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La réparation conservatrice des bris d’ADN double-brin

1.2 Les menaces à l’intégrité du génome plastidique et la réparation de l’ADN

1.2.3 La réparation conservatrice des bris d’ADN double-brin

Les bris double-brin (DSBs) sont généralement considérés comme étant le type de lésion le plus déstabilisant pour les génomes. En effet, ce type de dommage est à l’origine de l’apparition de nombreux réarrangements génomiques à grande échelle telles les fusions inter-chromosomiques et les délétions de locus (revue dans (70)). Le fort potentiel mutagène des DSBs a probablement exercé une pression évolutive sur les organismes, les poussant à développer des mécanismes de réparation spécifiques à ces lésions afin de protéger leur intégrité génomique. Il est intéressant de constater que ces mécanismes sont hautement conservés entre les espèces, suggérant qu’ils seraient apparus relativement tôt chez le vivant et qu’ils auraient été conservés à cause de leur caractère essentiel (71). Il existe deux types principaux de mécanismes de réparation des DSBs : ceux qui sont dits conservateurs et ceux qui entraînent des modifications de la structure du génome.

1.2.3.1 La recombinaison homologue

Parmi les mécanismes conservateurs, on ne peut passer sous silence l’importance de la recombinaison homologue (HR). Les travaux à l’origine de la compréhension de la HR remontent au début du XXe

siècle et ont été grandement influencés par l’hypothèse de Thomas Hunt Morgan. Ce dernier suggéra que les chromosomes pouvaient former des enjambements et échanger de l’information génétique (72). Plusieurs années plus tard, Robin Holliday observa des jonctions particulières dans l’ADN permettant ce type d’échanges d’information entre les chromosomes, confirmant par le fait même l’hypothèse de son prédécesseur (73, 74). Dans les années qui suivirent, de nombreuses études sont venues clarifier les bases moléculaires de ce mécanisme et ont démontré qu’il pouvait aussi servir de mécanisme de réparation pour les DSBs en utilisant l’information contenue sur le chromosome sœur (75-77). Ce processus fut simplement dénommé réparation de bris d’ADN double-brin (DSBR).

Le mécanisme de réparation de type DSBR s’effectue en plusieurs étapes qui sont détaillées à la figure 9 (revue dans (51, 78)). Dans un premier temps, il y a résection de l’ADN au site de coupure. Cette résection est effectuée par des exonucléases qui dégradent spécifiquement l’ADN selon la polarité 5’ à 3’, engendrant une extrémité simple-brin (79). L’ADN simple-brin est une structure optimale pour la recherche d’homologie puisqu’elle possède une forte avidité à trouver sa séquence complémentaire. Afin de limiter les appariements indésirables de ce simple-brin nouvellement libéré, il est alors

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recouvert de protéines de liaison de l’ADN simple-brin, qui viennent diminuer son avidité et stabiliser cette structure temporairement (80). Ensuite, lorsque la résection a permis de générer un brin d’ADN suffisamment long pour la recherche d’homologie, les protéines de liaison à l’ADN simple-brin sont remplacées par un long filament d’une enzyme particulière nommée recombinase (80). Les recombinases ainsi placées sur l’ADN permettent d’envahir un duplex d’ADN au site complémentaire à la séquence recouverte. La réplication de l’ADN permet alors de synthétiser l’information manquante pour chacune des extrémités du DSB à l’aide de l’information sur le chromosome sœur. L’étape finale de ce processus est la résolution. Cette dernière peut se produire dans deux orientations différentes, libérant alors les deux chromosomes sœurs (81). L’information échangée entre les chromosomes dépendra alors de l’orientation de la résolution.

1.2.3.2 L’appariement dépendant de la synthèse d’ADN

Bien que menant dans la plupart des cas à une réparation adéquate, la réparation de type DSBR peut générer des pertes d’informations lorsque les deux chromosomes sœurs ne sont pas en tous points identiques (revue dans (51)). Afin d’éviter cette conséquence néfaste, la cellule peut utiliser un autre mécanisme de réparation, l’appariement dépendant de la synthèse d’ADN (SDSA). Ce mécanisme présente l’avantage de simplement nécessiter la synthèse de quelques nucléotides sur le chromosome sœur, principalement ceux correspondant au site de cassure, pour ensuite permettre de relier les deux extrémités de la molécule brisée (82). Comme présentées à la figure 9, les étapes initiales sont identiques à celles de la réparation par HR. Cependant, l’envahissement ne se fait qu’à l’aide d’un seul brin et aucune résolution n’est nécessaire. Ce mécanisme ne modifie d’ailleurs aucunement le chromosome sœur.

