• Aucun résultat trouvé

- La responsabilisation du droit administratif

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 171-200)

Conclusion du titre 1

Chapitre 2 - La responsabilisation du droit administratif

153. Propre aux sociétés libérales, le principe de responsabilité est un mode de régulation sociale dont la formulation juridique à l’article 1382 du Code civil est considérée comme une expression majeure du libéralisme. Corollaire de la liberté individuelle mais également condition du développement économique, la responsabilité compte parmi les grandes notions du droit privé depuis la Révolution libérale de 1789585. L’histoire de la responsabilisation administrative est plus récente et correspond à celle de la notion de service public.

154. Avant la fin du XIXème siècle, le droit administratif n’est pas un droit de la responsabilité. Le régime juridique des fonctions régaliennes assurées par l’administration est caractérisé par la souveraineté de l’Etat qui s’impose sans compensation. L’exorbitance de l’irresponsabilité de la puissance publique heurte frontalement les principes libéraux dans la mesure où elle illustre le privilège du pouvoir qui échappe au « droit de la liberté »586 et de la responsabilité. Au début du XXème siècle, l’affermissement de la responsabilité administrative est d’autant plus indispensable que l’Etat-providence conduit la puissance publique à déployer ses services au sein de la société. Sous peine d’être soustrait au contrôle du juge administratif au bénéfice de l’ordre judiciaire, le contentieux des affaires administratives doit se convertir à la responsabilisation. La survie du droit administratif impose une théorie de la responsabilité administrative. Le développement de celle-ci conditionne l’autonomie du droit administratif car si le régime administratif ne garantit pas l’obligation des personnes publiques de répondre de leurs actes, le droit administratif ne constituera jamais un droit en soi.

Principalement édifiés à travers la notion de service public (section 2), les régimes de responsabilité administrative convertissent le droit propre à la puissance publique aux exigences du libéralisme (section 1).

585 « Même si le terme ne s’emploie qu’à partir de la Révolution française […] », J. ROCHFELD, Les grandes notions du droit privé, PUF, 2ème éd., Paris, 2013, p. 482.

586 « Nomos : le droit de la liberté », F. HAYEK, Droit, législation et liberté, op.cit., p. 229.

159

S

ECTION

1 - L

ES JUSTIFICATIONS LIBÉRALES DE LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE

Traduction juridique de l’impérialisme de la puissance publique, le principe d’irresponsabilité de l’administration prévaut sous l’Ancien Régime : sacré, le Roi ne peut mal faire ; souveraine, l’action de la puissance publique s’impose à tous sans compensation587. Aussi, le développement de la responsabilité de la puissance publique traduit-t-il a contrario la désacralisation du pouvoir opérée par les idées libérales de la Révolution. La mise en cause de la responsabilité de la puissance publique reflète les exigences du libéralisme à la française, tant d’un point de vue politique (§1) qu’économique (§2).

§1 - Libéralisme politique et responsabilité administrative

La responsabilisation de l’administration, c’est-à-dire la soumission de l’action de la puissance publique au droit588 (A), est une des principales revendications du libéralisme politique589 car elle a pour finalité la lutte contre l’absolutisme et la garantie des droits et libertés (B).

A. La limitation de l’Etat par la responsabilité administrative

Le principe de responsabilité étant indissociable du libéralisme (I), la responsabilisation de la puissance publique traduit une évolution libérale du droit administratif (II).

587 « L’absolutisme de la souveraineté, dans la monarchie d’Ancien régime, impliquait l’irresponsabilité de l’Etat. », G. SOULIER, « Réflexion sur l’évolution et l’avenir du droit de la responsabilité de la puissance publique », RDP, 1969, p. 1044.

588 « Le principe de responsabilité n’est autre que l’une des traductions de la soumission de l’administration au droit. », G. DARCY et M. PAILLET, in J. MOREAU (dir.), Droit public, Economica, Collectivité Territoriales, 3ème éd., 1995, p. 575.

