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Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.2 Deuxième partie – Les formateurs d’enseignants

2.2.1 La recherche sur les formateurs d’enseignants

L’étude de la formation des enseignants est un sujet qui au cours des dernières années a beaucoup attiré l’attention des chercheurs et spécialistes, notamment en suscitant d’importants débats théoriques, recherches empiriques et études exploratoires. En effet, en revisitant la littérature scientifique dans le domaine de l’éducation, on constate facilement que, depuis quelques décennies (avec des différences temporelles selon les pays envisagés), le sujet de « la formation des enseignants » est bien à l’ordre du jour. Et cela, pas seulement en Amérique latine.

Au Québec, par exemple, la recherche sur « la formation à l’enseignement » prend au Québec son véritable essor au cours des années 1990, à la suite de rapports critiques et de

débats sur la pratique enseignante qui ont conduit à promouvoir une véritable réforme vouée à la professionnalisation du métier d’enseignant (Martinet, Raymond et Gauthier, 2001), comme le soulignent Vanhulle et Lenoir (2005), c’est un mouvement très vaste qui se vérifie dans de nombreux pays occidentaux comme aux États-Unis et en France (Tardif, Lessard et Gauthier, 1998; Tardif et Gauthier, 1999).

Mais si des études sur les modèles et pratiques concernant la formation initiale et continue des enseignants ont conduit à beaucoup de recherches et publications scientifiques, néanmoins le domaine plus précis des « formateurs d’enseignants » a été peu analysé (Chaix et Baillauques, 2002), et moins encore si l’on pense au domaine des formateurs d’enseignants en contexte de diversité culturelle.

À ce propos, il faut bien préciser ce qu’est un « formateur d’enseignants », car sous le vocable de « formateurs » peuvent être rassemblées bien des catégories professionnelles. Certes, dans la formule que nous utilisons, il s’agit dans tous les cas d’enseignants, mais de statuts très divers. Ainsi nous trouvons des universitaires, des enseignants de métier (primaire et secondaire) dont les lieux et les conditions d’exercice étaient et sont encore extrêmement différents et qui obligent à des approches différenciées en termes de recherches et d’analyses.

D’après Lallez (1982), quand on parle de formateurs d’enseignants, on évoque une catégorie de professionnels qui, à temps plein ou à temps partiel, par leur fonction même ou par une partie de celle-ci, se consacrent à la formation d’autres enseignants. Selon Chaix et Baillauquès (2002), c’est pour cela que l’étude des formateurs d’enseignants s’inscrit dans le domaine de la formation des adultes. Toutefois, l’univers des formateurs comme catégorie professionnelle n’est pas facile à cerner. Même le titre de formateur reste encore ambigu (Altet, Paquay et Perrenoud, 2002). Dans le contexte de la formation professionnelle, par exemple, on y trouve une grande hétérogénéité de spécialistes de différentes disciplines.

En fait, la thématique des formateurs d’enseignants est restée aujourd’hui une problématique incontournable dans le domaine de l’éducation et, comme le constatait Perrenoud (1998, p. 2) dans les années 1980, l’hétérogénéité que cette thématique sous- entend empêche que puisse être donnée une seule et univoque définition à cette profession.

Qu’il suffise à ce propos de rappeler les commentaires sans équivoque de Paquay, Altet, Charlier et Perrenoud (1996, p.) :

[…] tant sont diverses les trajectoires, les expériences accumulées, les raisons pour lesquelles on devient ou on reste formateur, les projets, les conceptions de la formation ou encore les compétences qu’ils ont ou voudraient avoir. À cette diversité s’ajoute celle des situations, des tâches, des statuts, des emplois, des rattachements institutionnels et disciplinaires, des publics et des demandes auxquels les formateurs en exercice sont confrontés. La formation initiale et la formation continue posent en outre des problèmes différents.

