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Chapitre 2 : Présentation d’Aspergillus fumigatus

C) La reproduction sexuée

L’analyse du génome d’Aspergillus fumigatus a permis d’identifier des gènes de type « mating » qu’on peut retrouver chez la levure suggérant ainsi l’existence d’une reproduction sexuée chez cette espèce. C’est ce que O’Gorman C. et al., 2009 ont démontré en décrivant le téléomorphe Neosartorya fumigata menant à la formation de cléisthotèces (fructifications caractéristiques de la reproduction sexuée chez les Ascomycètes) et d’ascospores . Dans ces cléisthotèces, on trouve des asques contenant des ascospores lenticulaires d’environ 5 µm de diamètre de couleur jaune-blanche à blanche-verdâtre avec deux crêtes équatoriales, elles ne sont pas aussi hydrophobes que les conidies de l’anamorphe A. fumigatus. Cette reproduction sexuée nécessite des souches complémentaires MAT1-1 et MAT1-2 et un milieu de croissance particulier (agar avec notamment de l’avoine) ainsi qu’une mise à l’obscurité à 30°C. Les cléisthotèces ont été observés au bout de 6 mois d’incubation. Deux souches d’Aspergillus fumigatus ont été identifiées parmi une cinquantaine d’isolats comme étant deux « super reproducteurs » : AFB62 (MAT1-1) et AFIR928 (MAT1-2) qui ont un cycle sexuel complet en 4

Figure 15: Cycle biologique d'Aspergillus fumigatus

semaines produisant en grande quantité des cléisthotèces. Contrairement aux conidies, les ascospores ne gonflent pas avant la germination. Celle-ci est initiée par l’ouverture de la spore au niveau des deux crêtes équatoriales (Sugui J.A. et al., 2011).

II. Pathologies associées à Aspergillus fumigatus

Aspergillus fumigatus est un pathogène opportuniste à l’origine de diverses pathologies plus ou moins sévères selon l’état immunitaire de l’hôte. Les pathologies vont de la simple allergie à l’aspergillose invasive en passant par l’aspergillose allergique broncho-pulmonaire (ABPA) et l’aspergillome. Les vecteurs de ces pathologies sont les conidies disséminées dans l’air et ainsi être inhalées par l’hôte. (Latgé J.P., 1999)

L’aspergillose allergique broncho-pulmonaire (ABPA) se développe chez les patients souffrant d’asthme atopique (atopie : prédisposition génétique à devenir sensibilisé par l'intermédiaire d'IgE spécifiques vis-à-vis d'allergènes rencontrés communément dans l'environnement) et de fibrose cystique. L’ABPA est une sorte d’asthme bronchique caractérisée par des infiltrats pulmonaires transitoires, une forte éosinophilie et un taux élevé d’IgE dans le sérum. Si la maladie n’est pas détectée, elle peut évoluer en fibrose pulmonaire ou en défaillance respiratoire.

L’aspergillome (ou boule fongique) se développe dans des cavités fongiques pré-existantes causées par la tuberculose ou une sarcoïdose par exemple. Elle est caractérisée par une masse sphéroïde d’hyphes enchâssés dans une matrice protéineuse avec des structures sporulantes à la périphérie. L’un des symptômes de cette pathologie est l’hémoptyse. Le développement du champignon est principalement dû à de faibles défenses immunitaires locales.

L’aspergillose invasive se développe chez les hôtes immunodéprimés suite à un traitement par chimiothérapie, suite à une transplantation d’organe (traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet) ou chez des patients atteints du SIDA. Le champignon se développe dans les poumons, des fragments de mycélium peuvent passer dans la circulation sanguine et aller coloniser d’autres organes. L’issue de cette pathologie est la plupart du temps fatale pour le patient même si un traitement est donné car le diagnostic est souvent tardif. Les symptômes sont fièvre, toux, douleurs thoraciques, difficultés respiratoires.

III. Le système immunitaire inné de l’hôte

Aspergillus fumigatus est rarement pathogène chez un hôte immunocompétent. C’est la dérégulation du système immunitaire par les thérapies immunosuppressives ou les désordres congénitaux qui

déclenchent le développement d’une aspergillose invasive. L’hôte immunocompétent possède des

mécanismes de défense innée pour contrer l’infection. Dans un premier temps, les conidies inhalées sont éliminées par les mouvements ciliaires de l’épithélium muqueux au niveau des poumons. Les conidies qui échapperaient à cette barrière anatomique, se retrouvent face à différentes populations cellulaires de l’immunité innée telles que les macrophages alvéolaires et les neutrophiles afin de les phagocyter pour les détruire. Au cours de leur gonflement, les conidies perdent leur couche d’hydrophobines RodA ce qui démasque une séries d’épitopes appelés PAMPs (pour Pathogen- Associated Molecular Patterns). Ces PAMPs peuvent dès lors être reconnus par des récepteurs spécifiques appelés PRRs (pour Pattern Recognition Receptors) à la surface des cellules immunitaires de l’hôte telles que les phagocytes.

