• Aucun résultat trouvé

La nécessaire occultation de la famille par l’individualisme

La construction politique de la famille comme société naturelle

2.1 La nécessaire occultation de la famille par l’individualisme

La famille n’est pas une société naturelle au sens où sa définition et son organisation ne relèvent pas d’une “nature des choses” mais d’une construction à la fois juridique et sociale388. Ainsi, l’autorité du chef de famille est-elle définie et protégée par un ensemble de règles juridiques389 plus ou moins respectées, interprétées selon des coutumes régionales et des habitudes familiales qui transmettent aux membres de la famille un cadre légal et un modèle de comportement dont ils ne sont pas supposés s’écarter390. De ce point de vue, il n’y a pas de rupture dans le passage de la société traditionnelle d’Ancien Régime à la période contemporaine : que ce soit dans les sociétés dites primitives ou dans le monde occidental de la fin du XXème siècle, d’autres critères que la seule consanguinité entrent nécessairement en ligne de compte pour définir ce qu’est une famille391.

Notion absolument pas naturelle, donc, contrairement à ce que sa propre idéologie

388 Voir Jean-Louis Flandrin, Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, Paris, Seuil, 1984 (1ère édition, Hachette, 1976), et notamment les pp. 10-15 dans lesquelles il définit le”concept de famille” dans la société traditionnelle.

389 Cf. Gabriel Lepointe, La famille dans l’ancien droit, Paris, Domat-Chrestien, 1947 ; pour une approche centrée sur l’autorité du chef de famille, on pourra se reporter à A. Dufour, “Autorité maritale et autorité paternelle dans l’école du droit naturel”, Archives de philosophie du droit, tome 20, 1975 ; on trouvera une perspective juridico-politique de l’autorité paternelle dans l’ouvrage d’Arlette Farge et Michel Foucault, Le désordre des familles.

Lettres de cachet des Archives de la Bastille, Paris, Gallimard/Julliard, 1982.

390 Cf. Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1973 et François Lebrun, La vie conjugale sous l’ancien régime, Paris, Colin, 1975. Une première forme d’ethnologie souligne dès la fin de la première moitié du XIXème siècle la permanence des modèles d’autorité traditionnels dans certaines régions de France (voir Eugène Cordier, Le droit de famille aux Pyrénées. Barège - Lavedan - Béarn et pays basque, Extrait de la Revue historique de droit français et étranger, numéros de juillet-août, septembre-octobre, novembre-décembre 1859, Paris, Auguste Durand, 1859) ; une ethnologie plus récente a, quant à elle, montré que la société paysanne conserve jusqu’au milieu du XXème siècle l’essentiel de ces modèles (et de leurs transgressions) ; voir Yvonne Verdier, Façons de dire, façons de faire. La laveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard, 1979 ; Martine Segalen, Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, 1980 ; et du même auteur, Amours et mariages de l’ancienne France, Paris, Berger-Levrault, 1981 ; et enfin, Hugues Lamarche, Susan Carol Rogers et Claude Karnoouh, Paysans, femmes et citoyens. Luttes pour le pouvoir dans un village lorrain, Le Paradou, Actes Sud, 1980.

391 Cf. Claude Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Paris, La Haye, 1967 (2ème édition) ; et Pierre Clastres, La société contre l’Etat, Paris, Minuit, 1974.

a longtemps suggéré392 ; la famille est en effet pendant tout l’Ancien Régime pensée comme un groupe naturel dont les limites vont de soi et dont l’exercice de l’autorité par les parents n'est pas questionnable393. Le père de famille, c’est-à-dire l’homme marié394, a beau être épaulé par le droit pour, le cas échéant, faire respecter son autorité, c’est par un commandement divin, puis par la nature offerte à l’observation des philosophes et hommes de science395 que les législateurs cherchent, du XVIème au début du XIXème siècle, à légitimer son autorité396 ; ainsi, c’est de l’inégalité naturelle entre races397, sexes et générations que se déduit, dans un système juridique qui reste sur ce point globalement stable jusqu’au XIXème siècle398, l’inégalité des droits et devoirs entre les membres de la famille399.

