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La ruse des hyènes

Dans le document Séléné : éclipses, éclat et reflets (Page 94-100)

3.3 Révélation, occultation, illusion

3.3.3 La ruse des hyènes

Un autre animal qui ne manque pas de ressources stratégiques est la hyène. Élien donne une description étonnamment détaillée d’une technique développée par le mammifère africain pour piéger son ennemi héréditaire, le chien :

Τοῖς κυσὶ δὲ ἐπιτίθεται ἡ αὐτὴ τὸν τρόπον ἐκεῖνον. Ὅταν ᾖ πλήρης ὁ τῆς σελήνης κύκλος, κατόπιν λαμβάνει τὴν αὐγήν, καὶ τὴν αὑτῆς σκιὰν ἐπιβάλλει τοῖς κυσί, καὶ παραχρῆμα αὐτοὺς κατεσίγασε, καὶ καταγοη- τεύσασα ὡς αἱ φαρμακίδες εἶτα ἀπάγει σιωπῶντας, καὶ κέχρηται ὅ τι καὶ βούλεται τὸ ἐντεῦθεν αὐτοῖς.

Cet animal s’attaque aux chiens de la façon suivante : lorsque le disque de la lune est plein, elle tourne le dos à ses feux et projette son ombre sur les chiens qu’elle réduit aussitôt au silence ; puis, après les avoir ainsi ensorcelés comme font les magiciennes, elle les emmène bouche cousue et elle en fait, dès lors, tout ce qu’elle veut. (Élien, Personnalité des animaux VI, 14.)

Un certain nombre d’éléments interviennent ici : l’antagonisme entre la hyène et le chien, la pleine lune, l’ombre projetée, le mutisme induit, la magie, le contrôle des mouvements de la victime180. L’ensemble du procédé peut paraître étrange de la

part d’une bête sauvage, puisqu’il est présenté comme un envoûtement : on imagine facilement la hyène faisant face au chien, sa silhouette auréolée par la lune derrière elle, et plongeant sa proie dans l’ombre et le silence – lumière et voix étant une fois de plus profondément corrélés. Il s’agit d’une opération de γοητεία, de fascina- tion par la sorcellerie, qui est décrite comme telle par le verbe καταγοητεύειν et la comparaison avec les magiciennes expertes en philtres (φαρμακίδες). Cette dernière allusion rappelle bien sûr les opérations magiques qui ont lieu à la pleine lune, en particulier la cueillette des simples (φάρμακα) ; mais l’évocation la plus prégnante, renforcée par le triple emploi du préfixe κατα- et l’expression κατόπιν λαμβάνει τὴν

180. Voir la reprise poétique de ce passage chez Manuel Philès, auteur byzantin du Moyen-Âge (XIIIe-XIVe siècle), Carmina uaria de naturali historia, 1174-1181, où il est question de la ruse

(δόλος) de la hyène et où la lune est évoquée de façon allusive à travers son αὐγή nocturne et, surtout, son σέλας.

αὐγήν (« elle prend la lumière de dos »), est celle du fameux sortilège des Thes- saliennes qui consiste à faire descendre la lune (καθαιρεῖν τὴν σελήνην) et dont il sera question dans le chapitre suivant181. En l’occurrence, la hyène n’attire pas à

elle la lune, mais utilise la lumière de celle-ci pour attirer à elle les chiens : à cette variation près, l’animal se comporte exactement comme les magiciennes humaines.

Ce n’est pas là d’ailleurs son unique pouvoir surnaturel : la réputation de la hyène sorcière, ayant une science innée pour hypnotiser, paralyser, rendre muet ou fou, ou encore faire venir à elle les hommes ou les chiens, remonte à Pline182, et Élien lui-

même, plus haut dans le même paragraphe, attribue à Aristote un développement sur la patte antérieure gauche de la hyène, à la puissance hypnotique (ὑπνοποιόν), dont elle se sert pour capturer les hommes183. Cette δύναμις se double d’une pa-

181. P.109 sq. La proximité entre la hyène et la lune ne se limite pas aux habitudes nocturnes de l’animal et à ses talents de sorcellerie et d’illusionnisme. La hyène était réputée pour son am- bivalence sexuelle dans tous les ouvrages antiques d’histoire naturelle, très probablement à cause des organes génitaux hypertrophiés de la femelle qui la font ressembler parfois à un mâle : certains pensaient en particulier qu’elle pouvait changer de sexe, hypothèse réfutée par d’autres, notamment par Aristote (voir Hérodore d’Héraclée, FHG 12 apud Aristote, Génération des animaux 757a ; Ésope, Fables 240 et 241 ; Aristote, Histoire des animaux 579b ; Diodore de Sicile, Bibliothèque his-

torique XXXII, 12 ; Artémidore, Onirocritique II, 12 ; Cyranides II, 40, 2 ; et chez les auteurs latins

Ovide, Métamorphoses XV, 407-408 ; Pline, Histoire naturelle VIII, 105 ; Tertullien, De pallio 3, 13). Or, dans certains contextes mystiques, la lune n’est pas exempte de cette confusion des sexes, bien qu’elle soit plutôt androgyne qu’hermaphrodite : voir Platon, Banquet 190b ; Philochore, fr. 184 ; Hymnes orphiques IX, 4 ; Plutarque, De Iside et Osiride, 368C ; PGM IV, 2611.

182. Histoire naturelle XXVIII, 92 : de tous les animaux, la hyène est particulièrement prisée des mages, qui lui prêtent la connaissance de leur art. Voir aussi la reprise de ce passage par Solin,

Collectanea rerum memorabilium XXVII, 25.

183. Aristote, fr. 369. Remarquons à ce sujet que la latéralisation de la hyène est également un sujet récurrent : chez Pline (XXVIII, 93), puis dans les Géoponiques (XV, 1, 12), ouvrage byzantin d’agriculture principalement constitué par Cassianus Bassus (Ve ou VIe siècle), il est expliqué que

la hyène préfère attaquer par la droite, et qu’il vaut mieux la forcer alors à passer à gauche sous peine de succomber à l’hébétude ou à la folie. Plus intéressant encore, le fragment aristotélicien cité par Élien contient deux indices qui font de la hyène, dans une certaine mesure, une figure lunaire : tout d’abord, la patte hypnotique provoque chez celui qu’elle touche un sommeil profond (καρός) qui n’est pas sans rappeler celui d’Endymion (la hyène trouve ses victimes déjà endormies, et son action magique ne fait que les plonger dans un état de torpeur encore plus proche de la mort) ;

noplie de ruses remarquables : la hyène est réputée imiter le bruit d’une personne qui vomit pour attirer les chiens184, talent mimétique qui lui sert aussi à simuler

la voix humaine pour faire sortir les bergers et les attaquer185 ; on dit également

qu’elle s’allonge à côté de proies potentielles endormies pour comparer sa taille à la leur et évaluer ses chances de l’emporter186. Moitié magie, moitié ruse, la tactique de

l’ombre au clair de lune apparaît donc typique des agissements de la hyène ; Élien y avait d’ailleurs déjà fait allusion dans un bref catalogue de faiblesses et handicaps observés chez certaines espèces187.

Mais cette curiosité de la nature n’est pas relatée exclusivement par Élien : Pline en fait déjà mention188, et il est vraisemblable qu’elle circule dès la période

hellénistique, quoique sous des formes variables, puisqu’elle apparaît dans la partie des Mirabilium auscultationes qui s’inscrit dans la tradition aristotélicienne et dont

ensuite, la hyène achève ses proies en les égorgeant au-dessus d’une fosse qu’elle a préalablement creusée, un rituel qui frappe par sa proximité avec les sacrifices chtoniens, notamment ceux destinés à Hécate lors de cérémonies magiques.

184. Cf. notamment Aristote, Histoire des animaux, 594b ; Pline, VIII, 106 ; Élien, op. cit., VII, 19 ; Solin, op. cit., XXVII, 24.

185. Pline, VIII, 106 ; Porphyre de Tyr, De l’abstinence, III, 4 ; Solin, op. cit., XXVII, 23. 186. Cette dernière affirmation est peut-être d’origine plus tardive, vers les Ve-VIe siècles de

notre ère : on en trouve la trace dans un passage, attribué à Timothée de Gaza, de l’Encyclopédie

byzantine zoologique dite de Constantin VII (II, 321), ainsi que dans les Géoponiques (XV, 1, 11).

187. III, 7 : Κύνας δὲ ἀφώνους ἀποφαίνειν τὰς ὑαίνας, <ὅταν αὐταῖς τὴν σκιὰν ἐπιβάλῃ>, ἡ αὐτὴ παρέσχεν. [La nature] a accordé aux hyènes de rendre les chiens muets lorsqu’elle ( ?) projette l’ombre sur eux.

188. VIII, 106 : Praeterea umbrae eius contactu canes obmutescere, et quibusdam magicis artibus

omne animal, quod ter lustrauerit, in uestigio haerere. « En outre, les chiens perdent la voix au

contact de son ombre, et par une sorte de charme magique, tout animal autour duquel elle a tourné trois fois reste cloué sur place. » L’idée est reformulée deux ou trois siècles plus tard par Solin, qui imagine une circonstance où les chiens s’exposent eux-mêmes à la redoutable ombre de la hyène :

Vomitus quoque humanos mentitur falsisque singultibus sollicitatos sic canes deuorat : qui forte si uenantes umbram eius dum sequuntur contigerint, latrare nequeunt uoce perdita. « Elle simule les

vomissements humains et dévore ainsi les chiens attirés par ces faux hoquets ; et si par hasard, quand ils lui donnent la chasse, ils entrent en contact avec son ombre durant la poursuite, ils en perdent la voix et ne peuvent plus aboyer. » (Solin, op. cit., XXVII, 24.)

le contenu pourrait remonter au IIe siècle av. J.-C.189 :

Ἐν δὲ τῇ Ἀραβίᾳ ὑαινῶν τι γένος φασὶν εἶναι, ὃ ἐπειδὰν προΐδῃ τι θη- ρίον ἢ ἀνθρώπου ἐπιβῇ ἐπὶ τὴν σκιάν, ἀφωνίαν ἐργάζεται καὶ πῆξιν τοιαύτην ὥστε μὴ δύνασθαι κινεῖν τὸ σῶμα. Τοῦτο δὲ ποιεῖν καὶ ἐπὶ τῶν κυνῶν.

En Arabie on raconte qu’il existe une race de hyènes qui, lorsqu’elles aperçoivent une bête sauvage ou marchent sur l’ombre d’un homme, provoquent le mutisme et une telle paralysie que le corps ne peut plus bouger. Elles font la même chose aux chiens. (Pseudo-Aristote, Mirabi- lium auscultationes 845a.)

Cette version donne une précision géographique sur le phénomène, mais n’évoque pas explicitement la lune. Le verbe de mouvement ἐπιβαίνειν y remplace le transitif ἐπιβάλλειν : ce n’est pas l’ombre du prédateur, mais celle de la proie qui entre en jeu. Il s’agit moins d’un pouvoir de pétrification comparable à celui de la Gorgone, par lequel la hyène agit à distance en jetant son ombre comme on jette un sort, que d’une immobilisation de la proie par son ombre interposée, sur laquelle le carnassier marche comme pour mieux l’écraser. C’est d’ailleurs sous l’angle du rapport entre l’ombre et le corps dont elle émane que les néoplatoniciens byzantins envisagent la question, l’exemple des hyènes démontrant la connexion physique entre les deux. La variante qui semble s’imposer au Ve-VIesiècle de notre ère ne mentionne pas toujours la lune,

mais se rapproche, plus encore que le texte d’Élien, de la configuration du fameux sortilège thessalien de καθαίρεσις de la lune : la hyène, avisant un chien installé en hauteur, probablement hors de sa portée, marche sur l’ombre de celui-ci pour le

189. Nous remercions chaleureusement Dimitra Eleftheriou pour l’éclairage qu’elle nous a apporté sur les problèmes de datation des Mirabilium auscultationes.

faire tomber. C’est le récit que l’on peut lire chez Proclus190 et Olympiodore191, à

propos de la nature des ombres, mais aussi chez Timothée de Gaza, où l’on trouve réunis dans un développement conséquent la lune, l’allusion aux sorcières et le verbe καθαιρεῖν décrivant l’action de la hyène192.

Λέγεται δὲ καὶ βλέπειν ὕαιναν ἴσα καὶ φωτὶ κατὰ νύκτα καὶ μεμνῆσθαί πως γοητείαν ὑπὸ τῆς φύσεως. Ὅθεν δὴ νυκτὸς σελήνης ὑπολαμπού- σης, κύνα πρὸς τῷ τέγει κείμενον ἄνωθεν αὐτὸν καθαιρεῖ τῷ εἰδώλῳ τῆς αὐτοῦ σκιᾶς ἀρρήτως καταφαρμάξασα. Μέλει τοιγαροῦν αὐτῇ κα- θ’ ὅσον ἐστὶ δύναμις λάθρα τῇ σκιᾷ προσβαλεῖν καὶ μηδεμίαν τῷ κυνὶ παρασχεῖν αἴσθησιν. Εἰ γὰρ αὐτὸς θεάσαιτο πρῶτος, εἰδὼς ὃ μέλλει πείσεσθαι πέφευγε, καὶ τὴν αὐτὸς αὑτοῦ σκιὰν ἀποκρύπτει.

On dit que la hyène voit aussi bien de jour que de nuit et qu’elle a

190. Commentaire sur la République de Platon, I, 290 : Ἡ γὰρ ὕαινα, φασί, τὴν τοῦ κυνὸς ἐν ὕψει καθημένου πατήσασα σκιὰν καταβάλλει καὶ θοίνην ποιεῖται τὸν κύνα. « Car la hyène, à ce qu’on dit, lorsqu’un chien se trouve sur une hauteur, marche sur l’ombre de celui-ci, le jette à bas et en fait son repas. » Il est intéressant de relever que Proclus traite ici des σκιαί, mais aussi des εἴδωλα (simulacres) comme la nuée sanglante qui apparaît sur un miroir quand une femme s’y regarde pendant ses règles (Aristote, De insomniis 459b). Il existe en effet une certaine parenté entre ombre et reflet, l’une étant en quelque sorte le négatif de l’autre : tous deux résultent de la lumière, et entretiennent un rapport privilégié avec la lune (cf. supra pour l’ombre, infra pour le reflet).

191. Commentaire sur l’Alcibiade de Platon 219 : Ὅτι δὲ τοῦτο ἀληθές ἐστι, κατασκευάζουσιν οἱ παλαιοί, τουτέστι τὸ εἶναι ὑποστάσεις τὰς σκιάς· πρῶτον μὲν ὅτι, εἰ κυνὸς καθεύδοντος ἐν ὑψηλῷ τόπῳ ἡ σκιὰ αὐτοῦ ἐκπέμποιτο εἰς τὴν γῆν, ὕαινα διελθοῦσα καὶ πατήσασα τὴν σκιὰν καταπεσεῖν ποιεῖ τὸν κύνα· δῆλον ἄρα ὅτι οὔκ εἰσιν ἐμφάσεις, ἀλλὰ ἀπόρροιαι. « Que cela soit vrai, à savoir que les ombres soient des substances, est déjà annoncé chez les anciens : tout d’abord parce que la hyène, si un chien dort dans un lieu en hauteur et que son ombre est projetée sur la terre, traverse et foule cette ombre, faisant dégringoler le chien ; cela montre bien que les ombres ne sont pas des réflexions, mais des émanations. »

192. Toujours dans la même époque, les mêmes éléments principaux de l’histoire apparaissent aussi dans les Géoponiques (XV, 1, 10), mais condensés comme suite à une lecture confuse, et dont il est difficile de tirer du sens : Ὕαινα, φυσικῷ τινι λόγῳ, τῇ ἀπὸ σελήνης νυκτερινῇ σκιᾷ τοῦ κυνὸς ἐπιβᾶσα, ὥσπερ διὰ σχοίνου ἀπὸ ὕψους κατάγει ἑαυτήν. « La hyène, d’après certains savants, foulant l’ombre nocturne du chien au clair de lune, se laisse tomber de haut comme au bout d’une corde. »

naturellement en mémoire, pour ainsi dire, un charme magique. Ainsi, la nuit, au clair de lune, lorsqu’un chien est couché sur un toit, elle le fait tomber d’en haut en le liant par un sortilège secret193 à travers l’image

de l’ombre de celui-ci. Elle a donc soin, dans la mesure du possible, de se jeter furtivement sur l’ombre et de ne laisser le chien se rendre compte de rien. Car si c’est lui qui la voit le premier, sachant ce qui l’attend, il s’enfuit et met son ombre hors de portée. (Encyclopédie byzantine zoologique de Constantin VII, II, 320194.)

Tout en s’éloignant de celle d’Élien par plusieurs aspects, cette notice est tout aussi détaillée, et se sert des deux mêmes bases étymologiques (γοητείαν, καταφαρ- μάξασα) pour évoquer les pouvoirs magiques de la hyène. Plus qu’ailleurs, l’idée de ruse est présente avec, dans les deux dernières phrases, une présentation des tactiques d’attaque et de défense qui n’est pas sans rappeler la dialectique chasseur-chassé des merles du Cyllène. De part et d’autre, la stratégie repose sur le principe de voir sans être vu : la hyène exploite sa faculté de voir la nuit pour repérer le chien en ayant soin de s’avancer discrètement et de ne rien laisser percevoir de sa manœuvre ; le chien, lui, a tout intérêt à repérer l’ennemi le premier pour avoir le temps de dissi- muler son ombre. La lune, brillant ici faiblement (c’est en tout cas un sens possible de ὑπολαμπούσης), participe à ce jeu de cache-cache, puisqu’elle supervise la scène sans se dévoiler elle-même excessivement. L’ombre du chien, instrument crucial de la capture, est curieusement désignée par le syntagme τὸ εἴδωλον τῆς σκιᾶς : on retrouve le vocabulaire platonicien, dans lequel le simulacre et l’ombre s’opposent tous deux au vrai, l’un parce qu’il en est une imitation factice, l’autre parce qu’elle

193. L’adverbe ἀρρήτως, qui n’apparaît pas avant l’époque impériale, a ici une variété de sens possibles. Il peut référer à ce qui est tu, indicible, trop terrible pour être dit ; il peut aussi signifier que, contrairement aux sorcières thessaliennes qui font descendre la lune par des invocations, la hyène peut ensorceler le chien sans un mot ; enfin, bien que dans cette dernière hypothèse la construction syntaxique soit peu claire, il peut évoquer le mutisme du chien.

194. La source annoncée pour le passage sur les hyènes est Timothée de Gaza. Dans le fr. 4 de son Traité sur les animaux, on trouve une variante plus courte : ὅτι ἐν σελήνῃ ἐρχομένη ἐὰν κυνὸς ὄντος ἐπὶ στέγους λάβηται κάτωθεν τῆς αὐτοῦ σκιᾶς, αὐτὸν καταφέρει ἄνωθεν τὸν κύνα. « Que lorsqu’elle va au clair de lune, si jamais, voyant un chien sur un toit, elle attrape son ombre d’en bas, alors elle fait tomber le chien d’en haut. »

en est une émanation sans substance195. Sans doute y a-t-il ici moins de contraste sé-

mantique que chez les philosophes néoplatoniciens comme Proclus et Olympiodore, et les deux termes sont-ils employés de manière quasi interchangeable, renforçant par redondance la notion d’irréalité196. L’ombre n’est qu’un eidôlon, une image ou

un spectre du corps qui la projette ; par ses talents de magicienne et d’illusion- niste, la hyène, assistée dans cette tâche par la lune, donne une réalité tangible à ce fantôme197 par l’intermédiaire duquel elle fait tomber le chien du toit comme les

sorcières thessaliennes décrochent la lune du ciel. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette relation entre l’astre, la sorcellerie et le monde des illusions et des fan- tasmagories ; qu’il suffise pour l’instant de conclure que la lune peut être artisane de faux-semblants et de pièges, et s’associe étroitement à des techniques de chasse requérant la ruse et une vision nocturne hors du commun.

Dans le document Séléné : éclipses, éclat et reflets (Page 94-100)