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L’originalité de cette séquence d’enseignement concerne sa mise en œuvre et le travail de réflexion qui l’accompagne.

L’élève trouve sur sa paillasse des échantillons métalliques et la question suivante est posée. 1) Comment peut-on reconnaître simplement le cuivre d’autres métaux comme le fer ou le plomb ?

Cette question exploite la connaissance initiale de l’élève (flèche supérieure figure 1). Elle prépare la reconnaissance du cuivre au point 5 ci-dessous. 96 des 98 comptes rendus ont proposé de reconnaître le cuivre à sa couleur dont 13 binômes répondaient en plus de la couleur l’une des caractéristiques suivantes : texture, masse, poids, forme, composition et souplesse. Les élèves se sont donc appropriés une première notion en relation avec le concept cible. En plus ils évoquent presque tous la couleur, ce qui permet de reconnaître le métal cuivre au moment où il réapparaîtra. Puis il lui est demandé de réaliser la réaction suivante :

2) Transformation n° 1 : Prendre un petit morceau de cuivre (30 à 40 mg) et l’introduire dans un tube à essai. Ajouter avec précaution environ 1 mL d’acide nitrique (port de lunettes obligatoire, éviter tout contact entre l’acide et la peau). Observer et décrire les observations.

A quoi peut-on dire que la transformation est terminée ?

Cette transformation se retrouve dans la quasi-totalité des manuels français consultés (pratiquement tous ceux édités entre 1993 et 2004). Sa pérennité provient des caractéristiques reconnaissables du métal (orangé) et des ions (bleus) qui résultent de son oxydation. A propos de la même transformation, Laugier et Dumon (2003) indiquent que les élèves constatent la disparition du cuivre, la formation d’un gaz roux (NO2, toxique), l’apparition d’une couleur bleue (Cu(H2O)62+) et l’échauffement de la solution (exothermicité). Avec nos conditions expérimentales, le dégagement du gaz est faible (pour

si leur attention n’est pas attirée sur ce point par l’enseignant. Certains élèves pensent même que le tube à essais se colore, et il faut les aider pour leur permettre de prendre conscience qu’il s’agit de l’apparition d’un gaz. Qu’un gaz puisse être un réactif ou un produit, et même que ce soit de la matière, peuvent en effet être ignorés d’élèves de lycée (Hesse & Anderson, 1992). D’autre part, il n’y a pas d’échauffement, ce qui constitue une observable en moins. En revanche, le cuivre disparaît totalement en quelques minutes (si la concentration de l’acide est 6 à 7 mol.L–1), ce qui est essentiel pour la suite du travail qui utilise sa réapparition.

Nous constatons que notre texte ne pose de questions que sur les observations et non sur leurs interprétations. Nous faisons en effet l’hypothèse que l’élève n’est pas en mesure de proposer une interprétation puisqu’il a besoin, pour ce faire, de disposer des connaissances qui sont l’objet de l’apprentissage sur l’élément chimique qui va suivre. La question se pose donc de savoir s’il est possible d’observer sans une base théorique (Johsua & Johsua, 1987). La « théorie » derrière cette observation est la relation entre une espèce chimique ou un ion, et sa couleur ou son état physique. Cette base théorique étant connue de l’enseignant, celui-ci guide l’élève en lui demandant d’observer et, par contrat, attend une réponse sur l’évolution des couleurs.

3) Pendant que la transformation chimique se déroule, déposer avec une pipette une goutte d’acide nitrique sur la partie brillante d’une lame de fer. Rincer la lame de fer à l’eau du robinet. Décrire les observations.

Les lames de fer doivent être exemptes de rouille qui peut faire office de distracteur, par sa couleur voisine de celle du cuivre. Par ailleurs, faire constater aux élèves l’effet de l’acide nitrique sur le fer est important pour que l’interprétation des expériences à venir soit simplifiée.

4) Transformation n° 2 : Quand la transformation chimique mettant en jeu le cuivre et l’acide nitrique est terminée, ajouter 1 à 2 mL d’eau dans le tube. Boucher et agiter. Avec une pipette, prélever un peu de la solution bleue et en déposer une goutte au milieu de la partie brillante de la lame de fer. Rincer la lame de fer à l’eau du robinet. Identifier la tache observée.

Le dépôt de cuivre immédiat est identifié : “ c’est couleur cuivre ”. La notion d’expérience témoin comme la transformation n° 2 n’est pas complètement évidente7 puisque 4 binômes sur 98 ont « vu » de la rouille.

7 Une expérience témoin fonctionne sur une causalité simple : les mêmes causes produisant les mêmes effets, une modification de l’effet doit donc être imputée à la cause.

5) Les “ Blicks ”8 sont des êtres imaginaires : admettons que l’on en a enfermé 5 dans une boîte ; voir le schéma ci-dessous. On observe la boîte le matin et le soir.

A partir des schémas des deux boîtes rectangulaires ci-contre répondre aux questions A et B :

Question a : Qu’est ce qui ne s’est pas conservé dans cette boîte ?