La famille est donc, jusqu’à l’époque révolutionnaire, une construction sociale et

392 Sur ce point, voir les remarques d’un politologue comme Yves Barel dans La société du vide, Paris, Seuil, 1984, dans son chapitre 3 (“Le pouvoir, le code et le patrimoine”), et notamment pp. 137-140.

393 Et non pas au sens où ce groupe pourrait se définir indépendamment du droit, comme c’est le cas pour les familles dites “naturelles” parce que les enfants sont nés en dehors du mariage.

394 Sur les implications en termes de droit à exercer l’autorité (“la source juridique de la puissance paternelle est constituée par le seul mariage”) et de définition-désignation de l’enfant susceptible de s’y soumettre, dans les textes juridiques de la fin de l’Ancien Régime au début du XIXème siècle, voir Jacques Mulliez, ““Pater is est...”.

La source juridique de la puissance paternelle du droit révolutionnaire au Code civil”, in La famille, la loi, l'Etat..., op. cit., pp. 412-431.

395 Voir Jean Delumeau et Daniel Roche, Histoire des pères et de la paternité, Paris, Larousse, 1990 et notamment l’article d’A. Cabantous, “La fin des patriarches”. L’autorité est, selon les cas, légitimée par un modèle autoritaire, ou au contraire, plus “doux” et affectif ; le processus de légitimation continue quant à lui de s’inscrire dans une référence extérieure à l’homme, que ce soit la parole divine ou le naturel besoin de protection des faibles qui appellent la désignation d’une autorité.

396 La période qui précède est marquée par l’érosion des liens conjugaux, leur progressif effacement devant la parenté et la conscience lignagère (XIII-XVème siècles) qui fait passer d’une cellule étroitement familiale (ravestissement, procédé par lequel les époux se lèguent mutuellement leurs biens) à une cohésion parentale ; sur ce sujet, voir la thèse de Robert Jacob, Les époux, le seigneur et la cité. Coutumes et pratiques matrimoniales des bourgeois et paysans de France du Nord au Moyen Age, Thèse, Bruxelles, 1990, et notamment le chapitre II, significativement intitulé “Du couple tout puissant à l’esprit de famille”. L’Eglise qui tenait le mariage pour un sacrement, a joué un rôle déterminant pendant cette période dans la mesure où elle autorisait les futurs époux à se passer de l’autorisation du chef de famille. Une série d’ordonnances royales, à partir du XVIème siècle, vont redonner à celui-ci toute son autorité en la matière. Voir Jean-Louis Flandrin, Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, op. cit., p. 130.

397 Sur la notion de race dans la société traditionnelle d’Ancien Régime, qui n'a plus rien à voir avec la nôtre, je renvoie à la thèse d’Arlette Jouanna sur le concept de race au XVIème siècle : “L’idée de race, y explique-t-elle, c’est d’abord l’idée que les lignées sont, pour une large part, des êtres de nature, et que leur personnalité sociale a un fondement biologique, expliquant leur continuité au cours des générations” (p. 1). Cf. Arlette Jouanna, L'idée de race en France au XVIe et au début du XVIIe (1498-1614), thèse de lettres, Paris IV, 1975 (nle éd. : Montpellier, Université Paul Valéry, 2 vol., 1981) ; voir aussi Arlette Jouanna, Ordre social, mythes et hiérarchies dans la France du XVIème siècle, Paris, Hachette, 1977.

398 Exception faite de la législation révolutionnaire, dont le caractère exceptionnel, justement, sera étudié de manière spécifique plus loin dans ce chapitre (§ 2.1.1).

