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6 Diversité et décomposition

6.2 Effet de la diversité sur la décomposition

La plupart des connaissances sur le processus de décomposition est issu d’expériences étudiant chaque espèce de litière séparément. Cette situation ne reflète pas la situation réelle dans de nombreux écosystèmes, où plusieurs espèces sont en mélange.

De façon similaire à son effet sur la productivité, la diversité semble également avoir un impact sur le processus de décomposition au sein de la litière. Il est très important d’explorer

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cette relation diversité-fonctionnement également pour le processus de décomposition. Le rôle de la composition et de la diversité de la litière végétale sur le processus de décomposition a été l’objet d’assez nombreuses études. La plupart montrent que les litières monospécifiques ne se décomposent pas de la même manière que les litières en mélange. Par exemple dans leur méta-analyse, Gartner & Cardon (2004) ont montré que dans 50% des cas, la litière en mélange se décompose plus rapidement que ce que l’on pouvait prévoir à partir des vitesses de décomposition des mêmes espèces considérées isolément. Une décomposition plus lente qu’attendue, qualifiée d’antagoniste, est observée dans 20% des cas, tandis que dans 30%. 30% des cas, aucun effet de mélange n’est observé.

La prédominance de ces effets synergiques ou antagonistes, regroupés sous le vocable d’effets non additifs, indique que les interactions entre les espèces de litière sont assez courantes et conduisent à des trajectoires de décomposition distinctes de celle observées pour des litières monospécifiques (Scherer-Lorenzen, Schulze, Don, Schumacher, & Weller, 2007). Ces résultats soulèvent la question des mécanismes sous-jacents. Hättenschwiler, Tiunov, & Scheu, (2005) proposent plusieurs hypothèses : (i) les effets synergiques résultant du transfert des nutriments entre les types de litière, (ii) la complémentarité d’utilisation des ressources par les décomposeurs et (iii) les conditions microclimatiques améliorées ou la diversité des habitats.

Des considérations théoriques et expérimentales suggèrent que les effets synergiques positifs dépendent de la complémentarité des ressources qu’offrent aux organismes décomposeurs la présence de différents types de litières (Barantal, Schimann, Fromin, & Hattenschwiler, 2014; Handa et al., 2014). En d’autres termes, une ressource limitante dans une litière, qui en ralentit la décomposition, pourra être plus abondante dans la litière d’une autre espèce située à proximité. La décomposition de la litière de « mauvaise » qualité sera alors accéléré, et par extension la vitesse de décomposition du mélange dans son ensemble. (Chapman, Whittaker, & Heal, 1988; Wardle, Bonner, & Nicholson, 1997). Cela peut notamment être permis par le transfert de certains éléments vers la litière de plus faible qualité. Ce mécanisme est pertinent à considérer seulement si un nutriment spécifique (N) est le seul facteur limitant. Ces mécanismes - le transfert d'azote de la litière à forte teneur à la litière faible teneur, l'augmentation de l'activité microbienne et celle de la perte en masse dans la litière de plus faible qualité - ont été supposés pour des combinaisons d'espèces particulières (Briones & Ineson, 1996; Salamanca, Kaneko, & Katagiri, 1998). Pourtant, ce phénomène synergique n’est pas systématique (Klemmedson, 1992; Staaf & Staaf, 1980; Thomas, 1968), indiquant que ces effets dépendent du contexte et/ou des espèces en présence. Plus récemment, Handa et al.

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(2014) et Barantal et al. (2014) ont démontré que les effets positives dépendent plutôt des contributions de ressources complémentaires des différents types de litières et non celle d’une litière riche en nutriments qui va stimuler la dégradation d’une litière pauvre. Handa et al. (2014), dans une expérience à grande échelle à travers différents biomes (entre autre méditerranéen et tempéré), ont mis en évidence les conditions spécifiques de ces transferts de nutriments, qui pourraient être attribués aux champignons saprotrophes (voir l’extension de la discussion). Cela n'a toutefois jamais été démontré. D'autres nutriments que l’azote, comme le calcium, le magnésium et le potassium (Jacob, Viedenz, Polle, & Thomas, 2010), peuvent également être transférés entre les espèces de litière et participer aux effets synergiques, mais la plupart des études ne mesurent pas ces caractères, ce qui limite les observations de tels transferts.

Plus généralement, en présence de macrofaune du sol, plus la différence entre la composition en C:N:P est importante entre les espèces du mélange de litière et plus le taux de décomposition est fort (Barantal et al., 2014; Hättenschwiler & Jørgensen, 2010). Cette différence stoechiométrique explique donc une grande part de l’effet mélange. En effet les besoins nutritionnels de la faune du sol sont très variés et chacune des espèces composant la litière contribue au besoin de la faune. Ces résultats soulignent la contribution de la faune du sol à la décomposition de la litière (García-Palacios, Maestre, Kattge, & Wall, 2013).

Enfin une importante diversité d’espèce au sein du mélange modifie les propriétés physiques de la couche de litière, en permettant un habitat ave une architecture plus diversifié pour la faune (Hansen, 2000; Wardle, Nilsson, Zackrisson, & Gallet, 2003)). Makkonen, Berg, van Logtestijn, van Hal, & Aerts (2013) ont également testé l'effet de la différence des caractères physiques sur la décomposition des litières pour les plantes vasculaires. Ils ont signalé que plus la différence de capacité de rétention d’eau entre espèce composant la litière est importante et plus les effets synergiques le sont également lors de conditions hydriques limitantes. Cependant, de tels traits sont rarement mesurés dans des études de décomposition de litières mixtes, masquant l'importance relative de tels effets.

D’autre part, les différentes tailles, formes et structures des feuilles contribuent à des organisations géométriques distinctes, modifiant finalement la structure microclimatique et la diversité d’habitat pour la communauté des décomposeurs. Ainsi, De plus, l'augmentation de la diversité des microhabitats dans les litières est associée à une augmentation de la richesse en espèces de la faune du sol (Hansen & Coleman, 1998; Kaneko & Salamanca, 1999). Ces résultats suggèrent que les changements de microenvironnement dans la litière peuvent avoir

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un impact important sur la communauté des décomposeurs et de ce fait sur la dynamique de décomposition. Cependant, il est possible que les effets positifs de la diversité sur l’environnement des décomposeurs et les interactions entre niveaux trophiques soient sous- estimés, car l'échelle spatiale et temporelle des études sur les litières ne permet pas à la communauté des décomposeurs de réagir à ce changement de diversité limité dans l’espace (expérimentation souvent faite avec des sachets de 10 cm de côté) et dans le temps (expérimentation faite majoritairement sur 2-3 ans). Notre étude présentera également ces limites.

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