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5 Diversité, stabilité et productivité

5.3 La résistance, la résilience et la récupération

La résistance, la résilience ou la récupération constituent des notions différentes de la stabilité décrite par la stabilité temporelle. Ces deux catégories de grandeurs sont complémentaires et nécessaires à une étude intégrative de la stabilité d’un processus. La

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résistance, résilience ou la récupération, vont chercher à expliquer la réaction immédiate à un stress ponctuel. Cependant quand on étudie la stabilité temporelle, on cherche à étudier les mécanismes de réactions à des stress répétés ou prolongés. Les trois grandeurs ne sont toutefois pas étudiées avec la même récurrence. Donohue et al. (2016) a répertorié une 40aine d’études sur la résistance pratiquement toutes basées sur les données expérimentales ou empiriques, contre plus de 150 d’études pour la stabilité temporelle. Le même nombre d’études travaille sur la résilience au sens large, c’est-à-dire la résilience défini ci-dessus (§ 2) et la récupération. A noter que dans ce cas-là plus de la moitié des travaux sont théoriques. Des trois grandeurs dont il est question dans ce paragraphe, la résistance est de loin la plus utilisée sur des jeux de données de terrain.

Les travaux sur la résistance, la résilience et la récupération après stress s’intéressent à l’effet sur un individu ou un ensemble d’individus d’un évènement stressant, telle une sécheresse ou une exposition à des températures extrêmes. Les facteurs explicatifs principalement étudiés pour comprendre l’effet d’un évènement stressant sur la productivité sont soit édaphiques (type de sol, topographie), soit dendrométriques (âge, DBH,…). Des études ont été réalisées sur l’effet de la diversité sur la baisse de productivité dû à un stress hydrique mais aussi à d’autres évènements stressants ponctuels, comme les tempêtes (Dhôte, 2005) ou les attaques d’insectes (Jactel, Brockerhoff, & Piou, 2008). D’après Jactel et al. (2017), deux types d'approches ont principalement été utilisés pour tester la résistance à la sécheresse dans les forêts mélangés : (i) des approches dendroécologiques qui comparent la réponse d’écosystèmes entre des années sèches et des années plus favorables climatiquement, et (ii) des approches écophysiologiques comparant l'efficacité de l'utilisation de l'eau selon les peuplements.

Les études dendroécologiques portant sur la croissance des arbres au cours des années sèches rapportent le plus souvent des effets positifs de la diversité sur la productivité annuelle (Lebourgeois et al., 2013; Merlin, Perot, Perret, Korboulewsky, & Vallet, 2015; Metz et al., 2016; Pretzsch et al., 2013). Cependant la croissance de certaines espèces d'arbres seraient plus favorisées que d’autres par le peuplement en mélange, comme le sapin pectiné (Lebourgeois et al., 2013) ou le hêtre (Pretzsch et al., 2013). Dans certains cas la résistance d’un peuplement mélangé peut être plus faible en comparaison d’un peuplement monospécifique (Pretzsch et al., 2013). Par conséquent, les différences de réponses entre les forêts monospécifiques et mélangées apparaissent plutôt liées à l’identité des espèces qu’au nombre d’espèces dans le peuplement (Forrester et al., 2016; Lübbe, Schuldt, & Leuschner, 2015). Quelques études

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suggèrent que l’effet du mélange (que ce soit à l’échelle du peuplement ou de l’individu) soit lié aux différences physiologiques entre les espèces. Ces différences peuvent se transcrire par une différence de réaction à la sécheresse. En effet il est possible de différencier deux types d’espèces : les espèces anisohydriques, réagissant lentement à la sécheresse utilisant les ressources à leur maximum, et les espèces isohydriques, réagissant rapidement à un stress pour se préserver au maximum de la cavitation. Les différences physiologiques peuvent également être dû une différence d’acquisition de lumière (Fichtner et al., 2017). D’autres études basent leurs explications mécanistiques sur la différence du niveau de compétition ou de facilitation entre les peuplements monospécifiques et les peuplements mélangés. L'hypothèse centrale, qui est applicable pour toutes les variables liées à la stabilité, est qu'une espèce pourrait faciliter (Callaway et al., 2002; Choler, Michalet, & Callaway, 2001) ou empêcher (Singh, Kohli, Batish, & Kaushal, 1999) l'établissement ou le maintien d'une autre espèce par rapport à elle- même. Il n'y a pas de consensus sur le signe de l’effet d’une augmentation interaction hétérospécifique (Montgomery, Reich, & Palik, 2010).

Les études écophysiologiques ont montré que le lien diversité des espèces d'arbres et sensibilité à la sécheresse des forêts dépend énormément du biome considéré (Grossiord et al., 2014). D’après cette étude, les forêts méditerranéennes ou montagnardes, ne montrent pas d’effet de la diversité significatif sur la résistance des peuplements à la sécheresse. En forêts tempérées et tropicales, où les sécheresses sont moins intenses, l’effet positif de la diversité sur la résistance à la sécheresse a pu être montré par plusieurs études (Kunert & Cárdenas, 2015; Schwendenmann, Pendall, Sanchez-Bragado, Kunert, & Hölscher, 2015 - pour les forêts tropicales - ; et Forrester, Theiveyanathan, Collopy, & Marcar, 2010; Gebauer, Horna, & Leuschner, 2012 - pour les forêts tempérées). De plus, Grossiord et al. (2014) ont observé à la fois des effets positifs ou aucun effet de l'interaction interspécifique en forêts boréales et hémi boréales. Ils associent ce patron à «l'hypothèse du gradient de stress» (SGH), en précisant qu’ils n’ont pas voulu directement la tester. SGH a été développée par Bertness & Callaway (1994). Ils ont théorisé une facilitation interspécifique croissante dans les écosystèmes avec l'augmentation des conditions stressantes. He and Bertness (2014) ont montré que la compétition interspécifique peut se transformer en facilitation lorsqu’un stress environnemental croît. Cette hypothèse a été affinée par d’autres études aux extrêmes des gradients de stress. En effet, Maestre et al. (2010), puis Michalet, Le Bagousse-Pinguet, Maalouf, & Lortie (2014), résument plusieurs études qui ont observé l’effondrement de la facilitation en conditions très stressantes, passant parfois de la facilitation à la compétition. En milieu boréal, avec des sols

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plus pauvres et moins profonds, Grossiord, Granier, Gessler, Jucker, & Bonal (2014) montrent également que les effets de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers peuvent dans certains cas être négatifs dans les peuplements mélangés. En effet dans ce cas particulier, les ressources du sol peuvent s’épuiser à cause de la complémentarité des espèces. Leur étude met en évidence la nécessité de prendre en compte non seulement les caractéristiques de croissance des espèces mais aussi les traits fonctionnels de ces espèces, c’est-à-dire une caractéristique morphologique, physiologique ou phénologique d'un organisme mesurée à l'échelle des individus affectant sa performance individuelle (Violle et al., 2007). La réponse des espèces d'arbres à la sécheresse dans les forêts mélangées peut être très variable, selon la composition du mélange, mais également selon les conditions environnementales. Il est donc actuellement difficile d'identifier un ou plusieurs schémas généraux du rôle de la diversité sur l’effet d’une sécheresse ponctuelle sur la productivité au niveau des peuplements.

5.4 L’étude du fonctionnement des écosystèmes via plusieurs échelles : du

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