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La schizophrénie : un problème de santé publique

La schizophrénie est une maladie psychiatrique chronique et sévère (Guillin et al, 2007). Ses symptômes émergent surtout vers la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Ils sont classifiés en symptômes positifs, négatifs et cognitifs (American Psychiatric Association. DSM IV, Mcglashan et Fenton, 1992, Pearlson, 2000). Les symptômes positifs comprennent les hallucinations, les délires et la désorganisation sévère de la pensée. Les symptômes négatifs sont constitués par un groupe de déficits comprenant l’appauvrissement affectif, l’aboulie, l’apathie, les troubles formels de l’idéation et de langage, l’anhédonie et l’isolation sociale. Les symptômes cognitifs comprennent les déficits d’attention et de mémoire. (American Psychiatric Association. DSM IV, Mcglashan et Fenton, 1992, Pearlson, 2000).

La schizophrénie constitue un facteur majeur de désocialisation et de précarité. L’organisation mondiale de la santé classe cette maladie dans le groupe des 10 maladies qui entrainent le plus d’invalidité. La schizophrénie concerne environ 0.7% de la population mondiale, près de 3 millions de sujets atteints en Europe et 600 000 personnes en France. L’espérance de vie des patients est en moyenne de 10 ans inférieure à celle de la population générale, et 40 % des personnes qui en sont atteintes de cette maladie tentent de se suicider (Orphanet, janvier 2004 : http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-schizo.pdf).

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Critères diagnostiques de la schizophrénie selon le DSM-IV (Edition Française, 1996) :

Symptômes de type A :

Au moins deux, ou davantage, des symptômes suivants doivent être présents pendant une durée significative (un mois au minimum, moins en cas de traitement réussi) :

• hallucinations, • idées délirantes,

• désorganisation du discours ou de la pensée, • désorganisation du comportement,

• symptômes négatifs, avec émoussement affectif (manque ou déclin de réponse émotionnelle), alogie (manque ou déclin de la parole), ou avolition (manque ou baisse de motivation).

N.B. : Un seul symptôme parmi les symptômes de type A est nécessaire si les hallucinations sont bizarres ou si elles consistent à entendre des voix.

Dysfonctionnement social ou professionnel :

Réduction significative depuis le début des troubles des relations sociales (l’activité professionnelle, les relations interpersonnelles) ou de l’entretien du corps.

Durée :

Les symptômes persistent au moins six mois : cette période doit inclure au moins un mois de symptômes (ou moins en cas de traitement réussi) correspondant aux symptômes de type A.

Diagnostic différentiel :

Exclusion des troubles thymiques ou psychoaffectifs, des troubles du développement (e.g. autisme), ou des troubles organiques.

On distingue actuellement cinq sous-types de schizophrénie : • type catatonique (avec des mouvements rares ou déréglés)

• type désorganisé (avec désorganisation du discours, du comportement, ou des affects) • type paranoïde (avec présence d’hallucinations, mais sans désorganisation du discours et du comportement)

• type résiduel (avec les symptômes positifs de faible intensité)

• type indifférencié (avec présence des symptômes psychotiques, mais sans les critères déterminant les types paranoïde, désorganisé ou catatonique).

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2.

Etiologie de la schizophrénie

Les causes de la schizophrénie demeurent inconnues mais plusieurs hypothèses ont été avancées.

a. Hypothèse génétique :

Les progrès de la biologie moléculaire permettent progressivement d’identifier l’interaction entre les facteurs environnementaux et les facteurs génétiques. Il serait impossible de recenser les résultats de toutes les analyses génétiques qui furent rapportées. Toutefois, certains gènes ont focalisé plus d’attention que d’autres, notamment à cause de leur implication dans les systèmes de neurotransmission (dopamine et glutamate) ou dans le développement neuronal. Les études familiales montrent l’existence d’une concentration familiale de la schizophrénie dans laquelle la génétique intervient entre 50 % et 80 % (Cannon et al, 2000). Les premiers travaux ont montré que le risque de présenter la pathologie est corrélé au degré de parenté. Si un membre d'une famille souffre de schizophrénie, les parents de premier degré (parents, frères, sœurs, enfants) (Cannon et Murray, 1998, Fuller et al, 2000) présentent un risque de 6 à 17% de développer la maladie; 2 à 6% pour les parents de second degré (nièces, neveux,…) et 2% pour les parents de troisième degré (cousins,…) (Lewis et Lieberman, 2000). Cependant, les membres d’une même famille partagent non seulement le patrimoine génétique, mais également un environnement commun. Ainsi, les études du taux de concordance chez les jumeaux monozygotes ont établi que ce taux varie entre 41 et 79 % chez les jumeaux monozygotes (inférieur à 100%) et entre 0 et 17 % chez les jumeaux dizygotes (inférieur à 50%) (Shih et al, 2004). Ce résultat souligne à la fois l’importance des facteurs génétiques (du fait de la différence significative entre les jumeaux monozygotes et dizygotes) et des facteurs environnementaux (le taux est inférieur à 100 % chez les jumeaux

