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Chapitre III : DE LA REEDUCATION A LA THERAPIE DU LANGAGE ECRIT

II. La relation thérapeutique dans la thérapie du langage

Dans toute relation thérapeutique, le patient doit être considéré dans sa totalité et il est nécessaire pour le thérapeute de se mettre à son niveau, de le rejoindre là où il en est, de sans cesse s’adapter à lui.

Pour établir une relation thérapeutique saine, l’orthophoniste ne doit pas se positionner comme étant celui qui sait ce qui est bon pour l’autre : « Notre attitude dans la relation établie dès le premier moment sera celle d’une liberté face à une autre liberté » (Mucchielli-Bourcier A. , 1979, p. 196). Il s’agit donc pour lui de se distancier d'une tentation de maîtrise, afin de pouvoir se positionner comme accompagnateur d’une démarche de découverte propre au patient. Le sujet ayant en lui-même, à son insu, les ressources pour changer, il s’agira pour le thérapeute de l’accompagner sur les chemins qu’il (le sujet) choisit pour sortir de ses difficultés avec le langage, la langue et la parole.

Cela suppose que c’est à partir du sujet et de ce qu’il apporte que la séance se crée : « C’est l’enfant qui nous montre les acquis sur lesquels nous pouvons nous appuyer, c’est l’enfant qui déroule le fil de la séance » (Chassagny, 1985, pp. 202,203). Le thérapeute, lui, accompagne le patient en mettant à la disposition de ce dernier ses techniques et sa créativité. En allant ainsi au rythme du patient, il peut espérer atteindre l’objectif de la thérapie : modifier le rapport que le patient entretient avec le langage et, pour ce qui nous intéresse plus particulièrement, avec l’écrit. L’objectif est de permettre au patient de se responsabiliser vis-à-vis de son trouble jusqu’à parvenir, progressivement, à une autonomisation. Il s’agit donc bien là de réaménager le symptôme.

Le thérapeute s’attache donc, au sein du cadre thérapeutique posé, à instaurer un climat de sécurité et de confiance, afin de susciter chez le patient motivation, volonté d’expression, et plaisir de l’interaction. Pour cela, le thérapeute doit tout à la fois faire preuve de bienveillance, d’empathie, d’écoute, de diplomatie, d’adaptabilité, d’humilité, de fermeté, de patience, de créativité… Il doit adopter une position de tiers et toujours rester dans cette position. Il doit soutenir le patient, l’aider à faire des liens, à élaborer, tout en respectant sa spontanéité. Son rôle est finalement « de regarder et percevoir, d’écouter et d’entendre, de recevoir sans juger, de saisir le comment des événements et des rencontres sans être torturé par le désir de comprendre » (Chassagny, 1985, p. 58). Ce qui est important, ce n’est pas tant ce qui est fait, mais c’est le fait de co-construire, de donner du sens ensemble à ce qui est fait.

2. Alliance des techniques et de la relation dans la thérapie

« Le langage naît à travers la relation, vit dans la relation, peut mourir aussi, hélas, par défaut d’une relation suffisamment structurante » (Vallée, 1995, p. 12).

Reconnaître l’importance de la relation et de l’interaction dans la rééducation n’est évidemment pas propre aux courants de la thérapie du langage, ni même à l’orthophonie de manière générale. Dans le domaine du médical et du paramédical, la relation est primordiale, et elle constitue parfois même – c’est le cas pour les psychologues – la base de la prise en charge. Mais en orthophonie, la prise en charge va s’organiser autour de la demande : la relation qui se construit est centrée sur le pourquoi la rencontre a lieu, l’objectif étant d’aider le patient à mieux vivre avec son trouble du langage ou de la communication. Pour autant, l’importance accordée à cette demande et à la dimension du sens ne vient pas annuler la dimension technique : l’orthophoniste a bel et bien recours à des techniques, qui constituent une base sur laquelle il va s’appuyer pour mener ses séances. La rééducation repose à la fois sur un principe d’expression libre et sur les savoirs et savoir-faire techniques de l’orthophoniste, mais ces derniers ne sauraient être appliqués de façon identique à tous les patients, individus uniques, porteurs d’un même trouble. Par ailleurs, au-delà des méthodes qui lui ont été enseignées, le thérapeute du langage est finalement lui-même l’instrument principal du travail avec le patient. Ce qu’il met au service de ce dernier, ce ne sont pas seulement ses connaissances, c’est également son fonctionnement mental, sa capacité de ressentir, de comprendre et d’élaborer.

3. Etre thérapeute du langage

Selon Dubois et Lindefeld, « être thérapeute du langage et de la communication, c’est reconnaître à l’enfant la place qui lui revient : celle d’un interlocuteur à part entière. » (Aimard & Morgon, 1987, p. 221). Pour ce faire, le thérapeute doit avant tout lui-même

se connaître, pour pouvoir se reconnaître comme interlocuteur, comme sujet porteur d’une parole qui a de la valeur, et pour pouvoir renaître à lui-même et aux autres.

Chassagny (1985) parle quant à lui d’une « façon d’être qui tend à une façon de faire ». Il écrit par ailleurs que « la PRL est d’abord un choix d’adulte d’une option personnelle et ensuite, dans une profession donnée, le choix d’une personne pour un enfant en particulier » (p. 107).

La thérapie du langage est avant tout un positionnement clinique, une manière d’entrer en relation avec le patient. Elle propose une alliance entre réflexion et technique. Cette manière d’être exige une formation spécifique, un investissement personnel, une remise en question permanente. Il s’agit donc finalement d’une attitude, qui est dépendante de chaque orthophoniste, de sa personnalité et de sa manière de l’adapter à chaque patient.