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PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET TERRAIN D’ETUDE

CHAPITRE 1. BASES THEORIQUES DE L’ETUDE

1.3. LA REPONSE DE LA VEGETATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Le climat est considéré comme le premier facteur, à l’échelle globale, ayant une influence sur la distribution des espèces (MCCARTY, 2001 ; PEARSON et DAWSON, 2003). Il est admis que les conditions climatiques contrôlent la distribution des espèces, ainsi que la composition des biomes (EMANUEL et al., 1985 ; PRENTICE et al., 1992). PEARSON et DAWSON (2003) discutent de l’importance du facteur climatique dans l’explication de la distribution des espèces à différentes échelles et proposent une hiérarchisation très schématique des facteurs en fonction de l’échelle étudiée (figure 19).

Figure 19 : Hiérarchisation des différents facteurs pouvant affecter la distribution d’une espèce à travers différentes échelles spatiales (PEARSON et DAWSON, 2003).

Le climat est un facteur qui influence la distribution des espèces à toutes les échelles, mais de manière prépondérante aux échelles les plus globales. Aux échelles plus locales, son influence peut être masquée par d’autres facteurs, tels que les facteurs édaphiques ou biotiques (PEARSON et DAWSON, 2003).

Le réchauffement récent a induit des réponses biologiques et écologiques des animaux et des plantes à travers le monde (ROOT et

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apparents dans tous les niveaux de l’organisation écologique : au sein des populations, de la composition en espèces des communautés et ainsi que dans la structure et le fonctionnement des écosystèmes (MCCARTY, 2001).

Un des principaux effets du changement climatique sur les écosystèmes est l’adaptation de la distribution des espèces végétales et animales et, en conséquence, des communautés et des biomes (CANADELL et al., 2007), particulièrement dans les écosystèmes les plus sensibles (THEURILLAT et GUISAN, 2001).

Les écosystèmes de montagne tels que ceux des Alpes ou des Andes sont susceptibles d'être particulièrement vulnérables au changement climatique (BENISTON, 1994 ; GUISAN et al., 1995 ; THEURILLAT et GUISAN, 2001), car ils constituent des réservoirs de diversité biologique importants mais fragiles (BENISTON, 1994). En montagne, les facteurs abiotiques et climatiques jouent un rôle plus important qu’à basse altitude. Ces facteurs gouvernent les processus biologiques des plantes et expliquent en grande partie le dynamisme de la végétation (KÖRNER et al., 1994 ; GUISAN et al., 1995 ; KÖRNER, 2000).

La végétation de montagne est particulièrement sensible au changement climatique à long terme (GRABHERR et al., 1995 ; PAULI et al., 1999 ; THEURILLAT et GUISAN, 2001). Les conséquences des changements climatiques sur les communautés biotiques de montagne se traduisent par des changements dans la répartition des espèces en latitude et altitude. Plusieurs auteurs ont montré des déplacements de la végétation vers des altitudes plus élevées (GRABHERR et al., 1994 ; WALTHER et al., 2005), comme conséquence des changements climatiques. Par exemple, GRABHERR (1994) en analysant les migrations de 12 plantes typiques de l’étage nival dans les Alpes (Autriche et Suisse), a démontré que la végétation de haute montagne est très sensible au réchauffement global. Récemment, LENOIR et al. (2008) en comparant la distribution altitudinale de 171 espèces de plantes forestières, entre 1905 et 2005, en Europe occidentale, montre que le réchauffement

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climatique a provoqué un changement important dans l'altitude optimale des espèces, d'environ 29 mètres par décennie.

Des preuves de l’influence du changement climatique sur la productivité biotique, sur les aires de distribution des espèces et sur les limites des écosystèmes ont également été observées au niveau des écosystèmes forestiers. Dans plusieurs sites de l’hémisphère nord, cette influence s’observe par l’accélération de la croissance des arbres au cours du XXe siècle (DIAZ et BRADLEY, 1997). Selon les espèces et les régions, ces variations sont interprétées comme une combinaison de plusieurs changements majeurs au sein de l’environnement, notamment les changements climatiques dus à l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre, un enrichissement des sols en azote issu de la pollution atmosphérique et la reconstitution de sols dégradés après abandon des pratiques de surexploitation (VENNETIER et al., 2005).

Le climat est aussi un facteur important qui gouverne la distribution géographique de la population des arbres en position marginale comme, par exemple, en altitude (WOODWARD et WILLIAMS, 1987 ; DANIELS et VEBLEN, 2004). Quelques études montrent que les réactions les plus significatives face au changement climatique se produisent dans les peuplements localisés en limite d’aire de répartition où les peuplements poussent près des limites de leur tolérance par rapport à certains facteurs du milieu (GRACE, 1987 ; DIDIER et BRUN, 1998 ; JOBBÁGY et JACKSON, 2000 ; RATHGEBER et

al., 2000 ; GASTON, 2003) comme, par exemple, les arbres dans l’écotone à la limite supérieure de la forêt.

