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LA VILLE DE NOVA FRIBUHGO

Dans le document PRIX : 1 FRANC (Page 194-200)

Dans les Etrennes de 1917, on pouvait lire, un

•extrait du Bulletin du bureau officiel de renseignements

•sur le Brésil, à la date du 6 décembre, dans lequel il était dit :

« La ville de Nova Friburgo (Etat de Rio), située à une centaine de kilomètres au nord-est de Rio de Janeiro, était en fête le 10 octobre dernier. Les habi-tants célébraient le centenaire de la fondation de leur ville par des Fribourgeois émigrés au Brésil. »

Nous recevons aujourd'hui communication de deux vues de cette intéressante colonie dont les Etrennes ont parlé à plus d'une reprise. Ces deux vues sont extraites d'une publication illustrée, éditée à l'occasion de la fête du centenaire. Nous avons sous les yeux de nombreux articles de journaux portugais relatant ces festivités.

S a d e r n i è r e v o l o n t é

Le vieux Bramsohn est mort et dans son testament il a spécifié -qu'il soit prélevé sur sa succession une somme de mille thalers et .que la dite somme soit déposée dans son cercueil.

— Devons-nous réellement enfouir dans le cercueil tout cet argent, demanda le plus jeune des fils, à quoi est-ce que cela va bien pouvoir lui servir sous terre ?

— Il en est ainsi décidé, dit le second, la volonté d'un mourant est sacrée, nous devons nous exécuter.

— Cela va de soi, dit l'aîné, nous le devons. Seulement nous y mettrons un chèque payable à vue. C'est de l'argent comptant.

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Un jardin public à Nova Friburgo

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Lie r u s é p r o f e s s e u i »

On connaît le bon truc de monsieur B. qui voulait s'accorder une consultation médicale dans les prix doux chez une célébrité. On lui avait dit que la première visite coûtait 20 fr. et les suivantes seulement 10 fr. chacune. Il s'en va donc chez le célèbre médecin et se présente comme une vieille connaissance : — Me voici de nouveau, M. le professeur, etc., etc. La suite de l'histoire, monsieur B. ne l'a pas racontée et la voici :

Le professeur examine son patient. Il l'ausculte, lui tâte le pouls^.

lui demande tous les détails et les symptômes de sa maladie et il formule ainsi son ordonnance :

— D'après tout ce que j'ai pu constater, vous n'avez qu'à renou-veler, sans autre, les remèdes que je vous ai précédemment prescrits..

U n m a l e n t e n d u

La scène se passe à Bàle. Un de nos soldats de la Suisse alle-mande, un peu allumé, se trouve dans le tram qui le ramène à la caserne, en compagnie d'un soldat de l'armée du salut, et la con-versation s'engage entre les deux hommes.

Le soldat prenant son voisin pour un militaire appartenant à.

une autre division lui dit :

— Salû ! Kamerad Le salutiste : — Salù

Le soldat. — Zu weller Division g'hôrst d u ? (A quelle division»

appaniens-tu ?)

Le salutiste. — Zu der Division des Himmels, (A la division-du ciel.)

Le soldat. — Do hesch du aber cheib wiet i d'Kaserne ! (Tu as-alors fichtrement loin jusqu'à la caserne !)

L a q u i t t a n c e

Le tailleur Stâubli est appelé à quittancer une vieille facture par lui adressée à l'étudiant de lome semestre, Durstli. Dans sa joyeuse émotion, au lieu de la formule ordinaire : a Reçu avec remerciement»,, le tailleur écrit : <( Grâce à Dieu, reçu, etc. » Stâubli, tailleur. .

Il r)'e^t pa§ de royaUrr^e...

Le matin du 30 juillet 1914, mademoiselle Martine Bugniet, institutrice des enfants du Hauptmann-Freiherr vori Teltz, à Breslau, éprouva, de façon tort désagréable, sur sa personne, un premier contre-coup du désastre qui allait secouer le monde.

Sa noble maîtresse, qu'elle ne voyait d'ordinaire qu'aux heures des repas, l'ayant fait appeler, la mit au fait des graves événements internationaux qui se

prépa-raient. Déjà le Freiherr von Teltz avait rejoint son corps d'artillerie ; de toutes parts la sainte Allemagne mobilisait ses armées invincibles ; rien n'arrêterait plus, désormais, la marche à la victoire et à la conquête de l'Europe.

— Vous comprenez, Fraûlein, ajouta la dame en son parler chantonnant et guttural, vous comprenez que, dans les conditions présentes, à la veille d'une guerre avec la France, il devient inutile, et même contraire au patrio-tisme, que mes enfants poursuivent leurs leçons de français.

Du reste Eisa, ma fille, a fait avec vous. de suffisants progrès pour se passer de leçons; et quant à mon petit garçon Siegfried, il n'aura plus besoin, à l'avenir, de connaî-tre cette langue appelée à s'éteindre- sous les victoires allemandes. Au surplus, d'après mon mari, le choc de nos armées devant se porter d'abord vers l'ouest, il est possible, au début des opérations, que nous soyons obli-gés de quitter momentanément Breslau, si les Russes se

montrent menaçants... O h ! momentanément, je le ré-pète!... Mais, dans ces conditions je me vois forcée de renoncer à vos excellents services. Je le regrette, car nous

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-vous aimions tous beaucoup, mais -vous me comprendrez sans peine !... Je vous ai préparé de très élogieux certi-ficats et je serai toujours disposée, plus tard, à vous recommander chaleureusement... Pour le moment, je crois que le meilleur parti à prendre, pour vous, est de re-tourner au plus tôt en Suisse, votre pays, qui, je le sais, ne sera pas inquiété par la guerre!...