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monozygotes). De plus, les études concernant les adoptions montrent un rôle important joué par les facteurs génétiques (Ashe et al, 2001, McDonald et Murray, 2000).

La schizophrénie est un désordre multifactoriel caractérisé par la contribution de multiples gènes de risque qui peuvent agir en conjonction avec les processus environnementaux (Karayiorgou et Gogos, 1997). L’association de plusieurs gènes à un risque plus élevé à développer la schizophrénie a été évoquée (Pour revue : Gogos, 2007). Par exemple, l’activité enzymatique de la Catechol-O-Methyl Transférase - COMT dépend de la présence sur le codon 158 de l’allèle valine (val) qui confère une activité élevée ou l’allèle Méthionine (Méth) qui confère une activité faible. Il a été démontré que la schizophrénie est associée à la présence de l’allèle val engendrant une activité élevée de COMT (Egan et al, 2001). D’autre part, il a été montré que la délétion des gènes codant pour la Prolyne déhydrogénase (PRODH) qui influence la transmission glutamatergique et la fonction mitochondriale, dans l’hippocampe est associée à la schizophrénie (Karayiorgou et al, 1995). Talbot et al, 2004 ont montré que la diminution de l’expression dans l’hippocampe de Dysbindin (DTNBP), qui affecte la libération pré-synaptique du glutamate, est associée à la schizophrénie. De plus, la diminution dans le cortex préfrontal de l’expression du régulateur de la signalisation de la protéine G (RGS4) impliqué dans la régulation des signaux de transduction via les récepteurs à dopamine et les récepteurs métabotropiques au glutamate, est aussi associé à la schizophrénie (Mirnics et al, 2000). En outre, une variation dans un allèle du gène GRM3 (metabotropic glutamate receptor-modulating synaptic glutamate) augmenterait les risques de schizophrénie en altérant la neurotransmission glutamatergique, et certaines fonctions cognitives sous-tendues par le cortex préfrontal et l’hippocampe (Egan et al, 2004). D’autre part, la sur-transmission dans la schizophrénie de la variation allélique Ser704Cys de « Disrupted in schizophrenia1 » (DISC1), impliqué dans la migration cellulaire, constitue un

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facteur de risque important car elle induirait une altération structurale et fonctionnelle de l’hippocampe (Callicott et al, 2005).

b. Hypothèse socio-environnementale :

Les facteurs environnementaux tiennent une place importante dans l'étiologie de la schizophrénie (près de 20%) (Cannon et Murray, 1998). L’influence de ces facteurs peut survenir au cours de la grossesse, en périodes pré- ou périnatales (Arnold, 1999, McDonald et Murray, 2000), mais peut également survenir plus tard (Duncan et al, 1999, Lieberman, 1999, McDonald et Murray, 2000). Plusieurs facteurs environnementaux sont susceptibles de favoriser l’expression des symptômes de la schizophrénie (van Os et al, 2005, Tsuang, 2000) :

Facteurs prénatales et complications obstétricales :

L’apparition des symptômes de la schizophrénie est associée à de nombreux événements qui peuvent survenir lors de la vie intra-utérine comme par exemple la carence en acide folique (aussi dit vitamine B9) (Smits et al, 2004) ou la carence en vitamine D (McGrath et al, 2003, Mackay-Sim et al, 2004) de la mère lors des premiers mois de grossesse. Outre ces facteurs, les infections ou inflammations utérines liées à la grippe (Brown et al, 2004a) ou de la réponse immunitaire consécutive impliquant notamment l’interleukine-8 (Brown et al, 2004b, Brown, 2006) sont des facteurs de risque qui favorisent l’expression des symptômes de la schizophrénie. De plus, les individus exposés à des complications obstétricales présentent un risque accru de développement de la schizophrénie (Verdoux et al, 1997, Cannon et al, 2002, Mittal et al, 2008).

