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CHAPITRE III – LA RECHERCHE

3.3 LA PERTINENCE SCIENTIFIQUE

La pertinence de la recherche peut aussi être établie à partir de la revue de la littérature sur le renouvellement de la planification des territoires agricoles. Le renouvellement de la planification des territoires a, maintes fois, été traité dans les travaux en aménagement du territoire et en urbanisme publiés, depuis plus de deux décennies, en Amérique du Nord et en Europe (Gauthier, Gariépy et Trépanier, 2008). Ils portent à croire à une adhésion de la communauté scientifique à ses nouveaux paradigmes; la MFA est, alors, abordée comme une perspective prometteuse (Domon et Ruiz, 2010; Lafontaine et Jean, 2010; Mundler, 2010;

Royer et Mercier-Gouin, 2010). La revue de la littérature québécoise sur les activités et les exploitations agricoles montre, néanmoins, que les travaux en sciences sociales sont peu nombreux à dépasser le cadre du productivisme pour proposer celui de la multifonctionnalité.

Mais certains l’abordent quand même dans l’optique de l’aménagement et du développement du territoire. Ils découlent de la réflexion sur les nouvelles réalités et visées territoriales, et des initiatives agricoles innovantes (Doucet, 2011b).

Les premiers travaux québécois recensés qui abordent, en particulier, la MFA ont été publiés en 2010 (Jean et Lafontaine, 2010). Ils ont relevé la diminution du rôle des activités et des exploitations agricoles dans le développement des territoires, à partir du sortir la Seconde Guerre mondiale, et, à plus forte raison, depuis les années 1960; leurs multiples fonctions étant occultées ou marginalisées par le productivisme (Domon et Ruiz, 2010; Mundler, 2010; Parent, 2010; Royer et Mercier-Gouin, 2010). Ils ont étudié des approches similaires développées au Québec : les politiques gouvernementales écoconditionnelles de soutien aux activités agricoles; la gestion concertée et intégrée des ressources hydriques par les organismes de bassins versants (OBV); et le développement intégré des ressources et la pluriactivité des ménages soutenus par le mouvement JAL31 des années 1970 (Doucet, 2011b; Handfield, 2010; Jean, 2010; Mead, 2010).

Les travaux québécois discernent une montée des dynamiques territoriales dans les initiatives de développement agricole. Ils avancent, par contre, que ces dynamiques ne sont pas soutenues sur les plans législatif et réglementaire. La MFA est, par essence, liée à leur montée (Mundler, 2010); une relative multifonctionnalité peut, donc, être observée parmi les activités et les exploitations agricoles, quand bien même des mesures supplémentaires devraient être mises en place pour la valoriser (Doucet, 2011b). Les travaux la présentent comme un pilier incontournable du nouveau modèle de développement agricole à élaborer au Québec (Doucet, 2011b; Mundler, 2010; Parent, 2010; Royer et Mercier-Gouin, 2010). La littérature décrit, donc, ses dimensions et ses composantes32 : elle aborde la diversification économique et la pluriactivité par le biais des activités agrorécréotouristiques (Archambault et Waaub, 2001;

Debailleul, 2001; Deshaies et Lesage, 2002; Leroux, 2001), et de celles de transformation et de vente directe à la ferme (Blouin, Lemay, Ashraf, Imai et Konforti, 2009; Fortin et Handfield, 2010; Martin, 2003); elle explicite les conséquences environnementales des activités intensives et la portée des politiques agroenvironnementales adoptées pour les pallier (Boutin, 2004; Debailleul, 1998; Debailleul, 2008; Montpetit, 1999), et les caractéristiques des paysages agricoles et les initiatives destinées à contrer leur homogénéisation et à les mettre en valeur (Boisclair et Côté, 2009; Domon, Paquette, Ruiz et Roy, 2008; Ruiz et Domon, 2005;

Ruiz et Domon, 2014); et elle souligne les mesures qui visent à assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires de la population, et à préserver ses héritages culturels (Caouette,

31 Le sigle est formé des initiales des municipalités de Saint-Juste-du-Lac, d’Auclair et de Lejeune. Elles étaient vouées à disparaître par suite des travaux du Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ).

32 À noter que quelques-unes ont été examinées hors du cadre de la MFA et avant percée conceptuelle.

2010; Côté, 2008; Deshaies, 2003; Rainville, 2002), et elle analyse les obstacles à la relève agricole pour proposer des pistes de solution pour maintenir et dynamiser le tissu social des territoires agricoles et ruraux (Hamel et Morisset, 1995; Handfield, 2010; Parent, 2008; Perrier, Allard et Parent, 2004).

Des travaux présentent les initiatives qui valorisent les fonctions des activités et des exploitations agricoles, mais ils demeurent lacunaires. La récence des démarches explique la curiosité croissante des chercheurs pour elles, mais aussi que des questions importantes puissent être omises dans leur étude. Les travaux se déclinent, pour la majorité, en des recherches microterritoriales qui traitent des initiatives entrepreneuriales et de leur insertion dans leur territoire, et des interactions que leur planification et leur gestion suscitent entre les acteurs (Doucet, 2011b). Il existe, en conséquence, peu de travaux sur les initiatives mésoterritoriales de valorisation des fonctions des activités et des exploitations agricoles. Un exercice de recension des orientations multifonctionnelles des plans quinquennaux de développement des Conférences régionales des élus (CRÉ) a été complété par Doucet (2011a), mais il se rapporte au palier régional. Un bilan des mesures adoptées, lors de la révision des SAD de première génération, pour inciter au déploiement des activités agrorécréotouristiques a été réalisé par dix des 14 conseillers en aménagement et en développement rural des directions régionales du MAPAQ entre août et novembre 1999 (Chalifour, Binet, Gonthier, Pepin et Thibouthot, 2001)33. Quelques autres travaux abordent les principes de planification et de gestion de la fonction environnementale des activités et des exploitations qui consiste à aménager et à valoriser les paysages agricoles (Boisclair et Côté, 2009; Courcier et Trépanier, 2009; Paquette, Poullaouec-Gonidec et Domon, 2008; Trépanier et Bryant, 2009). Un autre émet des recommandations eu égard aux contraintes et aux opportunités de développement de la MFA, dans les zones d’intensification agricole (ZIA) et les zones sous forte influence urbaine (ZIU), sur la base de l’analyse :

- de la littérature scientifique internationale et québécoise;

- de données statistiques et cartographiques sur l’occupation des sols, l’agriculture, et la démographie du territoire d’étude;

- de dires d’acteurs en agriculture et aménagement qui prennent appui sur :

- une analyse de contenu des mémoires déposés à la CAAAQ et de quatre PDZA;

- des entretiens avec des professionnels de l’agriculture et de l’aménagement qui agissent comme informateurs clés;

- de programmes et politiques américains et européens de soutien aux diverses fonctions de l’agriculture;

33 Le bilan a été rédigé sans le concours du conseiller en aménagement et en développement rural de la Direction régionale de l’Outaouais (Chalifour, Binet, Gonthier, Pepin et Thibouthot, 2001).

- de l’analyse d’initiatives porteuses de multifonctionnalité de l’agriculture existantes actuellement sur le territoire d’étude (Mundler et Ruiz, 2015, p. 16).

Un dernier travail examine la phase de démarrage de la démarche de réalisation des PDZA pour éclairer les changements induits dans la planification des territoires, au Québec, et dans la façon de concevoir la question agricole par les autorités étatiques et les collectivités territoriales (Doyon, Loyer et Desrosiers-Côté, 2017). Il est, ainsi, possible de prévoir que de telles recherches auront cours dans les prochaines années (Doucet, 2011b).