399 Et non l’inverse ; voir l’analyse qu’Emile Lousse fait des rapports sociaux au sein de la société féodale, caractéristique d’une pensée traditionnelle qu’on retrouve, au-delà de la Révolution, dans les rapports au sein de la famille : “Le but du droit n’est pas d’effacer les inégalités qui résultent de la diversité des services rendus et de compter d’autre part sur l’harmonie préétablie pour assurer le maintien de la paix, mais au contraire d’engendrer l’harmonie sociale en adaptant ses catégories aux inégalités naturelles.” Emile Lousse, La société d’Ancien Régime. Organisation et représentation corporatives, Recueil de travaux d’histoire et de philologie, Louvain, 1943, p. 127 (c’est moi qui souligne). On verra plus loin comment la justification de l’autorité, maritale notamment, va au cours du XIXème siècle se détacher de l’inégalité entre les sexes pour trouver dans la nécessité sociale et politique de préserver l’unité familiale, une légitimité nouvelle.

juridique pensée comme divine et/ou naturelle ; ajoutons qu’elle est en outre une société politique, au sens où, longtemps après l’Eglise primitive qui s’était servie de l’autorité paternelle pour expliquer et faire accepter l’obéissance absolue à un Dieu unique400, la monarchie a commencé de la considérer comme le lieu de la socialisation des citoyens et a, dans cette perspective, tendu à la protéger, à faire entrer le droit “temporel” dans son organisation pour que, par le respect dû au chef de famille, soit assuré le respect dû au roi. La justification de la protection de l’autorité paternelle par l’Etat devient, dans ce cas, d’ordre public401. En amont, c’est une autorité qui trouve sa légitimité dans l’ordre des choses, mais elle est, en aval, protégée par le droit en tant que police sociale :

"comme les mariages sont les séminaires de l'Etat, la source et l'origine de la société civile et le fondement des familles qui composent les républiques qui servent de principe à former leur police et dans lesquelles la naturelle révérence des enfants envers leurs parents est le lien de la légitime obéissance des sujets envers leur souverain."402

La société politique qu’est la nation est un prolongement, à grande échelle, de la petite société politique qu’est la famille. Si un homme marié et père de plusieurs enfants est encore considéré, à la veille de la Révolution, comme “beaucoup meilleur citoyen”

qu’un célibataire, c’est parce que les enfants, dont le père est "naturellement" proche, sont autant de liens qui l’attachent au “bien public”403 : autrement dit, plus un citoyen se reproduit dans un grand nombre d’autres “lui-mêmes”, plus il tend à former, dans le cercle de sa famille, une petite société ; de ce point de vue, qu’on pourrait qualifier de sociologique404, il n’y a pas de différence entre le niveau familial et le niveau social. La famille, pour les observateurs de la société à la veille de la Révolution, est une petite communauté politique indissociable, indissociée de la grande. C'est cette indissociation

400 Cf. Jean-Louis Flandrin, Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, op. cit., p. 118.

401 Cf. Jacques Mulliez, “Droit et morale conjugale...", op. cit.

402 Déclaration de Saint-Germain, le 27 novembre 1639, citée par Jacques Mulliez, “Droit et morale conjugale...”, op. cit., note 22, p. 40. Le Traité du mariage publié au temps de Louis XIV est tout aussi clair : "Et comme du bien et du bon ordre des familles particulières, résulte le bien et le bon ordre de l'Etat, c'est par cette raison que le prince doit avoir une autorité souveraine sur les mariages parce que ce sont les colonnes de son État et le séminaire de ses sujets." Cité par Jacques Mulliez, “Droit et morale conjugale...”, op. cit., pp. 40-41. A la même époque (1670) : "Le mariage n'est pas seulement fondé sur l'intention et dans les principes de la nature, il tient aussi fortement aux lois de la police civile ou plutôt il en est le premier fondement." (Ibid., cité p. 54, note 55.) 403 Voir par exemple l’ouvrage de Jacques Burlamaqui, Elemens du droit naturel, (reprise de l’édition de 1783 à Lausanne, Paris, Vrin, 1981, p. 289) dans lequel l’auteur établit un lien de causalité proportionnelle entre la production par le père de citoyens et la capacité de celui-ci à s’identifier au bien public : “un homme marié, dit-il, et qui est père de plusieurs enfans, est beaucoup meilleur citoyen, et beaucoup plus attaché au bien public que ceux qui demeurent dans le célibat ; c’est que les premiers tiennent à la société par beaucoup plus de liens ; les enfans sont d’autres nous-mêmes ; ce sont pour ainsi dire des branches d’un même tronc qui ne font qu’un bout avec lui ; c’est proprement ici une extension d’amour propre. La bonne politique veut donc que les souverains fassent tout ce qui dépend d’eux pour encourager les mariages.”