1.2.3.3 La réplication induite par des bris

Un autre mécanisme dont la cellule dispose pour réparer de manière conservatrice les DSBs est la réplication induite par des bris (BIR) (revue dans (51)). Ce mécanisme est particulièrement utile dans le cas de bris d’ADN à une seule extrémité (Figure 9), puisqu’il permet de resynthétiser l’information qui aurait été perdue autrement. Ce type de bris est généralement produit lorsque la fourche de réplication rencontre une région d’ADN simple brin (revue dans (83)). Cette rencontre fait décrocher

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un des brins de la fourche de réplication et mène à l’apparition d’un fragment d’ADN incomplet, perçu comme un DSB. Le mécanisme moléculaire du BIR, décrit à la figure 9, est lui aussi en grande partie similaire à la recombinaison homologue (revue dans (84)). Il débute en effet par les mêmes étapes de résection, de recherche de séquences homologues et d’invasion, mais ces étapes se produisent sur une seule extrémité. Une fois l’invasion sur une séquence homologue complétée, il y a établissement de la réplication à cet endroit qui permettra la synthèse complète de la partie manquante suivant le DSB.

Figure 9: Mécanismes de réparation de l’ADN dépendants de la recombinaison homologue. Les brins bleus correspondent au chromosome ayant subi un bris, tandis que les brins rouges correspondent au chromosome sœur servant de modèle à la réparation. Une ligne pointillée représente un site de synthèse d’ADN. Les triangles noirs correspondent aux sites de résolutions.

Résection de l’extrémité 5’

Invasion d’un duplex homologue par l’extrémité 3’

SDSA DSBR BIR

Synthèse d’ADN Synthèse d’ADN Établissement d’une

fourche de réplication

Hybridation Ligation Synthèse d’ADN

Synthèse d’ADN

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1.2.3.4 La recombinaison homologue dans le plastide

La recombinaison homologue est un processus tellement fondamental qu’il n’est pas surprenant de constater qu’il se produise dans le plastide. Les séquences répétées inversées (IRs) sont particulièrement susceptibles à la HR et échangent fréquemment de l’information entre elles (85, 86). La recombinaison a aussi été démontrée pour être impliquée dans la réparation des DSBs dans le plastide. En exprimant des versions dominantes négatives de la recombinase RecA d’Escherichia coli dans les plastides de l’algue modèle Chlamydomonas reinhardtii, il a été possible d’observer une diminution de la fréquence de HR, de la capacité de réparer l’ADN et des taux de survies lors de traitement avec des agents mutagènes qui induisent des DSBs (87). Le séquençage génomique de plusieurs organismes modèles a par la suite facilité l’isolation de mutants pour les gènes de recombinases. Ces mutants ont permis de confirmer que les recombinases possédaient un rôle essentiel dans la protection du génome du plastide (88, 89). D’ailleurs, la fréquence d’utilisation de la recombinaison homologue dans le plastide corrèle avec les niveaux de DSBs, ce qui supporte encore une fois l’importance de ce mécanisme pour réparer les DSBs (90).

Avec le développement des technologies de transformation du chloroplaste, vers la fin des années 80, il devint alors possible d’évaluer les mécanismes menant à l’intégration de séquences d’ADN étrangères dans le génome plastidique. Cette intégration est dépendante des mécanismes de HR et fortement inhibée en l’absence de recombinases (92). En étudiant les mécanismes d’insertion de l’ADN étranger dans le génome plastidique, des observations ont permis de supporter que SDSA serait aussi actif dans ce compartiment (91). Le BIR, pour sa part, n’a toujours pas été clairement observé dans le plastide, malgré qu’il ait été confirmé dans les mitochondries de plantes (92). Finalement, la transformation génomique des plastides est aussi venue supporter l’hypothèse qu’il y aurait une forte pression sélective exercée sur ce génome hautement optimisé. En effet, malgré de nombreuses tentatives, toutes les modifications des gènes de la photosynthèse ont mené à une réduction de l’efficacité de ce processus et à une diminution de la compétitivité de la plante.