589 « C’est pourquoi la responsabilité administrative n’est pas seulement un corps de règles techniques gouvernant les relations patrimoniales entre des administrés victimes et l’administration auteur de dommages, mais elle est aussi et surtout l’expression de la démocratisation de la société et de la progression de la limitation de l’Etat par le droit. C’est en ce sens que la jurisprudence ayant mis fin à l’idée, mise en exergue par Laferrière, que le propre de la souveraineté est de s’imposer sans compensation, peut être qualifiée de jurisprudence politique. », M. DEGUERGUE, « Responsabilité administrative », in D. ALLAND et S. RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p. 1347.

160

I. La responsabilité, un principe inhérent à la société libérale

155. La responsabilité n’est pas propre à la science juridique. En revanche, elle est indispensable à tout système normatif, et en particulier juridique, puisqu’elle permet de rendre compte des conséquences de la violation des règles qui constituent le droit objectif et les droits subjectifs. Alors que le principe de responsabilité conditionne le fonctionnement et l’effectivité du système juridique, la responsabilité d’un sujet de droit résulte de la soumission de ce dernier à l’ordre juridique concerné. Ainsi, le principe de responsabilité n’est pas moins lié à la pensée libérale que ne l’est celui de l’autonomie de la volonté, dont il constitue en quelque sorte le corollaire. Puisque l’imputabilité, inhérente à tout système de responsabilité, postule la « volonté libre », la consécration de la responsabilité du sujet de droit est une conséquence inéluctable, dans une société fondée sur la prééminence de la liberté individuelle. Si le contrat est l’instrument juridique privilégié du libéralisme, le professeur François Ewald souligne que le principe de régulation de la société libérale est la responsabilité590. Celle-ci permet en effet d’établir les conséquences de l’interaction de sujets de droit libres. Dès lors, les justifications au culte de la responsabilité individuelle chez les penseurs libéraux ne sont pas seulement de nature éthique, elles sont systémiques dans la mesure où les régimes de responsabilité répartissent les fruits des relations entre sujets de droit réputés libres et égaux. Prix de la liberté, la responsabilité est aussi le gage de crédibilité du fonctionnement de la société libérale.

II. La responsabilisation libérale du droit de la puissance publique

Appliqué à la puissance publique et en premier lieu à l’Etat, le principe de responsabilité remplit des fonctions libérales car il permet la mise en cause de l’action de l’Etat, d’une part, et participe à la limitation effective de celui-ci, d’autre part.

156. Symboliquement tout d’abord, la responsabilité administrative suppose la reconnaissance des conséquences dommageables de l’action de l’Etat. Le fondement sur lequel se sont développés les régimes de responsabilité de la puissance publique est la

590 « […] elle est liée à la philosophie libérale du droit, commandée par ce grand principe de régulation sociale – le principe de responsabilité – que personne ne peut prétendre reposer sur un autre la charge de ce qui lui arrive sauf au cas où le dommage subi viendrait de la faute d’un autre. La généralité de l’article 1382 du Code civil s’est imposée comme l’instrument juridique destiné à assurer le respect du principe politique lui, de responsabilité. », F. EWALD, « La faute civile, droit et philosophie », Droits, 1987-5, p. 48.

161

faute. Et cela est une conquête incontestable du libéralisme politique591. L’idée que l’Etat puisse commettre une faute revient à nier le caractère absolu de la souveraineté de l’Etat, si bien que le seul fait de poser la question de sa responsabilité révèle, selon Duguit, une transformation profonde du droit public moderne592. S’il peut paraître excessif de considérer comme le Doyen de Bordeaux que souveraineté et responsabilité sont deux notions qui s’excluent totalement593, il convient de rejoindre le Commissaire du gouvernement Tessier pour affirmer que c’est, à tout le moins, revenir sur la divinité de la souveraineté594. L’édification des régimes de responsabilité de la puissance publique découle bien, tel que l’a décrit Georges Berlia, « d’un travail d’érosion de la souveraineté »595. Fondé sur la faute, le système de mise en cause de la responsabilité de la puissance publique révèle un Etat potentiellement fautif et s’attaque en cela au caractère absolu et divin d’un pouvoir désacralisé.

157. Ensuite, juridiquement, le développement de la responsabilité administrative est la conséquence de la reconnaissance d’obligations juridiques qui incombent à la puissance publique et dont le non-respect entraîne une nouvelle obligation de réparation596. La responsabilisation de la puissance publique accompagne dès lors le mouvement de personnification juridique de l’Etat et de ses démembrements et révèle ainsi une personne publique, sujet de droit puisque titulaire de droits et d’obligations.

