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Les facteurs génétiques de la réparation de l’ADN des organelles chez Arabidopsis thaliana

Nous avons décrit, dans la section précédente, différents mécanismes de réparation qui se déroulent dans les organelles de plantes. Néanmoins, les acteurs qui participent à cette réparation, qui sont d’ailleurs important de connaître dans le cadre de cette thèse, n’ont pas encore été évoqués. Cette section portera donc sur les gènes impliqués dans la réparation de l’ADN du plastide ayant été identifiés chez la plante modèle Arabidopsis thaliana.

1.3.1 Arabidopsis thaliana, le modèle pour la génétique chez

les plantes

De nombreux organismes modèles sont utilisés en biologie végétale, possédant tous des avantages qui leurs sont propres. Pour les études génétiques, Arabidopsis thaliana a su s’établir comme la référence incontestée. Cette plante possède de nombreux avantages pour les criblages à haut débit, tels une petite taille, un cycle de croissance court et une descendance abondante. De plus, son génome a été complètement séquencé en 2000, facilitant ainsi grandement les études génétiques (153). Finalement, la disponibilité de collections de mutants générées par mutagenèse aléatoire ou par insertion d’un T- DNA permet d’obtenir des mutants pour un gène d’intérêt très rapidement.

Les collections générées par mutagenèse aléatoire utilisent généralement l’éthyle-méthane-sulfonate pour induire de mutations ponctuelles à une fréquence désirée dans le génome (revue dans (154)). Par la suite, une série de croisement permet d’isoler et de cartographier la mutation qui cause un phénotype d’intérêt. Cette approche n’est pas unique à Arabidopsis et est utilisée chez plusieurs organismes, mais elle possède aussi l’inconvénient d’être laborieuse. Les collections de mutants d’insertions, générées en insérant d’un T-DNA aléatoirement dans le génome, sont quant à elles plus spécifiques aux plantes. En effet, cette approche tire avantage de la capacité de la bactérie

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Agrobacterium tumefasciens d’introduire une courte séquence d’ADN, nommée T-DNA, dans le génome nucléaire des plantes (155). Au niveau des mutants d’insertion de T-DNA, Arabidopsis se distingue par l’abondance de lignées disponibles. Il existe plus de 100,000 lignées individuelles disponibles dont le site précis d’insertion du T-DNA a été séquencé. Deux banques principales ont été générées, celle du Salk institute (156), qui contient plus de 88,000 lignées et celle produite par la compagnie Syngenta, qui en contient plus de 54,000 (157). Avec toutes ces lignées disponibles à la communauté scientifique, il est possible de commander un mutant d’insertion pour pratiquement n’importe quel gène d’Arabidopsis, ce qui est un avantage considérable dans la caractérisation d’un gène d’intérêt.

1.3.2 La famille de la recombinase RecA

Comme mentionnée dans les chapitres précédents, la recombinaison est un mécanisme essentiel au maintien de la stabilité génomique du plastide. Des recombinases homologues à celles de la famille RecA des procaryotes ont été identifiées à la fois dans le chloroplaste et la mitochondrie des plantes terrestres. Chez Arabidopsis, trois membres de cette famille ont été identifiés; RECA1 dirigée au chloroplaste, RECA2 dirigée à la fois vers le chloroplaste et la mitochondrie et RECA3 dirigée vers la mitochondrie (88, 92). La protéine RECA1 est impliquée dans le maintien de la stabilité génomique du plastide (89, 158). Une analyse de l’ultra-structure de l’ADN plastidique des mutants reca1 révèle qu’une importante proportion des molécules génomiques retrouvées dans ce mutant sont de faibles poids moléculaires et donc vraisemblablement incomplètes. De plus, reca1 est hypersensible au traitement à l’aide d’un agent qui induit des DSBs dans les organelles. Ce même traitement chez des plantes de type sauvage occasionne une augmentation de l’abondance des molécules incomplètes, similaires à celles observées chez reca1.

La délétion de RECA2 a de graves conséquences chez Arabidopsis et les plantes mutantes sont incapables d’atteindre leur maturité, confirmant par le fait même l’importance de la recombinaison pour le génome des organelles (88). Les plantes mutantes reca2 présentent de nombreux réarrangements génomiques dans leur ADN mitochondrial. Ces réarrangements seraient le résultat de recombinaison non-allélique se produisant entre des séquences répétées de 150 à 700 nucléotides. Les auteurs de cette étude attribuent les problèmes de développement observés chez reca2 à ces molécules réarrangées dans la mitochondrie. Il est toutefois important de mentionner qu’aucune

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analyse du génome plastidique n’a été réalisée et que des réarrangements similaires pourraient s’y retrouver. Il a aussi été démontré que la mutation de RECA3 déstabilisait le génome mitochondrial, mais aucune étude de localisation ne suggère que cette protéine puisse se retrouver dans le plastide (88, 92).

1.3.4 Le rôle de MSH1 dans la protection de l’ADN des

organelles

L’histoire de la caractérisation du gène MSH1 remonte aux années soixante et débute par l’identification d’une plante à l’apparence bien particulière (159). Les feuilles de cette plante se caractérisent par l’apparition aléatoire de secteurs complètement blancs, phénotype qui a été dénommé variégation. Puisque la couleur verte des feuilles est associée à la chlorophylle des chloroplastes, ce phénotype a d’abord suggéré que la mutation chez ce mutant affectait le chloroplaste. De plus, quelques années plus tard, l’héritabilité du phénotype a été confirmée pour être uniquement maternelle, suggérant une héritance reliée au génome des organelles (160). Toutes ces évidences ont alors mené les chercheurs à nommer ce mutant chloroplast mutator 1 (chm1).

