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La famille comme société politique

La construction politique de la famille comme société naturelle

2.2 La famille comme société politique

Terminer la Révolution consiste avant tout, pour les libéraux conservateurs du début du XIXème siècle, à se débarrasser du dogme de la souveraineté du peuple et de

“l’utopie démocratique d’une société dans laquelle les volontés pourraient exprimer et construire d’elles-mêmes un être ensemble, produire en quelque sorte consciemment et artificiellement du lien social.”489 Cette définition, destinée à caractériser l'attitude politique d'hommes comme Guizot et Royer-Collard, aurait tout aussi bien pu servir à caractériser celle des théocrates et ultra-royalistes qui, à partir de la Restauration, occupent une place politique de premier choix dans les Chambres comme dans les gouvernements qui se succèdent de Louis XVIII à Charles X. Ce qui rapproche les uns et les autres est l'attention portée au “tout social”, en réaction à la pensée individualiste qui caractérise la période précédente et dont la législation “intermédiaire” tient lieu de point culminant. A l’idéal de la societas succède celui de l’universitas490 ; autrement dit, on

489 Pierre Rosanvallon, Le moment Guizot, op. cit., p. 44.

490 Societas et universitas correspondent aux deux conceptions de la société qu’Otto Gierke a développées dans son étude sur le droit des communautés dans la théorie du droit naturel (cf. Natural Law and the Theory of Society, 1500 to 1800, with a lecture by Ernst Troeltsch, Cambridge, 1934, 2 vol.), et que cite abondamment

passe d’une philosophie du droit naturel où la société était pensée comme une association d’individus, à une pensée politique pour laquelle “la société avec ses institutions, valeurs, concepts, langue, est sociologiquement première par rapport à ses membres particuliers, qui ne deviennent des hommes que par l’éducation et l’adaptation à une société déterminée”491. Il s’agit de réorganiser la société en partant de l’homme comme être social et non plus de l'individu abstrait et universel. Or, dans cette forme de pensée où la société comme communauté retrouve son emprise sur les conceptions politiques de la société, emprise qu’elle avait peu à peu perdue depuis le XIIIème siècle492, la famille joue le rôle “d’archétype historique et symbolique”493. C'est en effet un certain modèle de la famille qui sert à penser la société politique comme un ensemble unitaire, ayant une vie propre, et qui soit autre chose que la simple addition des individualités dont elle est formée. Sur la base de ces principes, les lois considérées comme les plus formatrices du "lien social et politique" sont adaptées au régime qui succède à l'Empire napoléonien. On a vu combien les lois électorales occupent les parlementaires de la Restauration ; mais, bien avant que ne soit votée la première d'entre elles, en février 1817, Louis XVIII procède à l'abolition la plus vitale pour un gouvernement monarchique : celle du divorce.

Par la suppression du divorce, la contre-révolution entend faire correspondre à l’Etat monarchique récemment restauré, une famille elle-même rendue à sa vocation naturelle d’ordre et de fixité dans la société494. La seconde Restauration advenue, au lendemain

Louis Dumont dans ses Essais sur l’individualisme..., op. cit., p. 82. Pour une description sociologique de ces deux formes opposées que sont la société et la communauté, voir Ferdinand Tönnies, Communauté et société, Paris, 1887.

491 Louis Dumont, “Genèse, II. La catégorie politique et l’Etat à partir du XIIIème siècle”, in Essais sur l’individualisme..., op. cit., p. 83. Ce retour de la pensée holiste est particulièrement visible à travers l’invention de la sociologie, au début du XIXème siècle : c’est à partir du moment où l’on essaie de penser la société en tant qu’objet qu’a pu émerger cette première forme de science sociale. Sociologie dont l’oeuvre d’Auguste Comte est généralement citée, dans les manuels universitaires, comme “précursive” (si l’on nous permet ce néologisme utile), mais dont l’origine devrait être attribuée à l’oeuvre de Louis de Bonald ; cf. la remarquable approche que Robert Nisbet fait de la “tradition sociologique” à travers les concepts élémentaires qu’elle déploie (tels que la communauté, l’autorité, le statut, le sacré et l’aliénation), dans La tradition sociologique, Paris, PUF, 1984 (1ère édition américaine, Basic Books, New York, 1966). Sur le contexte intellectuel nécessaire à l’invention des sciences sociales au tournant du XIXème siècle, voir l'article de Michel Freitag, “La crise des sciences sociales et la question de la normativité”, in Le naufrage de l’Université et autres essais d’épistémologie politique, Paris, La Découverte/M.A.U.S.S., 1995 ; voir aussi la thèse de Patrick Cingolani, Le problème de l'individualisme et de la démocratie aux origines de la sociologie en France au XIXème siècle, thèse de sociologie sous la dir. de G. Namer, Paris 7, 1991.

492 Louis Dumont date la naissance conjointe de l’Etat moderne et de la liberté de l’individu, des écrits de Guillaume d’Occam, dans la première moitié du XIVème siècle ; cf. Genèse, II. La catégorie politique et l’Etat à partir du XIIIème siècle”, in Essais sur l’individualisme..., op. cit., p. 70-74.

493 Cf. Robert Nisbet, La tradition sociologique, op. cit. p. 70.

494 “Supprimer le divorce, c’est rendre possible la relégitimation de l’ordre social fondé en Dieu, c’est retrouver la stabilité, c’est effacer la sécession introduite par la Révolution dans le corps social. Ayant partie liée avec la démocratie, le divorce symbolise à lui seul le désordre révolutionnaire.” Gérard Gengembre, “La famille des contre-révolutionnaires...”, in La famille, la loi, l’Etat..., op. cit., p. 163.

des Cent Jours, il s’agit de conformer la législation sur la famille au nouvel ordre politique.