L’Etat responsabilisé devient un acteur juridique presque comme les autres dans la société libérale de l’Etat de droit.

591 « Le libéralisme conduisait à admettre que l’Etat pouvait commettre des fautes et se voir sanctionné à raison de celles-ci […] », G. DARCY et M. PAILLET, in J. MOREAU (dir.), Droit public, op.cit., p.

580.

592 « L’Etat est-il responsable des actes faits en son nom ? Le seul fait de poser la question révèle une transformation profonde dans le droit public. », L. DUGUIT, Les transformations du droit public, op.cit., p. 222.

593 « C’est logique. A y regarder de près, souveraineté et responsabilité sont deux notions qui s’excluent. » et « Il reste que par elle seule, l’acceptation de la responsabilité étatique implique l’élimination du concept de souveraineté. », L. DUGUIT, op.cit., pp. 224 et p. 233.

594 « Le roi dans la doctrine chrétienne, est le représentant de la divinité sur terre "comme David, il est le délégué sacré et spécial de Dieu lui-même". De cette mission divine dérive une présomption d’infaillibilité. Pas plus que Dieu, le roi ne peut se tromper ; "il ne peut mal faire" et ses actes doivent échapper à tout contrôle juridictionnel, car il n’est point de tribunal humain qui le puisse juger. », G.

TEISSIER, La responsabilité de la puissance publique, Edition La Mémoire du Droit, Paris, 2009, p. 8.

595 « Ce n’est pas à dire que les progrès de la responsabilité ont été strictement anarchiques. On pourrait ordonner ceux-ci, du moins dans une large mesure, autour du principe que la responsabilité est née d’un travail d’érosion de la souveraineté […] », G. BERLIA, « Essai sur les fondements de la responsabilité civile en droit français », RDP, 1951, p. 702.

596 La responsabilité administrative est une condition de la création d’obligations juridiques des personnes publiques : « […] la responsabilité juridique n’est alors plus seulement nécessaire au fonctionnement efficace de l’ordre juridique ; elle rend aussi possible, par le seul fait de son existence, la création d’obligations juridiques. », P-M. DUPUY « Responsabilité », in D. ALLAND et S. RIALS, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p. 1342.

162

158. Enfin matériellement, en exigeant de l’Etat qu’il puisse répondre juridiquement et pécuniairement des conséquences de ses actes, la responsabilité administrative réalise la limitation effective de l’Etat par le droit. L’action de l’Etat ne s’impose plus sans compensation, elle s’inscrit dans un ensemble de normes juridiques dont la violation est reconnue juridiquement et comporte un coût.

B. Responsabilité administrative et garantie des droits des administrés

159. Les raisons libérales sous-jacentes à la responsabilisation de la puissance publique ne sont pas réductibles à la limitation de l’Etat car la responsabilité de la puissance publique est également une condition indispensable au respect des droits et libertés des individus au sens de la Déclaration libérale de 1789. Cette responsabilité est pour Duguit la meilleure sauvegarde de la sûreté de l’individu597. Aussi, le professeur Gérard Soulier écrit-il que « les principes de 1789 n’ont pas seulement rendu possible la responsabilité de la puissance publique, ils l’impliquaient »598. Dans la mesure où le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme et que, parmi ceux-ci, vaut l’égalité juridique entre tous les individus, la responsabilité de la puissance publique est légitime à double titre.

160. D’une part, l’effectivité du respect des droits imprescriptibles de l’homme et, en premier lieu, la consécration libérale du droit de propriété individuelle impliquent nécessairement le mouvement de responsabilisation de la puissance publique. Le droit de propriété est indissociable de la pensée libérale et les atteintes à la propriété privée, une des principales hantises des penseurs libéraux. Or, c’est bien l’expropriation pour travaux publics qui, parce qu’elle entraîne nécessairement des atteintes à la propriété par l’Etat, a donné lieu aux premières règles de la responsabilité administrative599. De même que pour le droit de propriété, la consécration effective de tout droit exige la reconnaissance de la responsabilité de l’auteur d’une atteinte à ce dernier, que l’auteur soit une personne privée ou une personne publique.

