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PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET TERRAIN D’ETUDE

ALTITUDE MOYENNE

2.2.3. El Niño et l’Oscillation Australe (ENSO)

Les tendances évoquées précédemment sont sous l’influence de l’ENSO, que nous évoquons maintenant de manière assez détaillée car ce phénomène a des incidences sur les précipitations et les écosystèmes dans la cordillère.

2.2.3.1. Caractéristiques du phénomène

Les climatologues nomment «variabilité climatique de basse fréquence» trois types de changements dans le climat : ceux se produisant sur plusieurs années consécutives (variabilité interannuelle), ceux, plus lents, à l’échelle des décennies et enfin, les changements qui suivent une tendance à long terme. GARREAUD et ACEITUNO (2007) expliquent que la variabilité climatique interannuelle dans le continent sud-américain, ainsi

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qu’en d’autres endroits de la Terre, est due principalement aux occurrences de « El Niño » et « La Niña » pendant les phases extrêmes de l’Oscillation du Sud (OS).

L’Oscillation du Sud est un phénomène climatique qui se traduit dans l'atmosphère par une variation à intervalles irréguliers du champ de la pression atmosphérique moyenne entre l'ouest et l’est du bassin du Pacifique sud (ACEITUNO et MONTECINOS, 1993).

Pendant la phase négative de l’OS, dans le centre et l'est de l'Océan Pacifique, on observe une baisse de pression et une hausse (anomalie positive) de la température superficielle de la mer (SST), tandis que pendant la phase positive, les conditions sont plutôt froides (anomalie négative). Si les anomalies des températures superficielles de la mer sont extrêmes et perdurent plusieurs mois, un épisode El Niño ou La Niña apparait : El Niño correspond à la phase tiède d’ENSO et, au contraire, La Niña

correspond à la phase froide (TRENBERTH, 1997).

Pour caractériser le phénomène ENSO, les chercheurs ont élaboré différents indices sur la base des paramètres climatiques tels que les températures de l’air et de la mer, la pression du niveau de la mer, la vitesse et la direction du vent. Les indices les plus utilisés sont : le « SOI » (Darwin Southern Oscillation Index, ROPELEWSKI et JONES, 1987), le « MEI » (Multivariate ENSO Index, WOLTER et TIMLIN, 1993), le « TNI » (Trans-Niño Index, TRENBERTH et STEPANIAK, 2001) et l’indice « ONI » (Oceanic Niño Index, CLIMATE PREDICTION CENTER, 2008). Ces indices ont été élaborés pour les 5 grandes régions (1, 2, 3, 4 et 3.4, ce dernier composé d’une partie de la région 3 et 4) du bassin du Pacifique (figure 31).

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Figure 31 : Régions du bassin pacifique utilisées pour le calcule de la SST

(Climate Prediction Center, NOAA).

2.2.3.2. Les fluctuations de l’ENSO

Il a été constaté que les cycles de réchauffement et de refroidissement de l’eau du Pacifique central et oriental influencent la pression superficielle de la mer. Ainsi, lorsque la pression mesurée à Darwin est comparée à celle mesurée à Tahiti, la différence entre les deux est utilisée pour générer l’indice SOI. Quand les valeurs sont positives, nous avons un événement du type La Niña, ou refroidissement de la température de surface de la mer (TSM). Mais lorsque la valeur est négative, nous avons un événement du type El Niño (ou réchauffement de la TSM). Autrement dit, l'indice d'oscillation Australe (SOI) mesure les fluctuations à grande échelle de la pression atmosphérique entre l'ouest et l'est du Pacifique tropical au cours des épisodes d’El Niño et La Niña (ROPELEWSKI et JONES, 1987 ; HALPERT et ROPELEWSKI, 1992). En général, la série chronologique du SOI correspond très bien aux changements de la TSM dans l'est du bassin du Pacifique. La phase négative du SOI est présente lorsque la pression de l'air à Tahiti est au-dessous de la normale et quand la pression de l'air à Darwin est au-dessus de la normale. Des périodes prolongées de SOI négatives coïncident avec les valeurs anormalement chaudes dans les eaux océaniques de l'est du Pacifique tropical typique des épisodes d’El Niño. Des périodes prolongées de valeurs positives du SOI coïncident avec les eaux océaniques anormalement froides,

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dans l'est du Pacifique tropical, typique des épisodes de La Niña

(TRENBERTH, 1997).

