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La codification administrative des Lois constitutionnelles de 1867 à 1982 à jour au 1er janvier 2013 est présentée sur le site de Justice Canada ; elle permet de retrouver les principes

51 http://www.agcanada.com/daily/eu-approves-monsanto-roundup-ready-2-xtend-beans.

de droit constitutionnel régissant le partage des compétences législatives au Canada52. Ces principes ont été corroborés à plusieurs reprises par des décisions judiciaires ou par des

ententes à l’amiable, confirmées à l’occasion par un décret53, notamment dans les secteurs où la compétence est partagée, ce qui est le cas de l’agriculture. Bien que des règles de partage aient pu être précisées dans des domaines différents de celui de l’agriculture, les principes de droit constitutionnel établis dans diverses décisions permettent de les extrapoler vers d’autres secteurs, dont celui qui nous occupe ; ces principes s’appliquent au-delà du sujet soumis à la décision.

Dans les domaines de compétence mixte, où les deux niveaux de gouvernement peuvent agir, mais avec prédominance fédérale, une première règle veut que normalement les provinces puissent légiférer à la condition d’être plus sévères que la norme établie par le fédéral ; elles ne peuvent pas être plus permissives. Des exemples existent dans le domaine des médicaments, des aliments, des insecticides, herbicides et pesticides, le tout en lien avec la santé. On peut également citer la législation en matière de protection des consommateurs, tant par la loi provinciale54 que fédérale55. Ces activités sont particulièrement inspirantes pour ce qui est de proposer des solutions concrètes pour gérer les problèmes entre agriculteurs, intermédiaires et semenciers eu égard à la coexistence OGM/non-OGM. À cet égard, l'on pourrait également prendre pour modèle, dans le domaine de l’agriculture, des solutions novatrices adoptées dans le processus d'indemnisation des victimes de la vaccination56, processus qui fait appel au cadre général déjà en vigueur pour l’indemnisation des victimes d’accident automobile. Encore ici, ces exemples provenant d’autres domaines sont intéressants à cause des principes qui les sous-tendent, puisqu’il s’agit de compétence législative pouvant s’appliquer en agriculture.

52 http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/Const/Const_index.html site consulté le 30 juin 2016.

53 http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/324432/pesticides-dow-agrosciences-abandonne-les-ecologistes-jubilent et ce malgré des allégations antérieures voulant que l’interdiction violait l’ALENA : http://www.cbc.ca/news/canada/quebec-herbicide-ban-violates-nafta-pesticide-maker-alleges-1.698022;Gazette officielle du Québec, Partie 2, 11 mai 2011, 143e année, no 19, page 1765 Décret 409-2011, 13 avril 2011 concernant l’approbation d’une entente sous forme d’échange de lettres entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada relativement à un accord de règlement à intervenir entre Dow

AgroSciences LLC et le gouvernement du Canada,

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=1&file=55534.PDF .

54 Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1 http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/P-40.1 .

55 Loi sur la concurrence (L.R.C. (1985), c. C-34) http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/C-34/ .

56 Loi sur la santé publique, RLRQ, c. S-2.2, Chapitre VII, Vaccination, Section III Indemnisation des victimes d’une vaccination, a. 70 à 78

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/S_2_2/S2_2.html.

Pour revenir au partage des compétences, les articles méritant une analyse pour la problématique qui nous occupe sont :

a) Dans la Loi constitutionnelle de 1867, les a. 91 à 95 incl. Intitulé VI. Distribution des pouvoirs législatifs et l’article 132 dans la section IX Dispositions diverses,

dispositions générales concernant les obligations naissant des traités. Dans cette loi, la première partie touchant la Charte canadienne des droits et libertés a été analysée afin d’en extraire des articles pouvant être invoqués soit pour la protection de droits, soit pour la mise en œuvre de solutions visant à protéger l’ensemble des citoyens à un titre ou un autre.

b) Le gouvernement du Canada possède, aux termes de l’a. 91, une « autorité législative exclusive en matière de… 2. Réglementation du trafic et du commerce, 22. Les

brevets d’invention et de découverte ». L’article se termine par cette affirmation : « Et aucune des matières énoncées dans les catégories de sujets énumérés dans le présent article ne sera réputée tomber dans la catégorie des matières d’une nature locale ou privée comprises dans l’énumération des catégories de sujets exclusivement assignés par la présente loi aux législatures des provinces ».

Concernant les provinces, les compétences exclusives sont conférées par l’a. 92 : 5. L’administration et la vente des terres publiques appartenant à la province, et des bois et forêts qui s’y trouvent ;

10. Les travaux et entreprises d’une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes : …. C) Les travaux qui, bien qu’entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces ;

13. La propriété et les droits civils dans la province ;

16. Généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province.

L’article 92A porte sur les ressources naturelles non renouvelables et ne s’applique pas à la problématique de coexistence entre des OGM et des non-OGM.