Dans un premier temps, les conidies gonflées sont reconnues et phagocytées par les macrophages alvéolaires permettant une clairance fongique au niveau des poumons ainsi que la génération d’une réponse immunitaire pro-inflammatoire déclenchant l’infiltration locale des neutrophiles et leur migration au site d’infection. Différents PRRs interviennent dans cette reconnaissance des conidies, notamment la Dectine-1 qui reconnaît le β1,3-glucane entraînant leur internalisation dans les phagolysosomes où elles sont détruites. Il semblerait que les ROS (pour reactive oxygen species) contribuent à cette élimination puisque des macrophages alvéolaires de souris mutées incapables de produire ces ROS par la NADPH-oxydase n’éliminent pas les conidies. Pour contourner ce mécanisme de défense, A. fumigatus possède 4 gènes codant des SOD (SuperOxide Dismutase) qui détoxifient les anions superoxides. Cependant, certaines études suggèrent que les ROS joueraient plutôt un rôle dans la signalisation pour l’activation des cellules effectrices immunitaires puisque la délétion des gènes codant les SOD fongiques n’atténue pas la virulence d’Aspergillus dans des modèles murins neutropéniques ou immunodéprimés par un traitement à la cortisone. En plus de la dectine-1, les conidies activent les macrophages à travers TLR2 et TLR4 induisant la production de cytokines et de chimiokines pro-inflammatoires incluant le TNFα, IL-1α, IL-1β, IL-6, MIP-2, MIP-1, G-CSF et GM- CSF. DC-SIGN est également un type de récepteur exprimé à la surface des macrophages participant à l’internalisation des conidies par interaction avec les galactomannanes (Segal B.H., 2007).

Dans un second temps, les neutrophiles, attirés par les chimiokines et les anaphylatoxines C3a et C5a produites lors de l’activation du complément, quittent la circulation sanguine pour migrer aux sites d’infection. Sur cette population cellulaire, on retrouve également la Dectine-1 ainsi que des TLR permettant l’interaction avec les conidies ou les hyphes. Les conidies seront également phagocytées évitant leur germination. Mais les hyphes, produisant des métabolites secondaires tels que la gliotoxine ou la fumagilline diminuent la réponse immunitaire des neutrophiles. Lorsque les conidies germent et se développent en mycélium, les neutrophiles ne sont pas capables d’ingérer ces hyphes trop imposants. Ils mettent donc en place des mécanismes de défenses extracellulaires en relâchant des enzymes lytiques par dégranulation et de l’ADN pour former des pièges extracellulaires neutrophiles (NETs : Neutrophils Extracellular Traps). Ces NETs sont donc composés de fibres d’ADN couverts de

granules et de protéines cytosoliques et ont un effet fongistatique en piégeant le pathogène qui évite ainsi sa dispersion. Cela peut aussi permettre le recrutement d’autres neutrophiles ou cellules immunitaires au site de l’infection (Figure 16). L’interaction hyphes/neutrophiles déclenchent un « burst » respiratoire, la sécrétion de ROS et la dégranulation. Une proportion de 50% de l’hyphe est détruite après 2h d’incubation (Latgé J.P., 2001).

Le système du complément est lui aussi activé et module alors les fonctions phagocytaires. L’activation du système du complément induit l’opsonisation de la surface du pathogène avec les molécules du complément qui permettent une meilleure reconnaissance par les cellules phagocytaires ainsi que la production des anaphylatoxines qui ont des activités chimio-attractantes, pro- inflammatoires, antifongiques et antimicrobiennes. La présence d’Aspergillus entraîne l’activation des voies classique, alternative et lectinique via la MBL, une lectine de liaison aux mannanes. En incubation avec du sérum humain, les conidies d’A. fumigatus sont opsonisées avec C3b ce qui améliore la phagocytose par les macrophages. L’importance des protéines du complément a été démontrée grâce à des souris déficientes en C5. Un sérum normal a été injecté chez ces souris infectées par A. fumigatus ce qui a eu pour conséquence de restaurer la localisation des neutrophiles et d’augmenter le taux de survie de ces souris. Pour échapper à l’activation du complément, les conidies se lient aux régulateurs du complément tels que le facteur H, FHL-1, CFHR-1, C4BP ou le plasminogène ce qui leur confèrent une protection comme pour les cellules de l’hôte. Quant aux hyphes, ils ont une interaction moindre avec ces régulateurs mais sécrètent en contrepartie des protéases dont Alp1 qui dégrade les protéines du complément. (Brakhage A.A. et al., 2010 ; Levitz S.M., 2010 ; Hohl T. et al., 2006)

Figure 16: Rôle du système immunitaire inné dans l'infection par Aspergillus fumigatus. (d'après Abad A. et

IV. Traitements des aspergilloses

Il existe plusieurs familles de molécules pour le traitement des aspergilloses : les polyènes, les azoles et les échinocandines.

Parmi les polyènes, il y a l’amphotéricine B dont le mode d’action consiste à se fixer à l’ergostérol des membranes fongiques ce qui les déstabilise en créant des canaux. Cela modifie ainsi l’équilibre des flux ioniques à travers les membranes donc leur dépolarisation entraînant la mort cellulaire. On observe des effets secondaires toxiques puisque l’amphotéricine B peut se fixer au cholestérol des membranes des cellules de mammifères.

Les azoles inhibent la 14α-lanostérol déméthylase, enzyme-clé impliquée dans la conversion du lanostérol en ergostérol, composant caractéristique et essentiel de la membrane fongique en entrant en compétition avec le fer au niveau du cytochrome P450. Le voriconazole, le posaconazole et l’itraconazole sont les principales molécules utilisées dans cette famille. Le posaconazole exhibe une activité in vitro supérieure à celle du voriconazole et de l’amphotéricine B. De plus, il inhibe des isolats d’Aspergillus spp. résistants à l’amphotéricine B et au voriconazole.

Les échinocandines sont des inhibiteurs non-compétitifs de la β1,3-glucane synthase, enzyme essentielle dans la synthèse de la paroi des levures et des champignons filamenteux. La caspofongine est le premier membre de cette classe autorisé pour le traitement des aspergilloses invasives. Les effets secondaires sont limités puisque ce type d’inhibiteurs agit sur une enzyme absente des cellules de mammifères. La micafongine et l’anidulafongine sont deux autres types d’échinocandines.