404 Point de vue sociologique, parce que dérivé d’un constat, d’une observation de la société qui, à ce moment-là, est effectivement organisée comme la famille (et inversement), le roi étant considéré comme le père de la nation. Point de vue sociologique, donc, par opposition avec un point de vue plus politique, appelant des changements ou cherchant une justification de ce qui est par ce qui devrait être, et non une explication.

que reprend la théorie politique traditionaliste, dont l'oeuvre de Louis de Bonald peut être considérée comme la plus représentative, en cette période post-révolutionnaire ; et c'est cette même indissociation que la Révolution a fini par rompre, en distinguant explicitement ce qui relève de la libre volonté (la construction de la société civile et politique) et ce qui doit être respecté au nom d'un "ordre des choses" qui s'impose aux hommes (la hiérarchie naturelle entre les sexes et entre les générations).

2.1.1 Faire de la famille une petite République

En tentant de modifier le contenu des droits dans la famille pour les conformer aux principes de la société civile et politique des individus, les révolutionnaires montrent bien qu’ils continuent, dans un premier temps, de considérer celle-ci comme une société politique. Liant entre elles des personnes libres et égales, elle est désormais pensée et construite comme une société contractuelle, à l’image de la “grande” société ; à ce titre, elle n'est pas une société spécifique : au contraire, elle disparaît dans la législation

“intermédiaire”405 au profit de l'universelle catégorie de l’individu. Absente du vocabulaire des légistes révolutionnaires qui ne la définissent jamais, elle semble bien n’être plus considérée que comme une simple association, ou pour mieux dire, une "petite République".

Une des premières lois de la Révolution touchant à la famille concerne ainsi la protection de la liberté des enfants majeurs ; c’est la loi des 16-24 août 1790 qui abolit ces fameuses lettres de cachet qui, sous l’Ancien Régime, donnaient la possibilité aux chefs de famille de faire emprisonner leurs enfants à des fins domestiques406 ; leur succèdent des “tribunaux de famille” qui imposent une décision collective de la famille sur les sujets de plainte et qui protègent les individus de l’arbitraire familial “en

405 Qualificatif donné à la législation révolutionnaire pour mieux souligner son caractère de transition entre celle de l’Ancien Régime et celle du Code civil de 1804.

406 Cf. Arlette Farge et Michel Foucault, Le désordre des familles...,op. cit.

remettant entre les mains de la justice étatique l’exécution de la peine et la vérification de ses motifs.”407

“Comme le despotisme ne voyait dans les nations que ses troupeaux, nous ne savons voir encore dans nos enfants que des propriétés, dont nous pensons avoir plein droit d’abuser”, remarque Creuzé de La Touche408.

C’est pour “faire de la famille une association régie comme le corps politique par la liberté et l’égalité, indépendante, d’ailleurs, de l’Etat, et en cela une association unique et privilégiée parce qu’elle est la seule naturelle”409 que sont créés ces tribunaux de famille.

D’une manière générale, la législation révolutionnaire en matière de droit de la famille va répondre à cet impératif politique de répandre la liberté et l’égalité jusque dans la société familiale des individus, qui devient à ce titre un "lieu de socialisation" parmi d'autres.

Le mariage comme simple contrat

Dans la Constitution de 1791 est indiqué, à l’article 7, que “la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil”. A l’instar de tous “les contrats de société parmi les hommes”, le mariage doit être envisagé désormais comme une convention entre deux personnes, dont le consentement devrait seul suffire à produire les effets :

"Le mariage est dans sa nature un contrat civil et ne peut cesser d'être tel parce qu'il ne peut cesser de former une convention entre les deux personnes qui se marient, explique Durand de Maillane devant les députés ; leur consentement a fait le mariage comme le consentement en général fait seul tous les contrats de société parmi les hommes."410

Le mariage est à tel point conformé aux principes qui régissent les contrats, que sa forme solennelle peut ne pas être respectée et le contrat demeurer implicite, du moment que se conjuguent les libres volontés des contractants411 ; aussi, pour que le contrat produise des effets de droit, par exemple en matière d’exercice de l’autorité paternelle, il

407 Pierre Murat, “La puissance paternelle et la Révolution française : essai de régénération de l’autorité des pères”, in La famille, la loi, l'Etat..., op. cit., p. 400.