597 « Aujourd’hui au contraire, de cette sûreté de l’individu nous ne voyons pas de meilleure sauvegarde qu’une responsabilité de l’Etat très large et très fortement sanctionnée. », L. DUGUIT, op.cit., p. 223.

598 G. SOULIER, op.cit., p. 1044.

599 « C’est dans ce domaine de l’atteinte à la propriété privée que les premières brèches significatives furent ouvertes dès l’extrême fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle, permettant ainsi aux grands travaux d’être réalisés sans que les préjudices pouvant en découler soient totalement laissés à la charge de leurs victimes (loi du 28 pluviôse an VIII pour les travaux publics ; art. 545 du Code civil et loi de 1810 pour l’expropriation). », G. DARCY et M. PAILLET, in J. MOREAU (dir.), Droit public, op.cit., p. 580.

163

161. D’autre part, l’égalité proclamée des individus devant la loi et, en particulier, l’égalité devant les charges publiques inscrite à l’article 13 de la Déclaration de 1789 interdit de faire peser les conséquences dommageables de l’action de la puissance publique sur les droits d’un seul ou de certains administrés et prescrit dès lors, pour rétablir cette égalité, le versement d’une indemnité. La rupture de l’égalité devant les charges publiques peut être considérée comme une atteinte aux droits des administrés dans une société où l’égalité de tous devant la loi est une des principales traductions juridiques du libéralisme à la française. Parce que selon le professeur Michel Paillet, c’est une « […] notion qui reflète fidèlement l’idéologie libérale sous-tendant le régime politique français »600, la rupture d’égalité devant les charges publiques est une des justifications libérales de la responsabilisation de la puissance publique. En outre, dès les origines du contentieux de la responsabilité administrative, il est bien question de la protection des droits particuliers comme le précise le Tribunal des conflits dans la décision fondatrice Blanco : à travers la responsabilité administrative, il s’agit de

« concilier les droits de l’Etat avec les droits privés »601.

Dès lors, les aspirations du libéralisme politique que constituent tant la limitation de l’Etat que la garantie des droits des administrés justifient le mouvement de responsabilisation de la puissance publique.

§2 - Libéralisme économique et responsabilité administrative

La responsabilité civile de la puissance publique ne satisfait pas les seuls tenants du libéralisme politique, elle est également justifiée par le déséquilibre économique qu’elle rectifie (A) et ses transformations sont souvent dictées par les exigences du système économique (B).

600 « La rupture de l’égalité devant les charges publiques est souvent considérée par la doctrine comme le fondement spécifique de la responsabilité publique, bien que M. Delvolvé soit venu quelque peu ternir l’image d’une notion qui reflète aussi fidèlement l’idéologie libérale sous-tendant le régime politique français. », M. PAILLET, La faute du service public en droit administratif français, LGDJ, Paris, 1980, p. 284.

601 TC, 8 février 1873, Blanco, op.cit.

164

A. La nature patrimoniale du contentieux de la responsabilité administrative Parce que la responsabilité administrative opère le rétablissement d’un équilibre (I), elle est une notion aussi bien juridique qu’économique (II).

I. Le rétablissement d’un équilibre

162. Dès la fin du XVIIIème siècle, la thèse de l’irresponsabilité de la puissance publique est critiquée par les jurisconsultes mais aussi par les économistes libéraux soucieux du bon déroulement des échanges et de l’intégrité des opérations commerciales602. En effet, les justifications de la responsabilité administrative ne sont pas uniquement juridiques et morales, elles sont également économiques. La responsabilité administrative vise avant tout, comme l’expose Paul Duez dès l’introduction de son ouvrage sur La responsabilité de la puissance publique, au rétablissement d’un équilibre économique et patrimonial rompu par le fait dommageable opéré par l’action de l’administration603. En cela, la responsabilité de la puissance publique est « une responsabilité civile ». L’indemnité versée à la personne lésée constitue donc les dommages et intérêts occasionnés par l’intervention de la puissance publique. La réparation du préjudice causé permet à la puissance publique de prendre en charge les conséquences de son action ou de son inaction. La responsabilité des personnes publiques remplit donc une fonction économique d’internalisation du coût de l’activité administrative. Or, celle-ci occupe une place centrale dans l’analyse économique du droit604.