L’exposition aux drogues :

Comme nous l’avons écrit dans la section précédente, chez les animaux, l’exposition d’une manière répétée aux psychostimulants amène à une augmentation de la réponse comportementale aux drogues avec la prise répétée ou, en d’autres termes, au développement du phénomène de sensibilisation comportementale aux drogues (Pour revues : Vanderschuren

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et Kalivas, 2000, Robinson et Berridge, 2003). Une littérature abondante a permis de cerner les influences de la consommation de drogues illicites (cannabis, amphétamines, phencyclidine…) chez les humains dans le déclenchement des psychoses en général, et de la schizophrénie en particulier. Un phénomène qui semble être analogue à la sensibilisation comportementale aux drogues d’abus (Paulson et al, 1991, Boileau et al, 2006) pourrait conférer une vulnérabilité à développer une psychose induite par les drogues (Boileau et al, 2006). De plus, il a été proposé que le phénomène de sensibilisation semble être impliqué dans l’émergence des symptômes positifs chez les patients schizophrènes (Boileau et al, 2006). Il est connu que l’amphétamine et la méthamphétamine induisent une psychose schizophrénique (Murray, 1998, Chen et al, 2003). Cependant, la psychose peut être induite par autres drogues d’abus que l’amphétamine. L’exposition au cannabis durant l’adolescence augmente le risque d’expression ultérieure d’une psychose (Stefanis et al, 2004, Veen et al, 2004, Arseneault et al, 2004, pour revue : Verdoux et Tournier, 2004). Toutefois, cette augmentation ne reste que modérée pour la majorité des individus, mais s’affirme nettement plus pour les personnes présentant des prédispositions pour les psychoses (Henquet et al, 2005). En outre, les individus porteurs de l’allèle valine (val) sur le codon 158 du gène codant pour la Catechol-O- Methyl Transférase - COMT sont plus sujets au développement de symptômes psychotiques et schizophréniformes lorsqu’ils sont exposés au cannabis durant l’adolescence (Caspi et al, 2005).

L’urbanisme :

Sundquist et al, 2004 ont montré que les personnes vivant dans une zone à forte densité de population (> 2279 personnes/ km2) ont 68 à 77 % plus de risques de développer une psychose que les personnes vivant dans une zone à faible densité (< 19 personnes/ km2). Ce facteur de risque ne serait pas lié aux conséquences indirectes de l’urbanisme, comme le trafic routier (e.g. la pollution, les bruits, le stress lié aux embouteillages) (Pedersen et al,

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2004, Pedersen et Mortensen, 2006), mais bien à la pression sociale s’exerçant entre les individus. D’autre part, l’exposition au stress social pourrait aussi précipiter l’apparition de la schizophrénie et augmenter la vulnérabilité des individus vis-à-vis des psychoses (Howes et al, 2004).

c. Hypothèse neuro-développementale :

La mise en évidence fréquente d'anomalies neuro-anatomiques, fonctionnelles ou cognitives chez des patients schizophrènes a conduit à une hypothèse neuro- développementale de l'étiologie de cette maladie. L’hypothèse neuro-développementale propose que la maladie s’acquière avec le développement et la maturation du système nerveux. Les facteurs environnementaux, en association avec une prédisposition génétique, interfèreraient avec l'élaboration et les modifications des structures cérébrales depuis la vie intra-utérine jusqu'au début de l'âge adulte (Cannon et Murray, 1998, Davies et al, 1998, Mcglashan et Hoffman, 2000). Ces anomalies auraient une répercussion sur l'architecture cérébrale mais également sur les populations neuronales sécrétant les neurotransmetteurs impliqués dans la symptomatologie de la schizophrénie comme par exemple la dopamine et le glutamate (Harrison, 1999, Pearlson, 2000).