408Réflexions de M. Creuzé-de-La-Touche, député pour Châtellerault à l’Assemblée nationale, sur l’institution des tribunaux domestiques ou de famille, rapportée dans un numéro du Courrier de Provence, cité par Pierre Murat, “La puissance paternelle et la Révolution français...”, in La famille, la loi, l'Etat..., op. cit., p. 392.

409 Philippe Sagnac, La législation civile de la Révolution française (1789-1804), Essai d’histoire sociale, Paris, 1898, p. 305.

410 Cité par Jacques Mulliez, “Droit et morale conjugale...”, op. cit., p. 73.

411 Voir le rapport d’Oudot (qui définit le mariage suivant le droit naturel, comme “l’union de l’homme et de la femme avec l’intention d’avoir des enfants et de remplir à leur égard les devoirs de la nature” et qui en déduit que la seule volonté des parties crée le mariage, qui peut donc exister indépendamment de la loi ; s’il y a eu enfant, c’est qu’il y a eu mariage “privé”), dans P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, Paris, 1836, t. 1.

est nécessaire mais suffisant de prouver, par la reconnaissance de l’enfant, que le père a désiré l’union — puisqu’il en accepte les fruits412.

Ayant perdu son caractère sacré, réduit à une simple formalité administrative, le mariage ne saurait être perpétuel, le propre d'un contrat étant de ne lier les personnes que tant qu'elles le souhaitent ; un contrat ne comportant pas de clause de rupture étant potentiellement un instrument d'aliénation, une atteinte à la liberté des contractants, les révolutionnaires décident d’introduire le divorce dans la législation. Le 17 février 1792, le député Lequinio plaidait devant l'Assemblée :

"Instituons le divorce ; nous ne pouvons qu'y gagner en tous point, et pour la régénération des moeurs, sans laquelle la régénération des lois n'est qu'éphémère, et pour la liberté nationale même, et pour le bonheur public."413

C'est au nom de cette liberté que les révolutionnaires vont, là encore à la veille de la proclamation de la République — le 20 septembre 1792 — voter la loi sur le divorce414. Léonard Robin, en présentant le rapport du comité de législation civile sur le divorce, associe étroitement liberté individuelle, régime contractuel et mariage :

"Le Comité a cru devoir conserver ou accorder la plus grande latitude à la faculté du divorce à cause de la nature du mariage qui a pour base principale le consentement des époux et parce que la liberté individuelle ne peut jamais être aliénée d'une manière indissoluble par aucune convention."415

On se rend mieux compte encore de l’évolution subie par la question du mariage, si l’on compare les plans de Code civil choisis par le comité de législation pour chacun de ses deux premiers projets : étudié au premier titre dans le projet de 1793, en tant que fondement des sociétés, le mariage n’apparaît qu’après l’étude de la naissance (naturelle ou légitime) des enfants dans celui de 1794, c’est-à-dire dans l’ordre chronologique des situations par lesquelles passent les individus416. Enfin on remarquera, parmi les conséquences de cette volonté politique d’étendre la liberté dans tous les rapports de société, l’absence, dans les trois projets de Code civil de Cambacérès, de toute obligation

On se rend mieux compte encore de l’évolution subie par la question du mariage, si l’on compare les plans de Code civil choisis par le comité de législation pour chacun de ses deux premiers projets : étudié au premier titre dans le projet de 1793, en tant que fondement des sociétés, le mariage n’apparaît qu’après l’étude de la naissance (naturelle ou légitime) des enfants dans celui de 1794, c’est-à-dire dans l’ordre chronologique des situations par lesquelles passent les individus416. Enfin on remarquera, parmi les conséquences de cette volonté politique d’étendre la liberté dans tous les rapports de société, l’absence, dans les trois projets de Code civil de Cambacérès, de toute obligation