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A. La Maladie d’Alzheimer

3) Aspects histopathologiques de la maladie

3.2 Lésions cérébrales microscopiques

3.2.4 La neuroinflammation

La neuroinflammation a depuis longtemps été associée à la MA. Alois Alzheimer avait déjà décrit la présence de la microglie autour des plaques identifiées dans le cerveau de sa patiente dans la publication de 1907 (Stelzmann et al., 1995). Pourtant le ou les rôles de cette inflammation cérébrale dans les maladies neurodégénératives et en particulier la MA, bien que mieux compris restent encore à ce jour sujets à débat. Les maladies neuroinflammatoires telles que la Sclérose

Multiple ou les encéphalites se différencient des maladies neurodégénératives comme la MA par le type d’inflammation impliquée. Par exemple, l’invasion des tissus cérébraux par des lymphocytes T et B venant du sang, et constitutifs de l’immunité adaptative est une caractéristique de l’encéphalite. Dans la MA au contraire, ce sont les cellules immunitaires résidentes du cerveau, constitutives de l’immunité innée qui entrent en jeu. Néanmoins des études montrent aussi l’implication d’une invasion du cerveau par des lymphocyte T dans le contexte de la MA (Dansokho et al., 2016; Laurent et al., 2017).

Parmi les cellules immunitaires du cerveau, appelées cellules gliales, il y a la microglie d’une part et les astrocytes d’autre part qui représentent la majeure partie des cellules de notre cerveau. Les mécanismes précis sous-tendant la neuroinflammation sont encore peu clairs et la question de savoir si celle-ci est une cause ou une conséquence de la MA reste débattue (Lue et al., 1996). Cependant, des découvertes récentes supportent l’idée de l’existence d’un lien direct entre la production anormale du peptide amyloïde et le développement et le maintien de la neuroinflammation (Guerriero et al., 2017).

Les cellules microgliales sont les cellules immunitaires du cerveau. A l’état basal ces cellules développent des prolongements leur permettant de surveiller leur microenvironnement (Nimmerjahn et al., 2005). Lorsque l’une d’elle détecte une substance pathogène, ses prolongements sont rétractés, et la microglie est alors dite « activées ». C’est dans cet état d’activation que la microglie va médier la réponse inflammatoire. C’est le cas notamment autours des plaques séniles, preuve de l’existence de processus inflammatoires dont le rôle dans la MA est de plus en plus étudié (Heneka et al., 2015; Heppner et al., 2015) (Figure 5). Pendant longtemps perçue comme contribuant uniquement à la progression de la maladie, la neuroinflammation pourrait dans une certaine mesure avoir au contraire un effet bénéfique, en particulier de par la capacité de la microglie à induire la phagocytose du peptide amyloïde (Cai et al., 2014) et à limiter l’expansion des plaques amyloïdes (Zhao et al., 2017). L’activation de la microglie peut en effet intervenir selon deux voies, M1 et M2 (Minter et al., 2016). La première induit une neuroinflammation dérégulée promouvant la mort neuronale, via la production de cytokines pro- inflammatoires et l’implication des astrocytes. La seconde au contraire permet la phagocytose des dépôts amyloïdes et la clairance du peptide amyloïde avec une production à la fois de cytokines pro (TNFα, IL-1, IL-6…) et anti -inflammatoires (IL-

4, IL-10, TGFβ…) (Cavaillon, 1995; Cherry et al., 2014). Pourtant, une étude réalisée sur le modèle murin 3xTg-AD a révélé que l’activation microgliale induite par le LPS (Lipopolysaccharide) induit une exacerbation de la phosphorylation de la protéine Tau, via l’activation de la kinase CDK5 (Kitazawa, 2005) exacerbant de ce fait la pathologie Tau.

Les astrocytes quant à eux, près de cinq fois plus nombreux que les neurones, interviennent comme soutiens de ces derniers. Ils interviennent notamment dans le remodelage des circuits neuronaux, la recapture et le recyclage des neurotransmetteurs comme le glutamate, à la synapse. Ce sont des régulateurs essentiels des réponses immunitaires dans le cerveau. Selon le contexte et les stimuli offerts par le milieu, ils peuvent exacerber ou réduire les réactions inflammatoires. Si lorsque activés par certains stimuli tels que les Sphingolipides, NF-κB (Nuclear Factor kappa B) ou encore l’IL-17 (Interleukine 17) les astrocytes adoptent un phénotype dommageable pour les cellules environnantes, dit A1, d’autres stimuli comme le BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor), l’IFNγ (Interferon γ) ou le TGFβ (Transforming Growth Factor β) induisent au contraire un phénotype protecteur de ces astrocytes, dit A2, (Colombo and Farina, 2016; Liddelow et al., 2017). Des études ont également montré la contribution des astrocytes dans la production du peptide amyloïde durant la neuroinflammation (Zhao et al., 2011).

Si l’implication de l’immunité innée dans la MA a été démontrée par de nombreuses études, ce n’est que plus récemment que le rôle de l’immunité adaptative a pu être décrit dans cette pathologie. L’infiltration de cellules T a ainsi été observée dans le modèle murin APP/PS1 (APPKM670/671NL et PS1L166P) et l’importance des

cellules T régulatrices (Treg) dans ce modèle a été démontrée. Le groupe de Guillaume Dorothée a en effet montré que la suppression des Treg dans ce modèle accélère les défauts cognitifs liés à la progression de la MA. Plus particulièrement ils ont montré que les Treg servent en quelque sorte à orchestrer le recrutement de la microglie au niveau des dépôts amyloïdes, afin de limiter l’accumulation de l’Aβ (Dansokho et al., 2016) Cependant, une autre étude a au contraire montré dans un modèle d’agrégation de la protéine Tau; les souris THY-Tau22, un effet délétère de l’infiltration des cellules T au niveau de l’hippocampe (Laurent et al., 2017).

La neuroinflammation et son implication dans la physiopathologie de la MA sont ainsi de mieux en mieux comprises. Elle semble néanmoins jouer un rôle assez ambigu au cours de la MA, ses acteurs cellulaires étant tout autant capable de

Figure 5 : Mécanismes de l’activation microgliale associée aux plaques amyloïdes (d’après Heneka et al., 2015).

Les fonctions physiologiques de la microglie incluant la surveillance et la plasticité synaptique sont altérées lorsque les microglies détectent une accumulation pathologique d’Aβ. La réponse inflammatoire aigue qui s’initie alors doit aider à la restauration de l’homéostasie tissulaire en supprimant les dépôts amyloïdes. Les déclencheurs et facteurs aggravateurs vont maintenir l’activation des microglies ce qui va aboutir au final à une neuroinflammation chronique. L’activation continue de la microglie dans ces conditions et l’exposition aux cytokines pro-inflammatoires vont causer des modifications structurelles et fonctionnelles conduisant à la mort neuronale.

B. Le métabolisme du Précurseur du Peptide