Weinberger et Lipska, 1995 ont émis l’hypothèse selon laquelle la schizophrénie résulterait d’un trouble neuro-développemental. Les atteintes laminaires observées dans diverses structures corticales (e.g. cortex préfrontal) chez des patients schizophrènes (Weinberger et Lipska, 1995) ne seraient que les conséquences d’une même anomalie de la migration neuronale ayant lieu lors du deuxième trimestre de grossesse. Selon eux, en résulterait une dysconnectivité, c’est-à-dire une anomalie des connexions neuronales, qui serait à l’origine d’une malformation.

En utilisant les techniques d’imagerie, des changements morphologiques dans le cerveau ont été identifiés chez les patients schizophrènes. Ces anomalies semblent être stables et ne

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progressent pas avec la maladie (Marenco et Weinberger, 2000). Ceci supporte l’hypothèse neuro-développementale par le fait que la lésion induite par l’agression cérébrale est précoce et passe largement avant l’apparition des symptômes. Les changements morphologiques identifiés comprennent un élargissement des ventricules latéraux accompagné des réductions du volume du cortex cérébral, particulièrement les lobes frontal et temporal (DeLisi et al, 1991, Lieberman et al, 1993) et du noyau thalamique (Gaser et al, 2004). Les études post- mortem montrent une distribution altérée d’une population neuronale dans les régions du cortex (Akbarian et al, 1993). Ceci suggère que la migration des neurones corticaux durant le second trimestre de la gestation semble être aberrante chez ces patients. De plus, l’expression de la protéine reelin, impliquée dans la signalisation de la migration corticale des neurones durant la corticogenèse, est réduite chez les patients schizophrènes (Impagnatiello et al, 1998). D’autre part, Harrison et Weinberger ont montré une réduction dans le volume de l’hippocampe chez les patients schizophrènes (Harrison et Weinberger, 2005). Ces altérations présentes durant le premier épisode d’une schizophrénie chronique, semblent résulter d’un développement anormal durant la gestation et la petite enfance. Harrison, 2004 a évoqué aussi que la connectivité synaptique dans l’hippocampe est anormale dans la schizophrénie (Harrison, 2004).

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d. Hypothèse neurobiochimique:

Des altérations dans plusieurs systèmes de transmission dans le cerveau pourront être impliquées dans le processus pathophysiologique amenant à l’apparition des symptômes schizophréniques. Parmi ces neurotransmetteurs, la dopamine (Toda et Abi-Dargham, 2007, Meisenzahl et al, 2007) et le glutamate (Morris et al, 2005, Coyle, 2006, Shim et al, 2008) ont reçu le plus d’attention malgré l’implication de nombreux autres systèmes de transmission.

L’hypothèse dopaminergique

L’hypothèse dopaminergique de la schizophrénie propose qu’une hyperactivité de la transmission dopaminergique est responsable des symptômes positifs (délire, hallucination..) observés dans ce désordre (Carlsson et Lindqvist, 1963). Cette hypothèse a été basée sur la corrélation entre les doses cliniques des antipsychotiques et leur capacité à bloquer les récepteurs dopaminergiques D2 (Creese et al, 1976, Seeman et Lee, 1975) ; ainsi que sur les effets psychotogéniques des agonistes dopaminergiques (Lieberman et al, 1987, Chen et al, 2003). En effet, l’administration d’amphétamines exacerbe les expressions psychotiques chez des patients (Lieberman et al, 1987), alors qu’elle peut déclencher des symptômes schizophréniques chez des individus préalablement sains (Griffith et al, 1972, Tomiyama, 1990). L’hypothèse dopaminergique classique est centrée sur les régions sous-corticales comme le striatum et le noyau accumbens vue la présence prédominante des terminaisons dopaminergiques et des récepteurs D2 dans ces régions.