Ces trois auteurs d’ailleurs n’hésitaient pas à questionner l’existence même de « formateurs d’enseignants » :

peut-on envisager de « former des enseignants professionnels » si les formateurs d’enseignants ne sont pas engagés eux-mêmes dans un processus de professionnalisation ? (Paquet, Altet, et al, 2002).

Sur la base d’analyses de cas en formation initiale et en formation continue en Belgique, au Canada, en France et en Suisse, ces auteurs ont fait le point sur la professionnalisation des formateurs d’enseignants, sur leurs compétences et leurs identités et sur la division du travail dans ce monde composite en mutation. En fait, ils ont fait une analyse du processus de professionnalisation en cours, de manière à pouvoir faire le partage entre idéologie et réalité. À la fin, les auteurs proposaient des dispositifs de formation et des pistes de réflexion pour former des formateurs professionnels, « accompagnateurs » des enseignants dans leur développement professionnel. Leur livre « Formateur d’enseignants : Quelle professionnalisation ? » (Op. Cit.), est devenu une référence incontournable quand il s’agit de réfléchir sur les formateurs d’enseignants. Il a servi de base à des articles de différentes natures : recherche empirique, études exploratoires, réflexions menant à la construction d’objets ou à la conceptualisation, à des analyses d’actions ou des projets. En ce qui concerne notre projet, ce livre, bien qu’il soit écrit en fonction d’un contexte européen et nord-américain dans les années 90, nous a permis de mieux apercevoir la grande diversité des typologies possibles de formateurs, et par conséquent l’importance de prendre en compte la spécificité du contexte latino-américain et indigène de notre recherche.

Au Québec, plusieurs recherches se sont intéressées aux différents acteurs de la formation pratique des futurs enseignants, stagiaires, enseignant associé, superviseur universitaire (voir entre autres, Carbonneau et Hétu, 1993; Desrosiers, Gervais, et Nolin, 2000; Atkinson, 1998; Beauchesne, 2000; Boisvert, 1987; Dupuy-Walker et Nault, 1994; Gervais, 1999; Gosselin, 2001, Hétu et Riopel, 2002). De son côté, Lepage (2004), dans sa recherche doctorale sur les éléments du cadre de référence adopté par les enseignants associés lors des activités reliées à l’accompagnement et à l’évaluation d’un stagiaire en difficulté ou en échec, montre, entre autres, le peu de place laissé au superviseur universitaire dans sa fonction de médiateur ou de conseiller. Pour sa part, Correa (2004), dans une étude descriptive et exploratoire, présente un portrait de la mobilisation des ressources et des stratégies qui sont mises en place par le superviseur de stage dans son intervention auprès du stagiaire.

Le chercheur mexicain Figueroa (2004) quant à lui insiste plutôt sur l’expérimentation et l’évaluation d’un modèle de formation continue. Inspiré d’un paradigme de formation de type « buttom up », ce modèle alternatif propose un perfectionnement qui part de la pratique des enseignants et qui tourne autour de la quête de solution à un problème didactique commun. Dans sa recherche-intervention, Figueroa devient lui-même un formateur d’enseignant dans la mesure où son étude aboutit à la création d’un dispositif de formation continue en contexte de travail.

À la lumière de ces exemples, nous pouvons dire que la diversité des formateurs est accompagnée aussi par la diversité des regards portés sur la recherche et la façon de faire de la recherche sur les formateurs d’enseignants.

Les contextes de formation, leurs fonctions et objectifs, l’hétérogénéité des publics en formation comme celle des attentes institutionnelles importantes (textes ministériels sur les référentiels de compétences professionnelles et les missions des professeurs, des enseignants), l’évolution constante du système éducatif (du point de vue des attentes de la société comme du point de vue des obligations et des missions des enseignants) : tous ces éléments poussent à interroger les dispositifs de formation et renvoient à des modèles de construction de l’expertise professionnelle qu’il faut et qu’il faudra sans cesse questionner et repréciser, en particulier à travers notre propre recherche.