendamment de l’entraînement, toléraient mieux les blessures et étaient plus habiles pour combattre.

Les coqs de combat sont un exemple de sélection réussie pour des conduites agonistiques. Il existe également dans l’espèce bovine, des races au sein desquelles, la sélection s’est faite pour des comportements agressifs : la race d’Hérens et la race Brave.

I.1.4.2. Les vaches d’Hérens (Plusqellec, 2001)

La race d’Hérens est originaire du Val d’Hérens dans le valais suisse. Il s’agit d’une race de montagne qui compte environ 35 000 têtes réparties entre la Suisse, l’Italie et la France (une centaine dans la région de Chamonix). Cette race rustique en constante diminution ne doit son salut qu’aux combats traditionnels qui opposent ses congénères

cordes (« Poyo »), des animaux non familiers (issus d’élevages différents) sont amenés par groupe de 10 à 15. Ces animaux ont été au préalable classés en 5 catégories selon leur poids et leur âge. Une fois dans le « Poyo », les luttes s’engagent librement. Des juges font alors un classement des 5 vaches les plus dominantes de chaque catégorie (regroupement des vaches par poids) et la première obtient le titre de « reine » de sa catégorie. Les vaches qui ont été classées pourront ensuite participer au grand concours intercantonal qui élira la vache la plus dominante, la « reine des reines ».

Photo a, b et c : a : lutte en alpage, b : lutte organisée, c : menace et fuite de l’adversaire.

(Plusquellec, 2001).

La sélection des vaches d’Hérens est empirique. Les veaux ont le plus souvent une ascendance prestigieuse mais doivent aussi réunir les critères recherchés par les éleveurs :

« les éleveurs de race d’Hérens reconnaissent et sélectionnent un veau comme future reine surtout par son physique, ses yeux doivent être vifs, ronds, protégés, ses cornes épaisses, ses oreilles petites et collées, sa corpulence générale, sa puissance, mais aussi son comportement vis-à-vis des autres veaux. Il doit en effet déjà être lutteur et dominant, il doit être vif, fier, éveillé, et enfin il doit connaître son éleveur et lui montrer de l’affection. »

Ce qui est original dans cette race est que la sélection s’est faite sur des comportements agonistiques intra-spécifiques mais que le rapport avec l’homme est doux voire affectueux (tempérament docile).

Cependant dans l’espèce bovine, il existe une race qui a été sélectionnée pour son comportement agonistique inter-spécifique : la race Brave.

I.1.4.3. Les taureaux Braves