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5. DISCUSSION DES RÉSULTATS

5.1. L’ USAGE DES RESSOURCES DIDACTIQUES

5.1.1. La planification

Les données de la question 14, sur les moments d’utilisation des ressources didactiques, constituent notre point de départ. Nous rappelons que 73% des répondants déclarent utiliser le manuel pour planifier. Cette fréquence concorde avec les résultats rapportés par d’autres recherches (Charlebois, 2012; Niclot & Aroq, 2006; Vaeremans, 2012) sur l’importance du

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manuel pour planifier. Ceci est fort intéressant, surtout si nous considérons l’importance de la fréquence et la comparons aux données des entrevues qui expriment le contraire. En effet, tous les cas ont mentionné en entrevue ne plus vraiment utiliser le manuel ou le guide de l’enseignant pour planifier leurs cours. En outre, une des fonctions rejetées par les répondants à la question 5 concerne les démarches proposées par le matériel didactique. Il semblerait donc que le matériel didactique ne prédétermine pas et ne structure pas la planification des enseignants d’histoire au secondaire. Ce constat semble différer des données pour le niveau primaire où les enseignants et futurs enseignants suivent et se conforment davantage aux propositions didactiques du matériel pour planifier (Lebrun, 2006; Spallanzani et al., 2001).

Les raisons qui expliquent cette différence sont certainement diverses, voire complexes à cerner. Pourtant, lors des entrevues, tous les participants se distancent du manuel et du guide principalement pour des raisons d’autonomie professionnelle, à l’instar de ce qui est rapporté dans d’autres recherches (Hasni et al., 2009; Lambert, 1999; Niclot & Aroq, 2006). Nous pourrions réduire l’explication au niveau de l’expertise disciplinaire entre primaire et secondaire, mais cela ne nous apparaît pas suffisant. En effet, tous les répondants ont affirmé avoir changé de pratiques en lien avec le manuel et le guide de l’enseignant au fil du temps. Au début de leur carrière, le matériel didactique leur proposait une structure rassurante qui est rapidement devenue une contrainte de laquelle ils se sont libérés graduellement en élaborant et sélectionnant leur propre matériel didactique. Ce sentiment de sécurité que procure l’usage du manuel est d’ailleurs rapporté par une autre recherche concernant le niveau secondaire (Charlebois, 2012). Toutefois, nous supposons que les enseignants débutants seraient plus sujets à cette structuration par l’usage du manuel ou du guide, mais cela reste à prouver pour le secondaire, d’autant plus que nos cas les moins expérimentés semblent infirmer cette hypothèse (c’est-à-dire André, Marthe). En effet, Marthe et André déclarent utiliser rarement le manuel ou le guide pour planifier leurs cours, tout comme Thomas, bien que celui-ci privilégie l’usage intensif du cahier d’exercices en classe. Si nous examinons leurs profils, le niveau enseigné n’explique pas la différence avec le niveau primaire puisqu’ils enseignent soit au 1er cycle du secondaire, soit au 2e cycle. Par exemple, étant donné les résultats des recherches sur l’usage du manuel d’histoire au primaire (Araújo-Oliveira et al., 2006; Lebrun, 2001, 2006; Spallanzani et al., 2001), nous aurions pu nous attendre que les enseignants du 1er cycle, étant plus proches du

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primaire, utilisent davantage leur manuel pour planifier. De plus, les formations universitaires des sujets les moins expérimentés n’expliquent pas non plus la différence entre les usages que nous avons constatés et ceux qui sont rapportés pour l’ordre primaire, alors que les dernières recherches citées font pourtant l’hypothèse qu’un manque de formation en histoire des enseignants du primaire expliquerait l’usage important des manuels. Or, Marthe détient une maîtrise en didactique, Thomas complète sa maîtrise en didactique et André détient un B.E.S. en univers social. Il s’agit de trois formations différentes, mais elles ne semblent pas influencer l’usage du manuel, surtout si nous considérons qu’André a une pratique plus complexe et diversifiée que celle de Marthe ou Thomas. Il faut toutefois remarquer que si nos constats semblent différer des recherches pour l’ordre primaire, nous ne discréditons pas leurs résultats, tout en considérant que les usages rapportés par les enseignants d’histoire au secondaire ne s’expliquent qu’en partie par cette différence d’ordre.

L’argument de l’autonomie par rapport au matériel didactique est présent dans les propos de chaque répondant et parfois devient même un point d’honneur : c’est une preuve qu’ils sont expérimentés et professionnels. Cela ne devrait pas surprendre au regard des réponses à la question 9 où le premier réflexe des répondants, lorsqu’ils ne sont pas satisfaits de leur matériel, est de le compléter par d’autres ressources ou de simplement sélectionner les parties du manuel qu’ils jugent pertinentes. Toutefois, le délaissement de ces ressources traditionnelles pour la planification ne signifie pas nécessairement un meilleur exercice de la méthode historique en classe, comme nous le verrons dans la partie portant sur l’intervention éducative. De plus, ce changement d’usage du matériel didactique semble s’opérer au tout début de leur carrière en considérant les données des entrevues. Cependant, ces dernières ne nous permettent pas d’affirmer avec certitude que les enseignants débutants au secondaire structurent effectivement leur intervention selon le matériel didactique utilisé. C’est pourquoi il y a toujours lieu de se demander à quel moment les enseignants débutants délaissent le matériel didactique traditionnel, comment ils l’utilisent en attendant et comment ils s’insèrent professionnellement. Si l’usage du manuel et du guide de l’enseignant semble si important dans le sondage, c’est sans doute simplement en raison de son statut. La principale fonction du manuel serait en effet, selon la question 5, d’être une référence. C’est aussi le principal avantage retenu à la question 9. De plus, la limite principale identifiée à la question 10 serait de ne pas proposer un

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récit exhaustif. Dès lors, le manuel impose toujours un statut de référence et d’autorité comme le démontrent d’autres recherches (Bain, 2006; Luke et al., 1983; Nokes, 2010; Paxton, 2002). En outre, la contradiction entre l’usage important pour planifier dans le sondage et les propos tenus dans les entrevues n’est qu’apparente. En effet, plusieurs répondants (c’est-à-dire Thomas, Jacques, Pierre, André, Marie) ont affirmé se référer au manuel encore aujourd’hui lorsque cela était nécessaire, mais tous rejetaient les propositions didactiques du manuel qui ne leur semblent pas adaptées aux besoins et niveaux de leurs élèves. C’est pourquoi, comme l’expliquent André ou Jacques, il devient plus simple de faire son propre matériel, plutôt que d’essayer d’adapter le matériel didactique des maisons d’édition, tout en gardant le manuel comme un outil de référence ou une banque d’illustrations. Cela fait écho aux propos de certaines recherches (Dubois & Carette, 2010; Niclot & Aroq, 2006), en particulier à ce que Le Marec (2011) appelle un usage pragmatique qui a peu à voir avec les propositions didactiques du manuel.

Les autres ressources didactiques en lien avec la planification sont peu explicitées par les répondants, puisque ce n’était pas l’objectif principal de l’entrevue. Malgré cela, certains enseignants ont mentionné utiliser la progression des apprentissages nouvellement proposée par le MÉLS (2010, 2011b). C’est surtout le cas de Marthe, qui a restructuré son cours et ses présentations Power Point pour y répondre, ainsi que de Thomas. Celui-ci précise que c’est la raison pour laquelle il préfère maintenant utiliser un cahier d’exercices en classe plutôt qu’un manuel. Les données d’observations ne nous éclairent pas davantage sur les moyens de planification et cela reste donc une piste de recherche à exploiter.