• Aucun résultat trouvé

B- Le dispositif de présentation

2) La section Contrasts

Dans le catalogue comme dans l’exposition, vient ensuite la section « Contrasts » qui compte 14 peintures, 1 esquisse, 3 sculptures, 12 photographies, 4 objets d’art (Annexe 20 et 24B). Les artistes académiques représentés en sculpture et peinture sont Paul Baudry, Eugène Fromentin, Jean-Léon Gérôme et Albert Carrier- Belleuse. Parmi les artistes d’avant-garde, on compte Paul Cézanne, Gustave Courbet,

!

! DMA_Courbet_Cezanne_brochure.

Paul Gauguin, Claude Monet, Auguste Renoir, Théodore Rousseau, Alfred Sisley, Henri de Toulouse-Lautrec, Aristide Maillol, Auguste Rodin et Théo Van Rysselberghe. Un artiste n’entre dans aucune des deux catégories : Henrick Mesdag, peintre de la Hague 94.

Selon la brochure du DMA (Annexe 17), cette section présente les méthodes différentes d’expression artistique du XIXe siècle des nus académiques de Gérôme

aux baigneurs de Cézanne, annonciateurs du cubisme. Dans les salles du DMA, le texte qui présente la section est le suivant :

France in the 19th century was the most vital art center in Europe. The new Musée d’Orsay will reveal the startling range of artistic creativity during this time; creativity in the decorative arts, in new media such as photography, as well as innovation in painting and sculpture, the traditional "fine arts." Even in painting and sculpture an immense gap opened between the art made for tastes formed by the Academy of fine arts and art made in more experimental modes, such as Impressionism. However, no simple schism between "conservative" and "liberal" can be said to have existed. In depicting the nude figure, for instance, a relationship with classical art was maintained on both sides of the ideological fence. Courbet's Nude

with Dog (4) looks back to Renaissance painting, just as Maillol's Standing Bather (17) reveals the timeless nobility of Archaic Greek Art. Cézanne, the great innovator,

paints a scene of Bathers (3) which remains classical in its emphasis on geometric forms. Each of these "modernist" artists had ties with the past which were strong as those of the academic artist Paul Baudry in his Fortune and the Young Child (1). It is only in the ruthless realism of Toulouse-Lautrec's Alone (13), or in Rodin's tormented figure of the Age of Bronze (8) that an interest in realism and psychology

moved beyond the influence of classical art.  95

L’auteur du texte a donc choisi d’insister sur la diversité de la création artistique de l’époque dans tous ses formes. Le texte n’émet pas de jugement sur l’art académique mais souligne une différence de goût entre ce mouvement et l’impressionnisme. Plus encore, le cartel repousse l’idée de schisme entre les libéraux et les conservateurs, entre l’avant-garde et l’art officiel et démontre autour de la figure du nu, les ressemblances qui pouvaient exister entre une œuvre de Baudry et une de Toulouse-Lautrec notamment à travers l’héritage de la tradition antique.

!

! COGEVAL 1986, p.65-66

94

! DMA_Courbet_Cezanne_floorplan_walltext

Curieusement, c’est tout l’inverse dans le catalogue 96. Cette section est

l’occasion pour Cogeval de perpétuer et non pas de discréditer l’antagonisme qui persiste entre art académique et modernisme. En effet, le conservateur dresse un portrait extrêmement noir de l’art académique, lui reprochant son conformisme et son artificialité. Il souligne qu’à rebours d’une historiographie à la Albert Boime qui considère les éléments de continuité entre l’art académique et l’impressionnisme, lui- même conçoit l’histoire de cette période qui sépare Courbet de Gauguin, comme une série de ruptures, une succession prodigieuse dans l’histoire des formes d’un mouvement vers un autre 97. Pour Cogeval, la fin du XIXe siècle offre le spectacle

d’un combat continu contre le schéma établi de l’académie par le biais d’une exploration empirique de la réalité 98. L’histoire du modernisme commence à partir du

moment où le paysage devient un sujet de peinture en lui-même 99. En comparaison, la

peinture traditionnelle qui revendique une beauté éternelle héritée de Raphaël semble aujourd’hui très datée. Selon lui, les nus de Courbet ou de Cézanne dans leur réinterprétation des œuvres de Titien atteignent davantage un sentiment d’universalité que ceux de Baudry 100.