Il y a un article spécifique en matière d’agriculture et d’immigration qui consacre l’existence d’un pouvoir concurrent :

a. 95. Dans chaque province, la législature pourra faire des lois relatives à l’agriculture et à l’immigration dans cette province; et il est par la présente déclaré que le parlement du Canada pourra de temps à autre faire des lois relatives à l’agriculture et à l’immigration dans toutes les provinces ou aucune d’elles en particulier; et toute loi de la législature d’une province relative à l’agriculture ou à l’immigration n’y aura d’effet qu’aussi longtemps et que tant qu’elle ne sera incompatible avec aucune des lois du parlement du Canada.

Deux commentaires au sujet de cet article :

a) La compétence du Canada en la matière doit s’exercer pour « toutes les provinces et pour aucune en particulier » ;

b) La loi d’une province ne peut pas être incompatible avec une loi du parlement du Canada dans la mesure où les compétences de chacun sont respectées.

Une telle interprétation devrait toucher toutes les lois, dont celles se rapportant à

l’agriculture. Il s’agit d’un principe reconnu dans plusieurs décisions des tribunaux ; cependant, la définition même de ce qui constitue une incompatibilité n’est pas évidente à sa face même.

Toutefois, en se basant sur le sens courant du mot57 reconnu en droit, on peut affirmer que faire preuve dans le domaine de l’agriculture d’une plus grande sévérité au niveau provincial, en prenant en considération des facteurs additionnels pour rendre une décision, ne devrait pas être considéré d’emblée comme une action incompatible au regard du texte d’une loi fédérale.

L’article 132 se lit :

Le parlement et le gouvernement du Canada auront tous les pouvoirs nécessaires pour remplir envers les pays étrangers, comme portion de

l’Empire britannique, les obligations du Canada ou d’une (quelconque) de ses provinces, naissant de traités conclus entre l’empire et ces pays étrangers.

Cet article trouve application lorsqu'une province impose à des compagnies ayant leur siège social à l’extérieur du Canada des restrictions plus importantes que celles édictées par le gouvernement fédéral. Advenant un litige à caractère international, le gouvernement fédéral doit alors prendre fait et cause pour la province puisque, dans un tel cas, l’entité étrangère intentera normalement sa poursuite contre le gouvernement fédéral et non provincial. Dans le litige, le gouvernement provincial concerné sera mis en cause dans l’instance.

En résumé, la jurisprudence en matière constitutionnelle établit que le législateur

québécois possède la capacité d’édicter des lois qui précisent des lois fédérales ou les exigences découlant de traités internationaux ou encore de règles imposées par le pays receveur lorsque les récoltes ou les produits transformés qui en découlent sont destinés à l’exportation. La province peut, en d'autres mots, formuler des normes plus strictes que celles du niveau fédéral, mais ne peut aller en deçà de ces normes. L'intervention provinciale doit reposer sur des données crédibles, mais pas nécessairement telles qu’elles aient une valeur scientifique probante élevée – celle normalement attendue – à savoir qu’elles établissent, en plus d’une corrélation, une causalité. Le cas de l’herbicide58, dont nous avons déjà parlé en introduction à la section 2.1, illustre ce propos. Nous avons également donné d’autres exemples dans des domaines différents de l’agriculture59 pour faire état des principes et non des sujets faisant

57 Dictionnaire Larousse, 2013 : Incompatible : drt. Se dit des fonctions qui ne peuvent être exercées

simultanément par une même personne. Incompatibilité : drt. Impossibilité légale d’exercer simultanément certaines fonctions.

58 Il s’agit de la contestation, évoquée ci-dessus, par l’entreprise Dow Chemical qui a été réglée à l'amiable, dont la solution a été confirmée par décret

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=1&file=55534.PDF .

59 Les règles de l’OPQ entourant l’accès aux médicaments ne nécessitant pas d’ordonnance ou carrément la décision de rembourser certains médicaments ayant reçu un noc (avis de conformité) de Santé Canada.

l’objet de décisions. Ainsi, les éléments pouvant faire l’objet d’une intervention par l’État québécois ne sont ni spécifiques, ni limités en matière de la coexistence entre les OGM et les non-OGM. L’intervention peut porter notamment sur des visites du certificateur (nombre et moment) plus nombreuses, sur la liste des éléments devant être certifiés, sur les limites permises, sur les distances à respecter entre deux types de culture ou encore sur tous éléments susceptibles – avec la prudence nécessaire – d’informer le consommateur.