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Cette relation intervient en particulier dans les définitions de ce qui est représenté. Sallaberry (2000) a montré à quel point les jeunes enseignants de chimie peinaient pour fournir de réelles définitions, et qu’ils se limitent paresseusement à l’énoncé de caractéristiques. Il explique, dans le cas particulier de la définition d’un élément chimique, que son public peut dire que « un élément chimique est caractérisé par le nombre de charges Z », mais qu’il est rarement capable d’énoncer que « l’élément chimique est l’ensemble des particules (atomes ou ions) qui ont même nombre Z de protons ». Cette subtile différence entre les deux énoncés fait du second une définition, ce qui n’est pas le cas du premier, différence que ces

jeunes enseignants ont du mal à percevoir. Qu’en est-il des signes permettant la compréhension des notions liés à la structure moléculaire de la matière ?

La chimie met en jeu un grand nombre de signes qui sont autant de représentés dont on attend que l’enseignement fournisse des définitions. Ainsi, une liaison chimique covalente, représentée par un tiret –, ou la structure électronique stable d’un atome ou d’un ion représentée, par K2 ou K2 L8, devraient pouvoir être définies par l’enseignant. Nos observations (infra) ont confirmé ce que Sallaberry a observé dans le cas de l’élément chimique, à savoir la difficulté d’assurer la fonction de référence pour expliquer ce que les signes utilisés en chimie signifient. Certes, tout comme la notion d’élément chimique relevée par Sallaberry, ces notions de liaison chimique ou de structure électronique sont délicates à définir, mais la relation entre ces notions et les signes correspondants est la seule emprise qu’un apprenant peut exercer pour en dégager une certaine compréhension. Comment l’enseignant peut-il s’y prendre ?

Nous avons constaté, dans les cas étudiés, que cette relation de désignation était souvent absente quand il s’agit de notions abstraites et fondamentales, comme celle de structure électronique. Lors du débriefing ML, nous avons trouvé, à la place :

Le chimiste dit que la structure électronique externe du néon et de l'argon est en octet (dit par un élève, et satisfait l’enseignant).

On parle de structure électronique en octet lorsque la couche externe L ou M contient 8 électrons (dicté et répété par l’enseignant).

Une telle utilisation des verbes parler ou dire (comme dans les citations précédentes) est intervenue 12 fois en 50 min. dans le débriefing-corrigé de l’activité expérimentale. A chaque fois, ce verbe a permis au professeur d’éviter de mettre en jeu la relation de référence entre le signe et ce qu’il représente, et à chaque fois, ce qui était représenté était un concept particulièrement abstrait. La fiche de synthèse de l’autre enseignant traitant de ce thème ne reprend pas plus ces notions délicates.

Des études d’ouvrages sur le même thème (Khanfour-Armalé et Le Maréchal, soumis) ont constaté que l’absence de relation de désignation peut être compensée de différentes façons. A de rares exceptions près, la relation de désignation d’une notion aussi abstraite que celles liées aux structures électroniques est donc évitée et remplacée par différents artifices.

La causalité

La relation causale intervient au moins dans deux grandes catégories de signes en chimie. La première, dont nous parlerons peu, correspond aux signes résultant d’opérations automatisées. Les spectroscopies sont dans ce cas puis qu’un spectre indique que telle molécule (ou fragment de molécule) est présente dans l’échantillon. Ces techniques

(le feu). Elles sont à ce titre de précieux instruments pour l’analyse chimique. La seconde relation causale correspond aux signes produits par des opérations conscientes.

En chimie, la relation de causalité du type fumée-feu avec des représentations conscientes est d’une certaine façon omniprésente. Par exemple, le fait qu’un trait relie deux atomes est le signe qu’une liaison existe dans la molécule correspondante ou, plus précisément, le signe que, dans le cadre de la théorie de Lewis, les deux atomes sont liés.