Et, ce disant, Frau von Teltz remit à Martine Bugniet interloquée, une belle gratification en billets de la Reichs-bank, accompagnée d'une attestation pompeuse sur papier armorié.

Martine Bugniet remercia, et, suivant le dernier conseil de sa maîtresse, se 'hâta dans ses préparatifs de

départ immédiat.

Le coup qui la frappait était si rude et imprévu qu'elle vécut cette journée comme en un rêve étrange ; elle ne songa pas une minute à discuter le conseil de regagner son pays : cette solution lui paraissait en effet la seule possible et elle s'y soumit presque machinalement.

Ses bagages bouclés, elle prit congé en pleurant de ses élèves : la blonde Eisa aux tresses de filasse, aux yeux bleu clair, trop longue et maigre pour ses douze ans, et le petit Siegfried, un bambin de huit ans aux cheveux roux, aux lunettes drôles sur son nez camus — deux êtres qu'elle s'était habituée à chérir en dépit de leur mor-gue naissante et de leurs défauts génériques. — Et, sans même se rendre bien compte de ses actes, elle se trou-va, le soir installée dans un train rapide encombré de voyageurs...

Cherchant vainement un sommeil rebelle et sans cesse troublé par les allées et venues des gens, elle essaya alors de mettre un peu d'ordre dans ses pensées. Sa

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-tuation, somme toute, n'était point alarmante : les éco-nomies qu'elle avait amassées, suffisantes pour assurer son existence pendant un temps assez prolongé, lui per-mettaient de chercher tranquillement une nouvelle occupation lucrative. Mais l'indéfmissable malaise dont elle se sentait envahie tenait davantage aux regrets de tout ce qu^elle laissait et à l'appréhension presque instinctive de ce qu'elle allait retrouver. Loin de soulever en son cœur une émo-tion douce, la perspective de rentrer en ce pays de Fri-bourg, qu'elle n'avait plus revu depuis près quinze an-nées, lui paraissait au contraire extrêmement pénible.

Une rancœur ancienne se glissa bientôt dans ses réflexions et. fit remonter peu à peu en sa mémoire toutes les amertumes qu'elle avait connues jadis en sa ville natale, toutes les peines de son enfance, tous les tableaux tristes de sa prime jeunesse ; et insconciemment, ainsi, en voulant rêver de l'avenir, elle se surprit à faire revivre un passé déjà lointain...

Son enfance n'avait pas été heureuse ; orpheline de bonne heure, recueillie par une vieille tante dont les manies déparaient la réelle bonté, Martine n'avait,* pour ainsi dire jamais connu la joie intime du foyer familial.

Pourtant à l'école primaire, puis à l'Ecole secondaire de jeunes filles, dont elle suivit tous les cours, elle se montra intelligente, appliquée, sérieuse, aussi put-elle, à la fin de ses études, passer ses examens de brevet de façon remarquable. De ce succès, elle avait conçu, dans la naï-veté de ses dix-sept ans, une fierté extrême et, facilement, s'était imaginée qu'il lui ouvrirait un avenir doré. Elle se présenta donc dès l'automne pour un poste vacant d'institutrice aux écoles de la ville, bien sûre d'avance, grâce à ses notes, à son diplôme, à quelques recom-mandations d'anciennes maîtresses, d'être admise sans

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difficulté. On la trouva néanmoins trop jeune et on lui expliqua qu'une concurrente ancienne, qui attendait la place depuis un certain temps, devait avoir le pas sur elle. Elle s'inclina de bon gré et attendit à son tour.

Un semestre plus tard, nouveau concours, nouvelle dé-sillusion : le poste échut à une rivale pourvue du patronage d'un politicien puissant. Comprenant alors que les notes brillantes et le savoir ne font point tout le mérite aux yeux des hommes, elle rechercha l'appui de personnages de marque et se présenta une troisième fois. En dépit de ses références, de ses protecteurs, des promesses re-çues, elle eut le chagrin de se voir, à l'unanimité, pré-férer une concurrente étrangère au pays et dont l'origine lointaine, plus que le mérite, séduisait les autorités...

Sous ce dernier coup, elle perdit tout espoir, et, com-me, à quelque temps de là, sa tante mourut, la laissant sans autre parent qu'un cousin de deux ans plus âgé qu'elle, elle se décida à chercher autre chose ; ayant obtenu une place d'institutrice-gouvernante à Bautzen, en Saxe, elle quitta Fribourg, se promettant bien de n'y plus revenir jamais!...

A partir de ce moment, elle avait vécu à l'étranger, de cette vie facile et presque oisive des institutrices de grandes maisons, partageant son temps entre ses leçons, ses lectures et des promenades avec ses jeunes élèves, salariée, mais non servante, occupant, en somme, un rang intermédiaire entre la domesticité et les niaîtres, plus proche de ceux-ci, exigeante et donnant des ordres comme eux, mangeant à leur table, se polissant à leur contact, affinant ses goûts, ses besoins, ses désirs. Ainsi, trois années à Bautzen, dans une famille d'officier, puis quatre chez un banquier juif à Kœnigsberg, puis trois autres à Potsdam, auprès de la fille unique d'une noble

Dans le document PRIX : 1 FRANC (Page 194-200)