602 « La thèse absolutiste et l’irresponsabilité corrélative du prince devait soulever, à partir du XIIIème siècle, les critiques les plus vives de la part des publicistes et des philosophes. Le pouvoir reconnu au souverain de prendre possession des propriétés privées, ou de les occuper pour l’exécution des travaux, était tout particulièrement critiqué par les économistes et les jurisconsultes. », G. TESSIER, op.cit., p. 8.

603 P. DUEZ, La responsabilité de la puissance publique, Dalloz, Paris, 2012, p. 7.

604 « La lecture économique de la responsabilité civile extracontractuelle met en lumière la logique préventive dont sont imprégnés les fondements de l’institution. La responsabilité protège les droits exclusifs sur des choses rares, cherche à décourager les atteintes, internalise les externalités et met ainsi tout le monde devant le coût intégral de son comportement. », E. MACKAAY et S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, Thémis, 2ème éd, Paris, 2008, 1284, p. 358.

165

II. Une notion aussi bien économique que juridique

163. La responsabilisation de la puissance publique ne révèle donc pas uniquement l’encadrement progressif de l’intervention de la puissance publique par le droit et en particulier par la théorie civiliste du droit des obligations, elle a également pour effet d’enserrer l’action des personnes publiques dans une rationalité économique chère aux économistes libéraux qui, depuis Adam Smith, promeuvent le développement des échanges et la sécurité des opérations économiques afin de garantir le bon fonctionnement du marché.

164. Parmi les principaux auteurs sur la responsabilité de la puissance publique, René Chapus a mis en lumière l’existence d’une rationalité économique au cœur des régimes de responsabilité publique et privée. Dans la deuxième partie de sa thèse portant sur les Responsabilité publique et responsabilité privée605, l’auteur compare la responsabilité des collectivités publiques à la responsabilité du fait d’autrui dont dispose l’alinéa 5 de l’article 1384 du Code civil. Puisque les collectivités publiques sont des personnes morales, elles ne peuvent agir que par l’intermédiaire de leurs agents, dès lors, leur responsabilité ne peut être qu’une responsabilité du fait d’autrui606. Le préposé, comme l’agent de l’administration, agit pour le compte de son « employeur »607, aussi la responsabilité de celui-ci doit-elle s’analyser comme une « obligation de garantie »608. Or, le fondement de cette garantie, insiste René Chapus, est la corrélation entre l’intérêt – ou le profit – que peut retirer le commettant et le risque que fait encourir l’action du préposé609. Aussi, cette corrélation entre profit et risque n’est-elle mieux résumée que par « l’idée d’entreprise » expliquée par Marcel Planiol dans son étude sur la responsabilité civile, longuement citée par René Chapus610. Les collectivités publiques

605 R. CHAPUS, Responsabilité publique et responsabilité privée. Les influences réciproques des jurisprudences administrative et judiciaire, Editions La Mémoire du Droit, Paris, 2010.

606 « […] la responsabilité de l’Etat et des autres collectivités administratives est toujours une responsabilité de personne morale […]. Notamment, c’est toujours une responsabilité du fait d’autrui. », M. WALINE, Manuel élémentaire de droit administratif, 2ème éd, p. 641.

607 Dans ses conclusions à l’arrêt CE, 21 juin 1895, Cames, ROMIEU pose la question de droit en ces termes : « Le droit civil s’applique-t-il aux relations existant entre l’Etat et les ouvriers qu’il emploie pour un service public ? », conclusions rapportées par HAURIOU dans ses notes au recueil Sirey, p. 680.

608 ROMIEU évoque cette obligation de garantie qui incombe à l’Etat : « [...] il appartient au juge administratif d’examiner directement, […] conformément aux principes de l’équité, quels sont les droits

608 ROMIEU évoque cette obligation de garantie qui incombe à l’Etat : « [...] il appartient au juge administratif d’examiner directement, […] conformément aux principes de l’équité, quels sont les droits

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 171-200)

Documents relatifs