Question b : Qu’est ce qui s’est conservé pendant la transformation ?

une boîte le matin la même boîte le soir

Le contenu de la boîte s’est transformé entre le matin et le soir.

Cette 5e question met l’élève face à la source de l’analogie. C’est la première étape d’un tel fonctionnement (Sander, 1998, p.27). L’attention de l’élève est attirée sur ce qui est essentiel, une transformation dans laquelle certaines « choses » se conservent et d’autres non. Ces idées sont à la base de la construction de la catégorie « Élément chimique », voir Figure 1, et permettront d’interpréter la transformation chimique en s’appuyant sur l’analogie.

L’analogie Blicks (matin) → Blicks (soir) correspond par exemple à une réaction d’isomérisation (ex. cis-but-2-ène → trans-but-2-ène), ou à une réaction électrochimique (Cu(s) → Cu2+(aq) + 2 e). En même temps, la représentation des Blicks oriente vers l’idée que les noyaux des atomes se conservent lors d’une transformation chimique. Une limite de cette analogie est l’absence de prise en compte de la notion de stœchiométrie, mais celle-ci n’est objet d’apprentissage que plusieurs mois après dans la séquence d’enseignement adoptée.

La forme et la disposition des Blicks ont été considérées par 85 des 98 comptes rendus comme « ne se conservant pas » dans la transformation impliquant les Blicks. A la question 5b, 46 des 98 comptes rendus indiquent que le noyau et le nombre des Blicks étaient conservés pendant cette transformation, et 52 écrivent que l’une ou l’autre de ces caractéristiques se conserve, en plus d’autres comme structure, taille... Cela indique également que la notion de conservation (et de non conservation) émerge explicitement pour le cuivre.

6) A propos de l’expérience entre le cuivre et l’acide nitrique que l’on peut schématiser ainsi, répondre aux questions C et D :

Acide nitrique

Cuivre Solution bleue

Tube à essais au début et à la fin de l’expérience Le contenu du tube s’est transformé entre le début et la fin de l’expérience.

Question c: Qu’est-ce qui ne s’est pas conservé dans ce tube ? Question d : Qu’est-ce qui s’est conservé pendant la transformation ?

Quel lien peut-on établir entre les boîtes de Blicks de la question 5 et cette expérience avec le cuivre et l’acide nitrique ?

Il s’agit maintenant d’aborder le cœur de l’apprentissage de l’élément chimique. Nous attendons pour la question C : « le cuivre a disparu, la solution s’est colorée, les vapeurs rousses sont apparues », et pour la question D que « le cuivre est toujours présent dans la solution bleue, puisqu’il peut “réapparaître” ». Comment est-ce possible que le cuivre puisse disparaître tout en restant présent ?

87 des 98 comptes rendus indiquent que le cuivre ne se conserve pas, et à la question 6d, 42 indiquent que le cuivre se conserve (d’autres ont écrit que l’acide, ou la solution, se conserve). Cela renforce l’idée résultant de l’analyse de la question précédente sur l’importance du rôle des notions de conservation et de non conservation. Ce qui a constitué un trait de structure de l’analogie est, comme l’hypothèse l’avait pressentie, devenu le cœur du problème sur lequel les élèves vont réfléchir. La valeur 42/98 montre la difficulté à faire énoncer l’idée de conservation de quelque chose en rapport avec le métal cuivre, suite à sa réapparition. Cette idée semblait pourtant évidente pour les auteurs cités ci-dessus qui, depuis Viovy (1984), utilisent cet artifice expérimental.

Alors que les autres questions ont permis de mettre en jeu l’essentiel des connaissances importantes de l’activité, seuls 33 comptes rendus font apparaître simultanément que le cuivre s’est et ne s’est pas conservé. Il ne faut cependant pas en déduire que les autres binômes n’ont pas eu ce débat, les comptes rendus ne reflétant pas la totalité des idées échangées entre les élèves.

Le rôle de l’expérience en relation avec la situation analogue des Blicks a été déterminant puisqu’il a permis au moins à la moitié des élèves de prendre simultanément en compte la non-conservation et la conservation du cuivre. Savoir si les Blicks ont été importants pour les élèves est discutée avec la question 6d : dans les comptes rendus ; dans les enregistrements ; et à la dernière question lorsque l’on demande aux élèves de produire des représentations inspirées des Blicks pour traduire d’autres cycles impliquant l’élément chimique cuivre.

Les comptes rendus de la question 6d : Quel lien peut-on établir entre les boîtes de Blicks de la question 5 et cette expérience avec le cuivre et l’acide nitrique font apparaître 72 fois sur 98 (72%) l’idée était : « Comme les Blicks, le cuivre a changé de forme / d’aspect ». Pour 12 autres comptes rendus, on a trouvé « Le même fonctionnement [pour le cuivre que pour les Blicks] ». La relation attendue apparaît donc largement et de façon correcte puisque seuls 14 binômes sur 98 (14%) ne font pas de relation avec les Blicks. Il est possible d’en savoir plus en lisant la transcription des enregistrements vidéo (tableau 2) :

Tableau 2 – Extrait de la transcription d’un des binômes à la question

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