Figure 32 : Evolution de l’indice SOI au cours de la deuxième moitiée de XXe siècle (CAR/CDG, 2008) et, en trait plein noir, la moyenne lissée.

La figure 32 montre l’évolution de l’indice SOI pour le Pacifique centrale. Les périodes El Niño sont représentées en couleur rouge, tandis que les périodes La Niña sont en bleu. Il est intéressant de noter qu’il s’agit d’un phénomène qui a une fréquence entre deux et sept ans.

La figure 33 montre les épisodes d’El Niño et de La Niña selon l‘indice ONI. Cet indice est construit à partir des anomalies de température de la mer dans la région 3.4. Si les anomalies sont au-dessus de 0,5 °C durant plus de 5 mois consécutifs, un événement El Niño se produit, respectivement un événement du type

La Niña si les anomalies sont au-dessous de -0,5 °C durant 5 mois consécutifs. Ces événements sont classés dans trois catégories : faible (entre 0,5 et 1,0), modérée (entre 1,0 et 1,5) et forte (supérieure à 1,5).

Depuis les années 50, les épisodes d’El Niño ont été observés 19 fois, dont 6 de caractère fort et sa dernière manifestation a eu lieu durant les derniers mois de 2008, tandis que la dernière apparition de La Niña a été observée au cours de l'été austral 2010-2011.

[83] 1950 1954 1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006 -3 -2 -1 0 1 2 3 In d ic e O N I 1957-1958 1965-1966 1972-1973 1982-1983 1991-1992 1997-1998 1955-1956 1973-1974 1975-1976 1988-1989 1999-2000 2002

Figure 33 : Evolution de l’indice ONI dans la région 3.4, en relation avec la

période 1971-2000 (Climate Prediction Center, NOAA).

A l’échelle interannuelle, plusieurs études ont montré l’impact d’ENSO sur le comportement des rivières d'Amérique du Sud (ACEITUNO et VIDAL, 1990 ; GARCIA et MECHOSO, 2005). Toutes les séries temporelles de débits qui ont été analysées, montrent des périodicités semblables à celles d’El Niño. Au Chili central, pendant les hivers sous l’influence d’El Niño (TSM anormalement chaud), le débit des rivières andines augmentent du fait d’une fréquence et intensité des pluies plus fortes.

On observe donc au Chili central, durant les épisodes El Niño, une augmentation des précipitations au-dessus de la moyenne pendant les mois d’hiver (RUTLLAND et FUENZALIDA, 1991 ; ACEITUNO, 1992 ; ACEITUNO et GARREAUD, 1995 ; MONTECINOS et ACEITUNO, 2003 ; GARREAUD et ACEITUNO, 2007). Pour la région andine compris entre les 30° et 35° de latitude sud, ESCOBAR et ACEITUNO (1998) indiquent que l’accumulation de neige tend à être supérieure à la normale quand l’anomalie moyenne de la TSM dépasse 1 °C au cours de la période mai-août.

Toutefois, seulement 50 % des années les plus sèches coïncident avec la phase froide de l’ENSO (événements La Niña) dans la zone tropicale du Pacifique. Ceci suggère l'existence d'autres facteurs en dehors de la zone tropicale du Pacifique qui contribuent à expliquer la variabilité des précipitations dans les Andes du Chili central (RUTLLAND et FUENZALIDA, 1991 ; MASIOKAS et al., 2007).

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En outre, l’impact de l’ENSO sur les précipitations du niveau continental est variable (figure 34).

Figure 34 : Relation entre l’ENSO et les fluctuations des précipitations dans les principales régions d’Amérique du Sud. Les régions touchées sont entourées de pointillés et le type d’anomalie indiqué par le signe + ou - (GARREAUD et ACEITUNO, 2007).

Aussi, plusieurs auteurs ont étudié la réponse de la végétation aux effets de l’ENSO dans différents écosystèmes (MENNIS, 2001 ; SALINAS-ZAVALA et al., 2002 ; ERASMI et al., 2009). Ainsi, l'augmentation des précipitations au cours d'un événement ENSO est cruciale pour le recrutement des plantes et la productivité de certains écosystèmes (POLIS et al., 1997 ; HOLMGREN et al., 2001).

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