• Aucun résultat trouvé

La création de catégories est rarement considérée par les enseignants comme une activité centrale. Et dans le cas de l’élément chimique moins qu’ailleurs, puisque cette notion est pas perçue comme tel. Ainsi, les phrases du type « T est un V » nécessite que l’esprit cherche si la catégorie V à laquelle T peut appartenir est connue. Si la catégorie V est effectivement reconnue, l’entité T est ajoutée comme élément de la catégorie, sinon, la catégorie V doit être construite avec un premier élément T (Tijus, 2001 p.171-173). Ce type de catégorie attributive est largement utilisé sur le plan cognitif. Par exemple, mettre un nouvel élément dans une catégorie préexistante est une activité différente que de créer une nouvelle catégorie avec des éléments connus. Ainsi, dire à l’élève que le titane (inconnu) est un métal (catégorie connue) pose moins de problème que de déclarer que le cuivre (connu) est un élément chimique (catégorie inconnue).

Le curriculum suggère de créer la catégorie d’élément chimique en TP à partir d’un unique élément. Le côté systématique d’une propriété d’appartenance à une catégorie aidant à la construction de celle-ci, les élèves ne peuvent donc construire de sens à cette notion avec ce seul TP. Multiplier les exemples d’éléments chimiques et varier les situations pour généraliser cette notion est donc une priorité. La généralisation doit s’opérer en deux temps : (a) l’élément chimique cuivre se conserve dans toutes les réactions chimiques – généralisation appartenant à la séance étudiée ; et (b) tous les éléments chimiques se conservent lors des transformations chimiques – généralisation qui attend d’autres séances en relation avec la structure de l’atome et la classification périodique (Le Maréchal et coll., 2007).

La polysémie

La gestion du lexique est une question qui a interrogé de nombreuses recherches en didactique, en particulier dans les domaines de la mécanique et de l’optique où des termes du vocabulaire courant sont redéfinis par le scientifique. Ainsi, le mot force doit-il faire l’objet d’un changement ontologique pour passer du terme courant, qui est une caractéristique d’une personne (j’ai de la force), à une grandeur d’interaction entre deux objets (Chi et al. 1994). En optique, le terme image, défini comme ce qui est créé par l’intersection des rayons lumineux, correspond dans le vocabulaire courant à « image nette », ce qui empêche l’utilisation scientifique du syntagme « image floue » (Buty, 2004). En chimie, l’introduction de la notion d’équilibre doit aussi faire l’objet d’une reconstruction du sens (Boo, 1998 ; Boo et Watson 2001 ; Roux et Le Maréchal, 2003 ; Chiu et al. 2002). Ces recherches se sont

différente par le fait que la polysémie du terme cuivre fait intervenir le syntagme « élément chimique » qui n’a pas d’usage dans le lexique courant. Comme le fait remarquer Taber (2001), les phénomènes de la chimie, qui ne sont pas observables, ne conduisent pas aux mêmes types de conceptions que ce que l’on peut attendre en physique ou en biologie, ce à quoi nous ajoutons : quand les concepts et/ou les termes qui les décrivent ne font pas partie de la vie quotidienne.

Faire prendre en charge la polysémie d’un terme par un enseignant n’est pas simple, et expose le collègue à la facile critique de vouloir couper les cheveux en quatre. Hofstadter (2001), dans sa Standford Lecture, compare cette situation à celle de l’apprentissage d’une langue étrangère quand un unique mot de la langue maternelle doit être traduit, suivant le sens, par un mot ou par un autre. Par exemple, tous ceux qui ont appris l’Anglais à l’école doivent se souvenir des âpres moments passés à gérer la traduction du verbe faire (do ou make). Avec la pratique cependant, l’esprit se crée des catégories affinées jusqu’au moment où ce qui paraissait non-naturel et gratuit se met à offrir un contraste intéressant dans sa propre langue. Dans la situation proposée dans notre travail, l’analogie des Blicks et la réflexion qui l’a entourée se sont évertuées à faire en sorte que la prise en compte de la polysémie n’apparaisse pas comme gratuite, mais résulte d’un besoin pour pouvoir analyser les observations. Nous avons vu ci-dessus des exemples où les élèves en étaient parfaitement conscients.

Conclusion

Notre recherche s’est posée la question de l’introduction d’une nouvelle notion dont la propriété centrale met en jeu la conservation au cours d’une transformation chimique en respectant les contraintes imposées par le programme officiel. Cette approche avait déjà fait l’objet de travaux et nous nous sommes positionnés dans le cadre de l’utilisation d’une analogie dont la validation a pris en compte l’activité des élèves et celle de l’enseignant. Nos résultats font apparaître que des difficultés qui ne semblent pas avoir été préalablement prises en compte, en particulier celle liée à la polysémie d’un terme central dans le travail des élèves, ont pu être gérées.

L’approche de l’analogie semble avoir été une voie intéressante, mais pour laquelle la prise en charge pose des difficultés à l’enseignant. En particulier, il semble qu’elle estompe le rôle de la notion de modèle qui met en jeu, en filigrane, la notion de fonctionnement de la science, rarement prise en compte dans l’enseignement. Diffuser cette séquence d’enseignement doit donc s’accompagner de quelques mises en garde. L’intérêt de cette analogie est de prendre en main la totalité de la séquence. Ce n’est pas une simple aide ponctuelle, mais l’installation d’un schéma de pensée et d’un outil d’expression aussi cadré que possible. Nous notons sur cet exemple qu’une analogie n’a nul besoin d’être complexe

pour être utile dans plusieurs situations d’apprentissage. Cette analogie, qui fut qualifiée par certains de naïve, a pu être utilisée autant pour activer les notions de conservation / non-conservation que pour fournir aux élèves un outil leur permettant de représenter une réaction chimique à un stade de l’enseignement délicat, puisqu’intermédiaire pendant l’introduction des concepts et la symbolique qui sert à leur description.

Le travail sur la compréhension de la transformation chimique a été reconnu comme difficile car la conservation des espèces chimiques, et non des éléments chimiques, est une conception profondément ancrée. L’analogie permettait d’apporter des réponses pour faire comprendre ce qui se conserve et ce qui ne se conserve pas pendant une transformation chimique.

Chapitre 4 La classification périodique

Introduction

L’apprentissage d’un concept scientifique implique souvent la construction de relation avec de nombreuses notions (Weil-Barais, 1999) ce qui implique que la mise en place de séquences d’enseignement innovantes ne doit pas être trop courte dans le temps didactique (Buty et al., 2004). Dans le cas où le concept en jeu est aussi central que la réaction

Documents relatifs