Lors du Débriefing ML après une partie substantielle sur les structures électroniques des atomes, l’enseignant aborde la molécule la plus simple : H2. Il débat sur les électrons des atomes H avant de se référer au modèle moléculaire pour conclure : la boule blanche représente un atome d'hydrogène et entre les 2 boules on a représenté la liaison entre les 2 atomes d'hydrogène / cette liaison en fait est la mise en commun de 2 électrons. Le tiret de la liaison est donc, dans les faits, la conséquence de l’existence d’une liaison entre les boules blanches du modèle moléculaire, donc d’un objet comme la relation fumée-feu, et non d’un concept au sein de la théorie de Lewis (terme qui n’avait pas encore été cité à ce stade du débriefing). Cette relation de causalité, certes plus délicate, n’en demeure pas moins la spécificité de la chimie. En revanche, cette spécificité apparaît dans la fiche de synthèse : Dans la représentation de Lewis d’une molécule, les liaisons sont représentées par des tirets…Cette relation causale impliquant le signe est donc un détail dont on peut dire qu’il est important pour l’enseignant, puisqu’il figure dans une fiche de synthèse, mais qui est trivial, puisque c’est le seul cadre théorique utilisé à ce niveau, et dont une explication orale peut faire l’économie.

L’opposition

Il s’agit ici d’analyser la relation, entre signe et représenté, qui résulte de la disposition de différents signes entre eux. Cette relation apparaît dans l’écriture de signes complexes (au sens où ils sont constitués de signes simples) comme pour les formules brutes. Ainsi, H2O désigne l’eau alors que HO2 désigne le radical hydroperoxyle. Une constatation analogue pourrait être faite pour les signes constituants la formule développée de la molécule d’eau. L’information contenue dans l’arrangement des signes les uns par rapport aux autres est donc essentielle et résulte de règles propres au système sémiotique utilisé.

Nous avons observé que cette relation pouvait être prise en charge à l’oral comme à l’écrit. Par exemple pendant le débriefing, l’enseignant précise les positions respectives de certains signes à propos de la représentation de la molécule l’ammoniac. Il explique la distinction entre les doublets partagés (liaison ou doublet liant représenté par un tiret entre deux symboles d’atome) et non partagés (doublet non liant représenté par un tiret au voisinage d’un seul symbole d’atome) ainsi : « …vous avez 3 liaisons covalentes et puis au-dessus de N là vous avez un trait qui correspond / alors c'est pas une liaison puisque c'est pas un trait d'union entre 2 atomes / ces 2 électrons qui appartiennent à l'azote ».

Dans la fiche de synthèse, cette idée est reprise et la position respective des signes qui distingue les doublets liants et non-liants est explicitée. Examinons maintenant l’opposition des signes dans un tout autre type de représentation moléculaire apparue dans la fiche de synthèse de la séquence CS (annexe 2 document 2 f).

L’opposition des signes pour représenter les molécules intervient aussi quand les notions de concentration ou d’état de la matière sont mises en jeu. Les représentations de la figure 5 ont été rencontrées sur l’une de nos fiches de synthèses. Le petit rond ne désigne alors plus une molécule, car il en faudrait représenter 1023. Ces petits ronds se rapprochent de ce que Duval (2006, p.54) appelle des marques d’unités qui peuvent être utilisées pour représenter des nombres (cinq bâtons pour le nombre 5, vingt et une croix pour le nombre 21). Le signe (bâton ou croix) n’a pas d’importance en soit. Il se limite à marquer une unité. Les arrangements configuraux (deux paquets de 10 et un paquet de 1) peuvent avoir un intérêt cognitif quand il faut, par exemple, distinguer dizaine et unité. Les représentations de la figure 5 jouent ce rôle, mais leur nombre ne compte pas. Seuls comptent la conservation de ce nombre et l’espacement de ces marques d’unités afin de représenter la conservation de la matière lors de certaines opérations (fusion, dissolution, dilution), ou certains propriétés physico-chimiques comme l’état de la matière (cristallisé, liquide ou en solution

La relation d’opposition au sein des signes complexes utilisées pour les représentations moléculaires permettent donc d’analyser des situations fort diverses.

n = 2,5.10-5mol C = 2,5.10-5mol.l-1 V = 1,00 L n = 2,5.10-5mol V’ = quelconque C’ = n / V’ m = 16 mg n = 2,5.10-5mol

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