Bien des années plus tard, la mutation chez chm1 fut identifiée dans le gène MSH1, mutS protein homologue 1 (161). La caractérisation de la protéine MSH1 a révélé qu’elle possède un peptide transit particulier qui lui permet d’être localisée à la fois dans le chloroplaste et la mitochondrie. Puisque le génome mitochondrial est lui aussi hérité de manière uniquement maternelle, cette découverte venait poser un doute quant à l’origine du phénotype de variégation et révélait la nécessité de vérifier l’importance relative des mutations plastidiques et mitochondriales chez ce mutant. Étonnamment, différentes études ont permis de découvrir des mutations dans le génome de la mitochondrie sans pour autant en voir dans celui du chloroplaste (94, 162-164). Bien que MSH1 soit homologue à une

protéine impliquée dans la réparation de mésappariement, son rôle dans la mitochondrie semble plutôt consister à limiter l’apparition de la recombinaison homologue non-allélique. En effet, le mutant msh1 possède des réarrangements génomiques causés par une recombinaison non-allélique entre des séquences ayant entre 200 et 1000 pb de similarité (92).

Quelques années plus tard, la découverte que des mécanismes de réparation de l’ADN dépendants de microhomologies (MHMR) étaient actifs dans le plastide des plantes a ouvert une autre piste

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d’explication au phénotype de variégation observé chez msh1 (165). En effet, des réarrangements d’ADN utilisant ce type de courtes homologies furent observés dans le plastide de msh1 (166). De plus, des lignées transgéniques exprimant MSH1 avec un transit peptide dirigeant les protéines uniquement au plastide ou à la mitochondrial ont permis de déterminer l’origine du phénotype. En effet, seule la construction exprimant une version MSH1 dirigée vers les plastides restaure le phénotype de type sauvage chez msh1, tout en empêchant l’apparition de réarrangements génomique dans le plastide. De son côté, la construction exprimant une version de MSH1 dirigée vers la mitochondrie empêche l’apparition de réarrangements génomiques mitochondriaux sans restaurer le phénotype (166).

1.3.5 La famille de protéines de liaison à l’ADN simple-brin

Whirly

Les Whirly forment une famille de protéines de liaison à l’ADN simple-brin spécifique aux plantes. L’identification des Whirly dans les organelles remonte aux premières études de purification du nucléoïde du chloroplaste chez Arabidopsis (167). Dans ce complexe, il a été possible de retrouver deux protéines de liaisons à l’ADN simple-brin, qui ont par la suite été identifiées pour être le produit du gène WHY1 et du gène WHY3. L’étude phylogénique de la famille Whirly a permis de constater que ces protéines sont retrouvées chez toutes les plantes terrestres et qu’il y a minimalement une protéine Whirly dirigée vers le plastide et une vers la mitochondrie (168). Arabidopsis est un cas particulier avec deux Whirly localisées au plastide (WHY1 et WHY3) et une à la mitochondrie (WHY2). Le rôle des Whirly dans les organelles est longuement demeuré mystérieux. L’obtention de doubles mutants complètement déficients en protéines Whirly dans le chloroplaste a apporté une réponse à cette énigme (165). En effet, 5% de la population du mutant why1why3 présente un phénotype de variégation (partie verte et blanche sur une même feuille) associé à l’apparition de chloroplastes atrophiés dans les secteurs blancs. Il est intéressant de mentionner que ce phénotype est héritable maternellement, comme celui de msh1. Grâce à des expériences de cartographie du génome des organelles des plantes variéguées, il a été possible d’identifier l’apparition de concatémères tête-à- queue de certain locus du génome plastidique (165). Ces régions étaient amplifiées plusieurs dizaines de fois, rendant la stœchiométrie entre les gènes complètement déséquilibrée et menant probablement au dysfonctionnement complet du chloroplaste. Le locus d’ADN amplifié est variable d’une plante variéguée à l’autre, cependant une caractéristique commune est la présence de courtes

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séquences d’homologie entre les unités du concatémère. Cette observation suggère que les réarrangements génomiques observés dans ces plantes proviennent de mécanismes dépendants de courtes séquences d’homologies. Ces résultats suggèrent que le rôle des protéines Whirly dans les organelles de plantes serait de protéger les séquences d’ADN simple-brin pour limiter les événements de réparation dépendants de séquences microhomologues et ainsi favoriser la réparation conservatrice. Quelques années plus tard, une étude similaire a démontré que replication protein A (RPA), une protéine liant l’ADN simple-brin nucléaire, était essentielle pour limiter l’apparition de réarrangements dépendants de courtes séquences d’homologie dans le noyau (111). Bref, il semble que les protéines de liaison à l’ADN simple-brin soient particulièrement importantes dans ce processus.

Finalement, une étude structurale des protéines Whirly en interaction avec l’ADN simple-brin a permis de déterminer que les Whirly fixaient l’ADN de manière non-spécifique par des interactions de type empilement de base (169). De plus, dans ce complexe, les bases de l’ADN se retrouvent orientées vers la protéine et non vers le solvant, ce qui limite grandement la possibilité de recherche de séquence d’homologie et irait parfaitement avec un modèle selon lequel les Whirly protègeraient l’ADN simple- brin pour éviter l’apparition de réarrangements génomiques.