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La politique linguistique de la Sonatrach

Quels sont les choix qui ont été opérés au niveau de l’entreprise depuis sa création « nationalisation » jusqu’à nos jours? Les seuls documents officiels renvoient seulement à des périodes différentes (1986/1991/1998)

Qui correspondent à des décisions politiques importantes, en matière d’arabisation du monde du travail.

8-1 La généralisation de la langue nationale (GULN) en 1986

Cette période est marquée par la décision des pouvoirs publics de passer à la généralisation de l’utilisation de la langue nationale qui a fait l’objet d’un texte législatif et de la mise en place du comité de généralisation de la langue nationale, le monde du travail dans toute sa composante est cette fois pleinement concerné.

Cela s’est traduit en particulier, pour la Sonatrach par l’envoi d’une circulaire (janvier 1986)(108) qui définissait le programme de l’arabisation en réaction aux résultats insuffisants de l’année 1985.

Les activités concernées par l’arabisation, dans un premier temps, étaient celles qui avaient une relation avec le public (ou client), avec l’environnement externe. Il s’agissait donc:

107

TALEB-IBRAHIMI, Kh. (2001) : « Quelques considérations sur la politique linguistique ou la difficile transition de l’unanimisme à la prise en compte du plurilinguisme », in Benguerna & Kadri (dir.),

Mondialisation et enjeux linguistiques, Algérie, CREAD, 85-91.

- du commercial et en priorité des activités orientées vers la clientèle (partenaire arabe on le précise dans la circulaire)(109) ;

- du juridique (du fait de sa relation avec les instances juridiques nationales ou administratives);

- de la fonction « personnel » (secrétaires/cadres gestionnaires) ;

- l’élaboration d’un lexique pour disposer de la technique de tous les termes importants utilisés;

- de l’arabisation des supports existants c’est-à-dire l’ensemble des imprimés et documents internes servant à communiquer en internes (autorisation d’absence, déclaration sur l’honneur, demande de démission, etc…)

Il faut cependant souligner que malgré les efforts importants d’arabisation au niveau de l’entreprise, les situations professionnelles en milieu de travail n’ont guère changé dans la mesure où les relations et l’organisation du travail ont continué à être exercées en français et ce depuis la nationalisation (et même bien avant).

Durant toute la période allant de 1985 date à partir de laquelle a été décidée la généralisation de l’utilisation de la langue arabe, en fait au niveau de l’entreprise aucune avancée n’a été signalée. Ce qui va se traduire par l’adoption au cours de l’assemblée du parti unique, de la loi sur la GULN qui sera gelée par la direction collégiale du pays le Haut Comité d’Etat (110).

En effet, la loi 91/05 du 14 janvier 1991 portant généralisation de l’utilisation de la langue arabe concerne toutes les activités qu’elles soient publiques ou privées, dans quelque domaine de vie nationale.

8-1-1 Les règles fondamentales de la loi

1- Utilisation de la langue arabe est d’ordre public;

109 Très peu de contact avec les partenaires arabes, les seuls (rares) contacts qui s’établissent se font en anglais.

2- Entrée en vigueur de la loi applicable dés sa publication au journal officiel (JO); 3- Obligation de l’entreprise: utilisation exclusive de la langue arabe dans l’ensemble des activités telles que communication, la gestion administrative financière, technique et artistique.

A la Sonatrach, la circulaire (rédigée en langue française) concernant la GULN (1991) ne sera envoyée qu’en 1998(111) à toutes les structures pour application comme instruction de gestion de l’entreprise, accompagnée d’un test pour déterminer le niveau du personnel (les cadres dirigeants), et qui donnera lieu à une formation (en langue nationale) qui ne durera pas longtemps (un ou deux mois) et qui ne sera jamais suivie (112)

.

L’entreprise garde un mauvais souvenir de cette expérience menée sous l’égide du parti unique, en plus elle était vécue comme une opération d’alphabétisation loin des réalités professionnelles.

C’est pourquoi elle a été marginalisée, la majorité des cadres rencontrés au cours de notre enquête exprimaient l’impossibilité de fonctionner en langue arabe classique.

La circulaire est une instruction de gestion effective jusqu’à nos jours(113), qui rend obligatoire l’utilisation de la langue arabe à compter du 5 juillet 1998 un délai de rigueur.

8-2 La feuille de route (de 1998 jusqu’à nos jours)

L’ère de l’arabisation décrétée au niveau de la Sonatrach semble dépassé compte tenu des enjeux et des préoccupations en rapport notamment avec les impératifs auxquels l’entreprise doit faire face pour assurer sa place.