Plusieurs auteurs ont suggéré l’utilisation des écotones pour détecter des changements climatiques globaux (DI CASTRI et al., 1986 ; DYER et al., 1988). Les écotones supraforestiers peuvent être sensibles à la modification globale du climat et pourraient, en conséquence, être des indicateurs des effets de la modification globale sur les populations d’arbres (HANSEN et DI CASTRI, 1992).

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Globalement, il a été observé une réponse de la limite supérieure de la forêt face au réchauffement récent dans plusieurs régions montagneuses (MACDONALD et al., 1998 ; PETERSON et PETERSON, 2001 ; KLASNER et FAGRE, 2002). Par exemple, dans les montagnes scandinaves, le réchauffement climatique a fait remonter de plus de 100 m la limite supérieure de plusieurs espèces d'arbres (KULLMAN, 2009). Dans les montagnes méditerranéennes du sud de la France, il a été observé un déplacement de 200 m en amont des pins d’Alep qui occupent désormais l’aire de distribution en basse altitude des forêts de pins sylvestres (VENNETIER et al., 2005). D’après HOLTMEIER (2008), du point de vue climatique, les facteurs qui influencent la remontée de la forêt sont :

- une période végétative plus chaude et libre de gel ;

- aucun événement climatique extrême qui soit préjudiciable à l'établissement des plantes et à la croissance des arbres (par exemple, sécheresse d'été, des hivers extrêmement riches en neige, des hivers sans neige, des gels en retard ou bien des gels précoces et forts) ;

- un enneigement d'hiver (en dehors des tropiques) fournissant aux plantes et aux jeunes arbres un abri face aux dommages possibles du climat et des herbivores ;

- des vitesses faibles à modérées du vent.

La régénération et la densification des arbres, dans l’écotone supérieur de la forêt, est une autre conséquence des changements climatiques récents. De nombreuses études montrent que la densification des populations d’arbres est une conséquence possible du réchauffement récent sur l’écotone supérieur de la forêt (PAYETTE et FILION, 1985 ; MACDONALD et al., 1998 ; CAMARERO et GUTIÉRREZ, 2004).

La régénération des arbres dans l’écotone supérieur de la forêt est considérée comme une des réponses écologiques les plus sensibles au réchauffement climatique (PAYETTE et FILION, 1985 ; WEISBERG et BAKER, 1995), phénomène qui semble bien illustré par

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les arbres présents sur notre terrain d’étude et qui sera discuté dans cette thèse.

La future position de la limite supérieure de la forêt est donc considérée comme un indicateur des effets des changements de l'environnement (GRACE et al., 2002 ; HOLTMEIER et BROLL, 2005). La remontée de la forêt ainsi que sa densification dans l'écotone à la limite supérieure de la forêt pourraient avoir des conséquences dans le cycle global du carbone et sur la biodiversité. Il pourrait y avoir aussi un effet sur la modification paysagère en montagne. Actuellement, il y a intérêt à étudier les causes de cette modification en cherchant une explication liée au changement climatique planétaire. Les chercheurs se focalisent sur les facteurs qui peuvent expliquer cette modification, telles que l'augmentation de la température, la concentration du CO2 et l'augmentation du dépôt d’azote au sol. La diminution de la radiation solaire comme une conséquence de l'augmentation des nuages et des aérosols, serait aussi un facteur explicatif (KÖRNER, 1998 ; JOBBÁGY et JACKSON, 2000 ; GRACE et

al., 2002).

Finalement, KELLER et KÖRNER (2003) ont montré que le développement des plantes alpines et non seulement une fonction du changement de température mais dépend également de la durée du jour car les plantes sont sensibles à la longueur du jour surtout au début de la période de croissance. En ce sens, le début de la fonte des neiges détermine la longueur du jour que les plantes utilisent au début de la période de végétation ; par conséquent, la synchronisation entre la fonte et le début de la période végétative est cruciale pour le cycle végétatif des espèces (KÖRNER, 1992). Ainsi, l’étude de la variabilité de la couverture de neige est très importante car les changements sur la couche de neige ont des effets rapides, directs et indirects, ainsi que des effets à long terme sur la croissance des plantes et la productivité des écosystèmes (WALKER et al., 1993 ; GALEN et STANTON, 1995 ; PALACIOS et SANCHEZ, 1997). Plusieurs de ces

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aspects seront discutés à partir de notre terrain d’étude qu’il convient maintenant de présenter.

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