L’hyperactivité de la voie mésolimbique (i.e. l’innervation dopaminergique du noyau accumbens, de l’amygdale et de l’hippocampe) serait responsable des symptômes positifs (Richtand et al, 2001, Kapur et Mamo, 2003, McGowan et al, 2004, Abi-Dargham et Laruelle, 2005). A l’inverse, l’hypoactivité de la voie mésocorticale (i.e. l’innervation dopaminergique du cortex cérébral) expliquerait les symptômes négatifs et les troubles cognitifs associés (Davis et al, 1991). Cette hypoactivité est en accord avec l’atteinte structurelle et

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fonctionnelle du cortex frontal (Hill et al, 2004, Abi-Dargham et Laruelle, 2005). Plusieurs études ont évoqué l’importance de la transmission dopaminergique au niveau des récepteurs D1 pour une performance optimale du cortex préfrontal (Goldman-RaKic, 2000) et ont proposé qu’un déficit dans la transmission dopaminergique dans le cortex préfrontal au niveau de ces récepteurs, les plus exprimés dans le néocortex, peut être impliqué dans les symptômes négatifs et les déficits cognitifs de la schizophrénie (Davis et al, 1991, Weinberger, 1987). En effet, les études d’imagerie ont décrit une relation entre les altérations de la disponibilité des récepteurs D1 et les fonctions cognitives dans la schizophrénie (Abi- Dargham et Moore, 2003, Karlsson et al, 2002, Okubo et al, 1997).

En conclusion, le système dopaminergique dans la schizophrénie semble être caractérisé par un déséquilibre entre les projections dopaminergique corticales et sous corticales. Les projections dopaminergiques mésolimbiques semblent être hyperactives résultant en une hyperstimulation des récepteurs D2 et l’apparition des symptômes positifs tandis que les projections dopaminergiques mésocorticales au cortex préfrontal semblent être hypoactives résultant en une hypostimulation des récepteurs D1 et l’apparition des symptômes négatifs et les déficits cognitifs (Guillin et al, 2007).

Côté thérapeutique : La chlorpromazine est le premier neuroleptique découvert par Delay et Deniker en 1952 (Delay et al, 1956). Ce neuroleptique provoque une diminution des symptômes positifs en agissant comme un antagoniste des récepteurs dopaminergiques (D1, D2, D3 et D4). Les recherches ont surtout porté sur le collectif D2-like (dont l’implication respective des D2, D3 et D4 reste à déterminer). Un vaste ensemble de données (génétiques, pharmacologiques, lésionnelles…) converge vers l’implication des récepteurs D2 (Seeman et al, 2005, Guillin, 2007). C’est grâce aux neuroleptiques de première génération (ou typique) que les progrès thérapeutiques les plus significatifs ont été accomplis. Cependant, ces molécules ne se sont montrées efficaces que sur la symptomatologie positive, et présentent de

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surcroît de nombreux effets secondaires. Les neuroleptiques de la deuxième génération (ou atypique) ont été alors développés. Ces neuroleptiques atypiques ont une affinité pour les récepteurs dopaminergiques D4 ainsi que pour d’autres récepteurs couplés à la protéine G comprenant les récepteurs dopaminergiques D1, D 3 ainsi que les récepteurs sérotoninergiques 5HT1A, 5 HT2A, 5HT2C, et les récepteurs muscariniques (Krystal et al, 2001, Pearlson, 2000, Catapano et Manji, 2007), et dont l’efficacité sur les symptômes négatifs et les troubles cognitifs de la schizophrénie est accrue (Beasley et al, 1996, Keefe et al, 1999, Meltzer et McGurk, 1999, Hirsch et al, 2002, Serretti et al, 2004, Sirota et al, 2006).

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Figure 16 : Représentation schématique des circuits limbiques ventraux impliqués dans les symptômes positifs de la schizophrénie (Guillin et al, 2007). Le noyau accumbens reçoit des projections glutamatergiques du cortex préfrontal, du noyau basolatéral de l’amygdale et l’hippocampe et des projections dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale. Le noyau accumbens envoie à son tour des projections GABA au pallidum ventral qui envoie ensuite des projections GABA au noyau médio dorsal du thalamus. Ce dernier renvoie des projections glutamatergiques au cortex préfrontal. Le noyau accumbens est alors un nœud central dans ce circuit ou se convergent les projections glutamatergiques du cortex préfrontal, de l’hippocampe et de l’amygdale et des projections dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale. Il a été proposé que dans la schizophrénie, une augmentation de l’activité dopaminergique induit une perturbation dans le flux d’information dans ce circuit ainsi que dans sa modulation par l’hippocampe et l’amygdale et l’intégration de l’information sensorielle par le thalamus. La persistance de cette hyperactivité peut engendrer des changements neuroplastiques dans ce circuit résultant dans l’émergence de l’expérience psychotique. En bleu : GABA ; en rouge : glutamate ; en vert : dopamine. Le globus pallidus externe (GPe) et interne (GPi), La substance noir pars compacta (SNc) and pars reticulata (SNr), le noyau pedoculopontin (PPN), le noyau sous thalamique (STN) et l’hippocampe (HIP).