Le français reste la seule langue de travail utilisée dans l’entreprise la langue du contrat, de la convention, c’est aussi la seule langue support utilisée dans l’entreprise (rapport,

111

Elle a perturbé le fonctionnement de l’entreprise selon les informateurs « l’entreprise n’a tenu qu’un mois » nous disaient les cadres au niveau de la direction aval.

112 Le test contient quelques rudiments en langue arabe voir en annexe 1 p.16. 113 Voir en annexe 1 l’instruction de gestion p.17.

Note de terrain: Propos d’un cadre technique (ingénieur)

On est le seul pays pétrolier au monde qui n’utilise pas la langue anglaise.

messagerie interne, procès-verbaux de réunion, autorisation de sortie, tous types de demandes, appels d’offres et cahiers de charges) (114).

Excepté quelques documents techniques qui sont rédigés en anglais (plans schémas), d’ailleurs l’entreprise envisage actuellement de rédiger des appels d’offres en français et en anglais(115).

L’anglais étant aussi utilisée dans la jetée(116).

Le seul document héritée de la vague d’arabisation demeure le titre de congé des cadres supérieurs, le seul document officiel en arabe classique(117), ainsi que l’affichage signalétique à l’intérieur de l’entreprise.

Actuellement la question de la langue n’est pas posée en rapport à l’arabe et/ou le français mais plutôt en terme de maîtrise de la langue anglaise qui domine le secteur des hydrocarbures dans le monde.

Fonctionner dans les deux langues est une ambition qui s’affiche dans sa politique de formation en 2006 : apprendre l’anglais et renforcer la formation « en lui accordant une

attention particulière », selon les propos du vice-président(118) .

Sur le terrain un dispositif impressionnant a été mis en place au niveau des centres de formation dans le cadre d’une convention signée avec un centre de formation étranger.

114 Voir annexe 1 pp.18-19-20-21-22-23-24-25-26-27-28-31.

115 Voir en annexe 1 l’instruction relative à l’emploi du français et de l’anglais dans le bulletin des appels d’offres p.29.

116 Est une construction s’avançant dans la mer, et dont le but principal est le chargement des navires en hydrocarbures.

L’utilisation de l’anglais se limite dans la jetée à quelques mots techniques informant sur le débit de chargement, le début du chargement et la fin du chargement du bateau en GPL.

117 Certains cadres n’ont toujours pas compris pourquoi leurs titres de congé demeurent rédigés en langue arabe.

Cette formation était destinée aux cadres supérieurs (directeurs de complexes, chefs de départements) ainsi qu’à l’ensemble des cadres de l’entreprise (chefs de service, ingénieurs, financiers).

Il faut souligner qu’à la même période une autre formation en langue française, a été initiée au niveau de l’activité Aval, dont les bénéficiaires étaient les cadres moyens (juriste, financiers, ingénieurs, cadres ressources humaines) ainsi que les jeunes recrues, en vue d’un perfectionnement axé sur:

« La maîtrise de la langue française aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, constitue un investissement pour la qualification du personnel (…) .La nécessité de former notre personnel aux techniques d’expression orale et écrite doit être comprise d’une part, comme une compétence nouvelle à ajouter aux bagages des cadres et de la maîtrise» (119).

Il apparaît donc clairement que le décret relatif à l’arabisation systématique promulgué en 1995 pour application en 1998, n’a pas eu d’impact concret au niveau de l’entreprise qui opte actuellement pour un bi-/plurilinguisme, en plus de l‘utilisation du français, a choisi de renforcer la maîtrise de langue anglaise le français langue de travail, l’anglais langue de communication avec les partenaires étrangers.

Alors quelle(s) langue(s) utiliser? Entre se fondre dans un ordre mondial imposé et réfléchir à une réponse endogène face aux défis de la modernité et de la globalisation. En oeuvrant « en amont » à une prise en charge intelligente ; en mettant le monde de la formation et celui du travail en adéquation. En tout cas nous pensons que c’est la seule politique qui soit en mesure de relever les défis face à l’unilinguisme officiel.

Au vu de ces positions et compte tenu des transformations de la société algérienne, nous devons reconnaître que traiter des préalables linguistiques de la société et de l’économie

algérienne. Etait une entreprise hasardeuse, où les facteurs politiques l’emportent voire occultent la réalité du « terrain ».

Dès lors il devient important pour nous de dévoiler certains aspects de la réalité linguistique (professionnelle/extraprofessionnelle), telle qu’elle est vécue par le personnel de la Sonatrach .

Pour plus de clarté nous recourons dans un premier temps à une méthode quantitative qui sera par la suite affinée par le travail de terrain et l’analyse des entretiens biographiques.

- ENQUETE ETHNOGRAPHIQUE DANS LE

COMPLEXE : GP1Z

- ANALYSE DU QUESTIONNAIRE

1- Enquête ethnographique dans le complexe GP1Z………... 116