Dès le 14 décembre 1815, Louis de Bonald fait en comité secret de la Chambre des députés une proposition relative à l’abolition du divorce, qu’il développe en séance publique le 26 décembre. La discussion, peu animée, ne dure que le temps d’une séance et de trois discours495 et se termine par l’adoption du projet496. La loi du 8 mai 1816 abolit le divorce pour tout le siècle, c’est-à-dire jusqu’en 1884, date à laquelle la loi Naquet l’autorise à nouveau. C'est là une victoire importante de la pensée conservatrice sur la pensée révolutionnaire, puisque la loi va perdurer jusqu'en 1884 ; mais c'est une victoire dont la portée est somme toute assez réduite, dans la mesure où les fondements individualistes du droit civil, et notamment le principe de l'égalité des citoyens devant la loi, ne sont pas remis en cause par la Monarchie. Plus intéressante est la pensée politique qui sous-tend cette loi, en ce qu'elle exprime un courant de pensée traditionaliste hérité de l'ancien régime, et que reprennent avec d'autant plus d'aisance les défenseurs ultra-royalistes de la nouvelle loi. A travers la loi d'abolition du divorce, c'est une défense de l'autorité politique absolue qui se trouve exprimée. Comme telle, elle est vouée aux gémonies par la plupart des libéraux de la période considérée (depuis P.-L. Roederer jusqu'à F. Guizot) ; mais comme catégorie de la pensée, et comme système d'argumentation pour légitimer l'exercice du pouvoir dans la société, on pourra constater à quel point la pensée politique de la famille continue d'exercer, implicitement, ses effets.

2.2.1 La théorie bonaldienne du pouvoir

La Chambre de 1815, sous l'impulsion de Louis de Bonald, abolit durablement le divorce dans la France post-révolutionnaire. Cette loi est le fruit conjoint du retour à la monarchie, qui appelle des modifications importantes en matière d'organisation politique, et du théoricien Louis de Bonald. Selon ce théocrate, la famille n'est pas une simple unité

495 Trois discours de MM. Cardonnel, Fornier de Saint-Lary, et Blondel d’Aubers, sans grand intérêt, ainsi que trois opinions non prononcées de MM. Chifflet, Josse-Beauvoir et Royer, qui reprennent en grande partie les arguments du discours et de l’ouvrage de Louis de Bonald sur le divorce ; cf. A.P., séance du 2 mars 1816.

496 Adopté par 195 voix contre 217 ; le projet est communiqué à la Chambre des Pairs le 12 mars et adopté par 113 voix sur 122. Il s’agissait là uniquement de décider d’abolir le divorce ; la loi elle-même qui porte abolition du divorce, examinée par une commission à laquelle Louis de Bonald, comme de juste, est présent, sera votée par 225 voix contre 11 dans la séance du 27 avril, et deviendra la loi du 8 mai 1816.

élémentaire de la société, ni même le lieu de socialisation des futurs citoyens (la petite patrie, chère à Rousseau). Elle est beaucoup plus que cela, puisque c'est une construction intellectuelle qui doit servir de modèle à l'organisation politique. Ainsi est-elle moins étudiée que pensée comme une société politique idéale : sa théorie des rapports entre le père, la mère et les enfants est d'abord, dans cet esprit, une théorie politique des rapports entre les différents niveaux hiérarchiques de la société, ce qui n'est pas sans rappeler des modes de pensée holistes, caractéristiques de l'ancien régime.

La loi d'abolition du divorce, oeuvre conjointe de la Monarchie et de L. de Bonald

Louis de Bonald est d'abord un théoricien, dont la carrière politique et l'influence au sein des députés ultra-royalistes s'étendent sur une grande partie de la Restauration497. L'influence de son oeuvre sur la pensée traditionaliste en général498 et sur les doctrines qui tout au long du XIXème siècle ont pensé la société politique à partir d'une théorie de la famille en particulier, est bien connue499. Elle est représentative, avec celles de Burke et Joseph de Maistre, de la pensée contre-révolutionnaire500, c'est-à-dire d’une

“conception globale du monde, saturée de théologie et d’ontologie, forte d’une anthropologie, d’une épistémologie et parfois d’une philosophie du langage”501, qui est aussi “un complexe de sensibilités qui jette un pont entre les esprits supposés du XVIII° et du XIX° siècle.”502 Depuis peu, l’accent a été mis sur son utilisation de la famille comme

“principe et moyen, comme une grille de lecture du processus historique, comme la prise

497 On trouvera, en annexe, quelques éléments biographiques sur Louis de Bonald.

498 Cf. R. A. Nisbet, “De Bonald and the conception of social group”, Journal of the History of Ideas, juin 1944 ; Raymond Deniel, “La famille dans sa relation à l’Etat et à la religion, chez les penseurs traditionalistes de la Restauration”, Recherche sociale, 26, 1969 ; W. Jay Reedy, “Burke and Bonald : paradigms of late 18th century conservatism”, Historical reflections, 1981, n° 2, p. 69-93 ; Jean-Jacques Chevallier, “Louis Ambroise de Bonald (1754-1840) : un bloc de pensée contre-révolutionnaire”, in Religion, société et politique : mélanges en hommage à Jacques Ellul, Paris, PUF, 1983 ; Stéphane Rials, Révolution et contre-révolution au XIXème siècle, Paris, DUC/Albatros, 1987 ; Gérard Gengembre, La contre-révolution ou l’histoire désespérante, Imago, 1989.

499 Jean Maitron, “Les penseurs sociaux et la famille dans la première moitié du XIXème siècle”, in Robert Prigent, Renouveau des idées sur la famille, 1952 ; Raymond Deniel, Une image de la famille et de la société sous la Restauration. Etude de presse catholique, Paris, Editions ouvrières, 1965 ; