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6) DISCUSSION

6.1. DISCUSSION DES RÉSULTATS

6.1.2. La rotation comme outil de prévention des TMS

La croissance économique vécue par l‟entreprise ces dernières années a amenée quelques conséquences pour le plancher de l‟usine. Quand les taux de production augmentent, plus de caisses sont produites, plus de bouteilles circulent dans la ligne et plus de palettes arrivent à travers les charriots. En plus, un poste de travail a été crée (Paille) dans notre terrain de recherche. Si les modifications structurelles ne sont pas réalisée naturellement, les espaces utilisables par les travailleurs diminuent au fur et à mesure que les taux de production augmentent. Et si les espaces diminuent, la marge de manoeuvre tend également à diminuer (Coutarel et coll., 2003).

Comme conséquence de l‟augmentation productive et de la diminution des espaces sur la ligne, la pénibilité a augmenté. Lasfargues (2005) a retenu des critères de pénibilité comme prioritaires, dont le travail sous cadences imposées et le port de charges lourdes associée à des contraintes posturales sont mises en évidence. Ces caractéristiques sont fortement présents dans la population étudiée dans cette recherche.

La croissance productive a également entraîné à une augmentation des taux des maladies et d‟absentéisme et la marge de manœuvre des employés semble avoir diminuée dans cette ligne, même après l‟installation d‟un système de rotation dans les années 90. À propos de la marge de manoeuvre, plusieurs auteurs s‟accordent sur cette idée d‟espace disponible pour les opérateurs (Coutarel et coll., 2003 ; Vézina, 2003 ; Flardeau & Vézina, 2004). En plus de cela, les outils adaptés, les formes de coopération entre collègues, la disponibilité des remplaçants, les possibilitées de diminution de la cadence ou de la vitesse ont aussi un rapport avec ce sujet (Daniellou, 2005b).

En empruntant ces concepts pour notre recherche, nous constatons que les assistants de production sont insérés dans des petits espaces, et par conséquent, ont peu de liberté de mouvement. D‟autre part, ces employés subissent un effet de contrôle temporel rigide, puisque les activités dépendent directement de la cadence imposée par le tapis et qu‟ils n‟ont pas la possibilité de la diminuer. La marge de manoeuvre devient alors, réduite pour les assistants qui occupent les postes de la Palettisation, de la Dépalettisation et de la Paille. Aussi, lorsque l‟on emploie le concept de « cycle standard d‟activité » (Coutarel, 2005), nous observons que le cycle standard exécuté sur ces postes a une courte durée celle ci est de quelques secondes. De par ce fait, on peut donc se rendre

compte de la réduction de la marge de manoeuvre existante parmi ces employés.

Sur le poste Rangement de Palettes, il existe aussi une dépendance du rythme productif pour organiser celles ci, néanmoins les assistans un certain degré d‟autonomie pour exécuter d‟autres activités est possible. Le poste Nettoyage à son tour, n‟a aucune dépendance directe avec le rythme imposé par le tapis, et ainsi, les assistants ont une plus grande liberté et autonomie. Par consequence, les postes Rangement des Palettes et principalement Nettoyage offrent un plus grand pouvoir de décision aux assistants, de façon à ce qu‟il soient capable de modifier les cycles standard ou même pour qu‟ils se reposent. Ces postes leur offrent, donc, une plus grande marge de manoeuvre.

Il y a également une réduction de la marge de manoeuvre lorsque des employés sont absents. Dans ces cas, les postes supprimés sont toujours les plus « légers ». Lorsque 5 employés travaillent au lieu de 6, le poste supprimé est celui du Nettoyage (pour la production dans la bouteille SLS) ou Rangement de Palettes (pour la production dans la bouteille KS/RGB). Lorsque 4 employés travaillent au lieu de 6, tous travaillent sur les postes de Palettisation et Dépalettisation.

Les systèmes de rotation, en général, augmentent la marge de manœuvre des opérateurs et peuvent les conduire à la polyvalence. Les entreprises cherchent à encourager la rotation comme moyen de minimiser les TMS, et la polyvalence comme façon de préparer l‟employé pour qu‟il puisse venir en aide à différents secteurs que celui d‟origine en cas d‟absences. Conformément à ce qui a déjà été avancé auparavant, l‟entreprise étudiée dans cette recherche suit également cette tendance. Cependant, la rotation et la polyvalence n‟empêchent pas les taux élevés d‟absentéisme ou de plaintes de douleurs et malaises présents sur cette ligne. La ligne 1 provoque les plus grande plaintes de douleurs et de malaises, mais également les plus hauts taux d‟absentéisme et turn-over de l‟entreprise. L‟absentéisme d‟au moins un assistant a lieu au moins une fois par semaine et a des impacts sur la ligne productive. Le premier impact est la saleté qui s‟accumule au début de la ligne. Des morceaux de verre brisés, des pailles, des capsules et autres matériaux s‟accumulent rapidement dans ce local. La présence d‟un employé pour effectuer le nettoyage est, ainsi, essentielle.

Lorsqu‟ils sont 4, les conséquences sont également visibles sur le taux de production, surtout lorsqu‟il s‟agit de produits en bouteilles KS/RGB. Dans ce cas, le poste de la Paille n‟existe pas et les bouteilles passent dans la (machine) « laveuse » avec leur pailles à l‟intérieur. Cette machine supprime en partie les pailles mais pas toutes (et c‟est exactement pour cette raison que l‟entreprise a crée le poste de la Paille, pour qu‟il y ait un employé qui les retire. La conséquence à cela est une augmentation des micro- pauses. Lorsque la machine ne parvient pas à absorber la demande de bouteilles, elle s‟arrête constamment, en interférant dans la production.

Une autre conséquence du haut niveau de turn-over de l‟entreprise est la surcharge sur les employés les plus expérimentés. Parce qu‟il y a fréquemment des novices, les employés les plus expérimentés finissent toujours par prendre en charge leur formation (même si elle n‟est pas formelle). De cette manière, les expérimentés régulent les charges en transportant plus de charge que prescrit, jusqu‟à ce que les novices « s‟habituent à la charge ». Coutarel et coll. (2003) évoquent que les expérimentés de la chaîne supportent les absences et l'incompétence de leurs collègues. Leur charge de travail augmente, leurs propres marges de manœuvre diminuent.

De cette façon, on peut se poser la question de savoir jusqu‟à quel point la rotation est un moyen de prévention des TMS et jusqu‟à quel point elle permet leur apparition. Falardeau & Vézina (2004), dans leur étude sur le secteur de l‟abattage d‟une usine, considèrent difficile de préciser si la rotation des postes représente un moyen de prévention des TMS. Toutefois, l‟effet de l‟application de la rotation, selon les conditions d‟implantation, peut être contraire à l‟effet attendu. Une fois appliquée, la rotation peut changer de place l‟apparition des TMS ou induire les travailleurs à mieux supporter les contraintes de travail, en retardant l‟apparition des symptômes. Dans ce même ordre d‟idées, Coutarel et coll. (2003) affirment qu‟une implantation de rotation qui ne respecte pas un certain nombre de conditions court le risque d‟amplifier l‟apparition des TMS. Malgré le fait qu‟une de nos hypothèses initiales suggère que la rotation pourrait aider l‟apparition des TMS chez les assistants, on ne peut pas la confirmer car il serait nécessaire alors d‟étudier la « non-rotation », ou le contexte d‟implantation de la rotation en 1991. Puisque l‟entreprise ne possède pas de données suffisantes sur ce contexte, il nous est impossible d‟affirmer, sans danger, que la rotation encourage l‟apparition des TMS chez les assistants de production.