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La physique de Anderson, contexte et r´ esultats

4.5 Conclusion

5.1.1 La physique de Anderson, contexte et r´ esultats

Introduction `a la physique de Anderson

En physique classique, une particule dans un milieu d´esordonn´e subit des chocs sur les impuret´es et d´evie ainsi de sa trajectoire. On d´efinit le temps de Boltzmann τ comme ´etant le temps n´ecessaire pour que la particule perde la m´emoire de sa direction initiale. Pendant le temps τ , la particule parcourt la longueur de Boltzmann lB. Le mouvement global de la particule est un mouvement de diffusion o`u la distance parcourue par la particule grandit comme la racine carr´ee du temps. En physique classique, les particules peuvent aussi ˆetre pi´eg´ees dans une r´egion du potentiel d´esordonn´e. L’´energie en dessous de laquelle toute les particules sont pi´eg´ees s’appelle le seuil de percolation.

En physique quantique, la situation est diff´erente car l’effet tunnel et les interf´erences modifient la physique de la propagation. De fa¸con imag´ee, l’effet des interf´erences est de favoriser les trajectoires qui bouclent sur elles-mˆemes (il faut sommer les amplitudes de probabilit´e et non les probabilit´es). Dans certaines conditions, les particules ne se propagent plus et sont localis´ees dans l’espace. C’est ce qu’on appelle la localisation de Anderson. Une autre fa¸con de consid´erer cette physique est d’´etudier les ´etats propres de l’´equation de Schr¨odinger. Ainsi, dans certains cas, ces ´etats deviennent localis´es dans l’espace. La taille typique des ´etats `a ´energie fix´ee s’appelle la longueur de localisation ξloc.

Comme lors d’un processus de diffusion, la probabilit´e de revenir `a son point de d´epart est tr`es diff´erente suivant la dimension du syst`eme physique, l’effet des interf´erences est plus important `a basse dimension. Ainsi, `a 1D et 2D, quelle que soit l’´energie de la particule, elle est localis´ee. Au contraire, `

a 3D, il y a une ´energie en de¸c`a de laquelle les ´etats sont localis´es, c’est le seuil de mobilit´e. Aux ´energies sup´erieures au seuil de mobilit´e, les ´etats sont d´elocalis´es et on observe une physique de diffusion. Cependant, cette diffusion est ralentie par les effets d’interf´erence et le temps de Boltzmann est r´eduit par rapport `a ce qu’on peut estimer na¨ıvement en consid´erant l’interaction avec un d´efaut ponctuel. C’est ce qu’on appelle la localisation faible par rapport `a la localisation forte d´ecrite pr´ec´edemment. De part et d’autre de la transition, τ tend vers 0 et ξloc tend vers l’infini. Le seuil de localisation `a 3D n’est pas connu pr´ecis´ement mais intervient lorsque k le vecteur d’onde de la particule devient de l’ordre de 1/lB. C’est la r`egle empirique de Ioffe

[78].

En dimension 2, la longueur de localisation peut ˆetre estim´ee dans le r´egime de faible d´esordre par [79, 80] :

ξloc ≈ lBeπklB/2 (5.1)

Comme cela correspond `a une variation tr`es rapide, si klBest grand devant 1, la longueur de localisation est g´en´eralement trop grande pour avoir des effets notables sur la diffusion dans un syst`eme de taille finie. Finalement, il faut donc aussi ˆetre proche du crit`ere de Ioffe pour avoir un effet de localisation. De plus, comme lB est forc´ement toujours plus grand que σ, il faut donc aussi kσ≤ 1 (r´egime quantique) et aussi un d´esordre fort de telle sorte que lB≈ σ. La limite classique correspond `a kσ  1 (la longueur d’onde de DeBroglie est alors petite devant σ) et c’est un r´egime o`u la physique de Anderson ne joue pas de rˆole en pratique. On peut noter que la transition de percolation, valide dans le r´egime classique, est un ph´enom`ene physique diff´erent de la localisation de Anderson.

R´ealisation exp´erimentale dans la physique des ondes

La physique de Anderson s’applique en g´en´eral `a des particules quan-tiques qui sont d´ecrites par l’´equation de Schr¨odinger. C’est un ph´enom`ene `a un corps o`u les interactions ne jouent pas de rˆole. Exp´erimentalement, dans les syst`emes ´electroniques de la mati`ere condens´ee, les effets d’interf´erence de Anderson sont tr`es difficiles `a observer `a cause de l’importance des in-teractions et des ph´enom`enes de d´ecoh´erence par exemple dus aux phonons. De ce fait, la localisation forte n’a pas ´et´e observ´ee dans ces syst`emes et la localisation faible provoque seulement un faible effet de magn´etor´esistance n´egative notamment dans les films 2D [81, 82, 83, 84].

