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Chapitre 2 : Le portrait du SLSJ

2.4 La régionalisation de l’immigration, histoire et perspectives

2.4.1 Histoire

La démarche de la « démétropolisation » de la population immigrante commence dès le début des années 1960. À cette époque, la province de l’Ontario embauche des agriculteurs anglais pour réutiliser des terres gardées en friche (Simard,1996). Le gouvernement a alors créé des Centres d’Orientation et de Formation des Immigrants (C.O.F.I.) ainsi que des services d’aide à l’immigrant agricole dans plusieurs régions du Québec.

L’immigration agricole et la démarche de la francisation des nouveaux immigrants sont les principaux axes de ces programmes. En 1970, Jean Bienvenue, alors ministre de l’Immigration du Québec, déclare qu’une répartition géographique efficace des immigrants pourrait provoquer une meilleure intégration socioéconomique à la société d’accueil et encouragerait l’apprentissage du français (Poirier-Grenier, 2007 et Simard (1996). L’autre prétexte en faveur de la « démétropolisation » consistait à faire bénéficier les régions de la population immigrante sur les plans économique et démographique (Girard & Manègre, 1989). En 1979, avec l’afflux de réfugiés indochinois, et avant de rétablir le projet de la répartition de l’immigration dans les régions, le ministre de l’époque prend une initiative majeure, intitulée « Accueil des petites villes aux réfugiés » et met en place une stratégie de parrainage des réfugiés par la bonne volonté des Québécois (Girard & Manègre, 1989). Cette politique est de grande ampleur puisqu’elle planifie l’inclusion dans les différentes régions de près des 6000 réfugiés sur les 12 700 alors accueillis au Québec. Les organismes de formation des immigrants comme (C.O.F.I.) sont alors invités à jouer un rôle essentiel dans l’intégration des nouveaux arrivants qui, cependant, sont peu préparés à fournir ce type de services, étant principalement des institutions linguistiques. Aussi, les réfugiés vietnamiens, que l’on surnomme les « boat people », doivent faire face à des situations

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économiques très difficiles et éprouvent des difficultés à obtenir un emploi ; la plupart d’entre eux abandonnent les régions qui les avaient accueillis au départ.

La faillite de cette démarche a incité les politiciens québécois à renoncer à la régionalisation de l’immigration durant plusieurs années. Cependant, en 1987, lors des conférences de la Commission de la culture sur les niveaux d’immigration, la question est de nouveau abordée par certaines institutions qui préconisent une forme de répartition équilibrée de l’immigration sur le territoire québécois. Durant la même période, le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles demande une étude au Conseil des communautés culturelles et de l’immigration (Simard, 1996). Cette étude conduira, en 1990, à l’affirmation d’une stratégie au sujet de l’immigration et d’intégration, qui favorise la régionalisation de l’immigration. Celle-ci s’appuie sur deux principes :

 Prospérité régionale,

 Francisation de la population immigrante.

Le gouvernement aspire à introduire la régionalisation de l’immigration avec la politique de développement régional, et la priorité est donnée aux immigrants autonomes, ce qui montre la volonté de maximiser l’immigration économique dans les régions qui souhaitent s’ouvrir aux immigrants (Simard, 1996). Cela constitue la première position officielle de l’État québécois à organiser les flux migratoires sur son territoire de façon plus objective.

Par la suite, d’autres textes vont clairement démontrer l’engagement du gouvernement vis-à-vis de ce sujet ; on peut citer :

 Le plan d’action gouvernemental en matière d’immigration et d’intégration (1991),

 Les orientations pour une répartition régionale plus équilibrée de l’immigration et les mesures favorisant la régionalisation de l’immigration (1992),

 Le plan d’action pour la régionalisation de l’immigration (1993).

Ces plans d’action visent généralement les régions principales (Outaouais, Estrie, Montérégie, Estrie, etc.), en raison de l’attractivité soi-disant restreinte des régions périphériques (Gaspésie, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Nord-du-Québec, etc.).