D’autre part, Cogeval critique la peinture orientaliste de Gérôme dont les figures sont jugées trop grossières par rapport à la peinture de Renoir, véritable héritier de Delacroix 101. Pour Cogeval le style Empire est d’un « mauvais goût

flagrant » caractérisé par une profusion d’ornements et une répétition des motifs. Il marque ainsi son dégoût prononcé pour un artiste comme Froment-Meurice et les intérieurs bourgeois de l’époque 102. En revanche, il ne cache pas son appréciation de

l’Art Nouveau et fournit une description très élogieuse du vase de Rousseau et Lévillé 103. Cogeval n’hésite donc pas à étaler son jugement au sein de ce catalogue

!

! COGEVAL 1986, section « contrasts »,. 32-63

96 ! Ibid. p.34 97 ! Ibid. p.35 98 ! Ibid., p.36 99 ! Ibid., p.44 100 ! Ibid. p.53 101 ! Ibid. p. 59 102 ! Ibid. 103

supposément scientifique et impose au lecteur une description des objets biaisée par son goût personnel.

A la question : l’exposition apporte-t-elle une révision de l’histoire de l’art du XIXe siècle, la muséographie et le catalogue offrent pour l’instant des réponses contrastées.

Qu’en est-il maintenant de la présentation concrète des objets au DMA ? Nous avons tenté de reconstituer les salles à travers les photos fournies par le DMA et en les replaçant dans des schémas. Face aux escaliers, le visiteur retrouve les Danses de Renoir qui étaient exposées en introduction au Musée de Brooklyn (Annexe 24B). Juxtaposées à ces œuvres, apparaissent l'Age d'Airain de Rodin, ainsi qu’un vase d’Eckmann, un bassin et une aiguière de Froment-Meurice et un vase de Rousseau et Leveillé. Le message est clair, pluridisciplinarité semblent crier les objets. Suivent ensuite la Baigneuse de Maillol, La Chasse au Faucon d’Eugène Fromentin, La

Fortune et le Jeune Enfant de Paul Baudry, Hébé et l'Aigle de Jupiter d’Albert

Carrier-Belleuse, la Fête Arabe à Alger-La Casbah d’Auguste Renoir. Deux œuvres d’avant-garde (une peinture et une sculpture) sont ici confrontées à trois œuvres académiques (deux peintures et une sculpture). Contrairement au catalogue, il en revient ici au visiteur de juger des ressemblances, des contrastes et des atouts de chacune des œuvres.

Sur le mur opposé, on retrouve le même procédé. Sont exposés côte à côte, le

Nu au Chien de Gustave Courbet, la Pastorale et les Baigneurs de Paul Cézanne, l’Intérieur Grec de Jean-Léon Gérôme, Seule de Henri de Toulouse-Lautrec, la

caricature de l’Olympia de Cham Amédé, Comte de Noé et l’Atelier de Charles Nègre. Chacune de ses œuvres se prêtent à l’étude du nu et invite le spectateur à mesurer la variété de ce genre au XIXe siècle.

Enfin, la section Contrasts se prête à une dernière juxtaposition : celle des portraits photographiques. On trouve juxtaposés le Portrait de Millet et celui de la

Famille d’Alfred Stieglitz de Feuardent, Le Portrait de Gustave Doré du Baron de

Meyer et celui de Pierre Petit, Le Portrait d’une Antillaise et celui de Camille Corot de Nadar, enfin le Portrait du peintre Troyon dans son Atelier de Robert Louis.

Le dispositif de présentation invite donc à la comparaison en juxtaposant dans une même salle, des sculptures, des objets d’art décoratif, des peintures académiques, réalistes, impressionnistes et postimpressionnistes et des photographies. Le nu, tout comme le portrait facilitent cette comparaison. D’autre part, les œuvres ne sont pas séparées en camps adverses. Si Renoir est d’abord exposé à côté de Rodin, il est ensuite juxtaposé à Fromentin et Baudry. La présentation élève la photographie au même rang que la peinture soulignant sa noblesse et sa capacité à réinventer les genres du nu et du portrait. On notera néanmoins que la juxtaposition de l’œuvre de Courbet et Cézanne reprend littéralement le titre de l’exposition pour évoquer le récit héroïque du modernisme.

!