La physique de Anderson peut ˆetre observ´ee avec n’importe quel type d’ondes ; pas seulement des ondes de DeBroglie mais aussi des ondes clas-siques. Dans le cas d’ondes classiques, il est plus facile d’assurer la condition kσ ≤ 1, mais il faut quand mˆeme un d´esordre fort et donc des diff´erentiels d’indice important pour observer la localisation `a 2D et 3D. A titre d’exemple, avec des ondes lumineuses, ont ´et´e utilis´es des poudres de semi-conducteurs tr`es diffusantes pour des exp´eriences `a 3D [85] et des cristaux phoniques `a 1D et 2D [86]. Avec des micro-ondes, des cylindres di´electriques plac´es entre deux plaques conductrices permettent l’observation de la localisation de An-derson `a 2D [87]. Enfin, des exp´eriences r´ecentes avec des ondes ´elastiques se propageant dans un milieu constitu´e de sph`eres m´etalliques ont donn´e des r´esultats tr`es convaincants de localisation de Anderson `a 3D [88].

Exp´eriences de localisation avec des atomes utrafroids

Tout d’abord, on peut se demander quel est l’int´erˆet de r´ealiser la locali-sation dans des syst`emes d’atomes froids alors que la th´eorie est relativement bien comprise et que l’effet a d´ej`a ´et´e observ´e dans d’autres syst`emes. Une premi`ere r´eponse est, qu’`a la diff´erence des exemples pr´ec´edents, les atomes sont des particules massiques, et qu’`a ce titre ce sont des particules quan-tiques au sens de DeBroglie. A mon avis, comme cela ne change pas la phy-sique, cela n’est pas une r´eponse convaincante. Une autre r´eponse est qu’il n’y a finalement que peu de syst`emes physiques dans lesquels la localisation de Anderson est clairement observable et que l’´etude de la localisation de Anderson dans un syst`eme contrˆol´e peut permettre une comparaison avec la th´eorie plus d´etaill´ee. C’est en effet le cas notamment `a 1D. A mon avis, en-core plus important est le fait qu’on peut introduire des interactions de fa¸con control´ee dans les gaz d’atomes ultra-foids et ainsi ´etudier les effets au-del`a du simple mod`ele `a une particule dans des r´egimes o`u la physique n’est en-core que partiellement comprise. Avant d’aborder ces probl`emes en pr´esence d’interaction, il est int´eressant de comprendre et caract´eriser la physique de Anderson dans nos gaz ultra-froids.

Les exp´eriences d’atomes froids avec du d´esordre ont commenc´e vers 2005 dans une g´eom´etrie 1D. Si initialement, les interactions entre atomes et un d´esordre trop ”classique” n’ont pas permis l’observation de la localisation de Anderson [89, 90], ce fut fait en 2008 apr`es la diminution du rapport kσ permettant d’atteindre le r´egime de d´esordre quantique. La localisation de Anderson (ou plus pr´ecis´ement l’arrˆet de la propagation) a ´et´e observ´ee dans un gaz de rubidium tr`es dilu´e et en pr´esence d’un d´esordre cr´e´e par une figure de tavelure (speckle) dans le groupe d’A. Aspect [91]. Simultan´ement, le groupe de M. Inguscio a pr´esent´e l’absence de diffusion dans un r´eseau optique dichromatique pour du potassium 39 et en utilisant la r´esonance de Feshbach pour annuler les interactions entre atomes [92].

Depuis cette premi`ere r´ealisation exp´erimentale, des progr`es ont ´et´e faits pour comprendre l’effet des interactions sur la localisation de Anderson `a 1D. A l’Institut d’Optique, nous avons choisi d’´etendre ce r´esultat en di-mension sup´erieure. L’exp´erience 1D a ´et´e r´enov´ee et convertie `a 3D lors du d´em´enagement `a Palaiseau. Cette exp´erience a permis l’observation de la localisation de Anderson `a 3D en 2011 [93]. Parall`element, l’exp´erience de condensation tout optique dont je m’occupe a ´et´e d´edi´ee `a l’´etude des gaz 2D d´esordonn´es. Se diriger vers la physique `a 2D ´etait un souhait de ma part et faisait partie de mon projet au CNRS. Un point important de mon projet consistait `a avoir des interactions variables `a 2D en utilisant du potassium, nous avons choisi de diff´erer ces ´etudes pour nous consacrer directement `a

l’´etude du d´esordre qui faisait partie d’une des ouvertures possibles de mon projet. C’´etait `a mon avis un choix judicieux.