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Les finalités exposées dans la majorité de ces textes sont très précises, à savoir : « Une répartition interrégionale plus équilibrée des apports variés de l’immigration, l’intégration à la majorité francophone, le partenariat avec l’ensemble des acteurs socio-économiques » (Simard, 1996 : 9-10).

2.4.2 Perspectives

Myriam Simard indique que la population immigrante en région au Québec implique des enjeux importants. On peut citer l’enjeu territorial, qui s’exprime par une répartition efficace de l’immigration sur le territoire québécois afin d’empêcher les divisions que pourrait causer la dualité entre les métropoles multiculturelles et les régions peuplées par des habitants francophones homogènes ; et l’enjeu démographique, qui se caractérise par le repeuplement de certaines régions en voie de désertification par de nouveaux immigrants. Les dirigeants du Québec veulent également favoriser l’assimilation des immigrants à la société d’accueil et les intégrer à la vie sociale et collective québécoise. Enfin, il nous faut évoquer l’enjeu économique, qui consiste à amener de la main-d’œuvre qualifiée et des créateurs d’entreprises afin qu’ils contribuent à la croissance et la prospérité des régions et pallient le manque de travailleurs qualifiés dans différents secteurs, par exemple le secteur agricole, dans lequel la pénurie est importante.

Toutefois, malgré les efforts déployés depuis l’établissement de la stratégie de régionalisation de l’immigration, la plupart des arrivants continuent de préférer les grandes villes (Montréal, Québec) comme lieux d’habitation, même si, dernièrement, nous avons pu constater que beaucoup d’entre eux ont choisi de s’installer dans des villes à proximité de Montréal, comme Longueuil ou Laval, et de quelques régions centrales (la Capitale-Nationale, l’Outaouais, l’Estrie, les Laurentides et la Montérégie- Est) (Boulais, 2010). Malgré cela, le flux migratoire dans les régions et les villes périphériques reste marginal. Selon Julie Boulais, dans son rapport sur la régionalisation de l’immigration, deux éléments principaux peuvent expliquer ce phénomène :

 La situation économique, soit le regroupement des professions secondaires et tertiaires et l’aptitude des immigrants à annoncer vouloir exercer des métiers dans les secteurs des services,

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 L’attitude migratoire des nouveaux arrivants et des Québécois de naissance est similaire, puisqu’ils migrent globalement en fonction des opportunités d’emploi.

Les immigrants ayant un niveau de scolarité élevé et parlant plusieurs langues sont de plus en plus nombreux à être acceptés au Québec et présenteraient une plus forte capacité à migrer. Après des dizaines d’années d’exercice de la politique de régionalisation, les principes qui contribuent à l’introduction d’immigrants dans une région donnée sont les suivants :

 L’accessibilité au niveau de la formation et de l’emploi,

 La qualité de vie éducative pour les enfants, ainsi que la qualité de vie familiale,

 La qualité et l’accès aux soins de santé,

 L’organisation de mini communautés culturelles.

Selon Vatz Laaroussi (2015), pour beaucoup d’immigrants, la décision d’habiter en région correspond à un processus d’émigration secondaire qui intervient après des années de résidence à Montréal, où ils ont accès aux formations de francisation et à la scolarisation des enfants. L’immigration a généralement lieu après l’engagement avec une entreprise, ce qui signifie que les immigrants ne vont déménager dans un territoire périphérique qu’à la condition d’y trouver un travail correspondant à leurs attentes. À partir d’une étude de la population migratoire selon plusieurs aspects sociodémographiques, Julie Boulais (2010) observe que les personnes qui préfèrent s’installer dans les zones rurales sont dissemblables de celles qui s’établissent dans la zone métropolitaine de Montréal. Les zones rurales attirent un nombre élevé des immigrants célibataires, qui parlent le français comme langue maternelle et maîtrisent une autre langue ou seulement le français. De leur côté, les immigrants mariés, âgés de 25 à 34 ans, qui maîtrisent une autre langue (maternelle) que le français, parlent les deux langues officielles et dont l’objectif migratoire est principalement économique, s’installent plutôt à Montréal.

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