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Hypothèse glutamatergique

Un rôle potentiel des mécanismes glutamatergiques dans la schizophrénie a été proposé en se basant sur les observations que les antagonistes des récepteurs NMDA glutamatergiques, phencyclidine (PCP) et kétamine peuvent induire des symptômes psychotiques négatifs et positifs ainsi que des perturbations neurocognitives similaires à ceux observés dans la schizophrénie (Krystal et al, 1994, Lahti et al, 1995). A l’inverse, l’administration d’agonistes NMDA (e.g. glycine, d-sérine, d-cyclosérine) semble améliorer légèrement la symptomatologie des patients (Javitt et al, 1994, Tsai et al, 1998, Goff et al, 1999). Cette hypothèse supporte donc l’implication d’un hypofonctionnement des récepteurs NMDA glutamatergiques dans la pathophysiologie de la schizophrénie (Olney et Farber, 1995, Javitt, 2007).

Côté thérapeutique : Pour les potentialités thérapeutiques des récepteurs NMDA, plusieurs études ont ciblé le site de glycine qui est un agoniste endogène de ces récepteurs (Shim et al, 2008). D’autres ont utilisé des inhibiteurs des transporteurs de glycine qui aboutissent à une augmentation de la concentration de glycine en bloquant sa recapture de l’espace synaptique (Javitt, 2007, 2008). Une amélioration des symptômes négatifs et cognitifs a été observée suite à l’administration des agonistes des récepteurs NMDA, chez les patients ayant des symptômes négatifs persistants après traitement stable avec les antipsychotiques (pour revue : Javitt, 2007).

Interactions entre la dopamine et le glutamate

i. Dopamine-glutamate

Les afférences corticales glutamatergiques convergent vers les neurones GABA du striatum (pour revue : Starr, 1995). A ce niveau, la dopamine exerce des effets modulateurs sur la transmission glutamatergique (Nicola et al, 2000, Cepeda et Levine, 1998). En effet, la stimulation des récepteurs D2 inhibe la transmission glutamatergique médiée par le NMDA

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et la stimulation des récepteurs D1 facilite la transmission glutamatergique (Levine, et al, 1996, Centonze et al. 2001). Une augmentation de la stimulation des récepteurs D2 dans le striatum dans la schizophrénie va entrainer une inhibition de la transmission glutamatergique via le récepteur NMDA et une perturbation du flux d’information médié par le NMDA du cortex vers le striatum (Guillin et al, 2007). Le blocage des récepteurs D2 par les neuroleptiques va engendrer une potentialisation de la transmission glutamatergique à travers les récepteurs NMDA (Voir Figure 17).

Figure 17 : Synapse dopaminergique dans le striatum : l’augmentation de l’activité dopaminergique peut inhiber via les récepteurs D2 la libération au niveau pré-synaptique de glutamate agissant sur les récepteurs NMDA. Ceci engendre un déséquilibre entre les effets facilitant des récepteurs D1/inhibant des récepteurs D2 sur la transmission glutamatergique à travers les récepteurs NMDA (Guillin et al, 2007).

81 ii. Glutamate-dopamine

Carlsson et al, (1999) ont proposé un modèle se basant sur la modulation glutamatergique des neurones dopaminergiques de la substance noire et de l’aire tegmentale ventrale (voir figure 18). La schizophrénie résulterait de la dérégulation de la transmission glutamatergique et d’une altération du système dopaminergique au niveau cortical et striatal. Les projections glutamatergiques du cortex préfrontal modulent l’activité de l’aire tegmentale ventrale selon deux voies. La voie activatrice (activator) possède des connexions directes et indirectes avec les neurones dopaminergiques. Les afférences de la voie inhibitrice « frein » (brake) se projettent sur les interneurones GABAergiques de l’aire tegmentale ventrale et du striatum. Dans le cadre de la schizophrénie, la réduction de l’activité du cortex préfrontal, consécutive à une altération de la transmission NMDA, induirait une diminution de l’activité

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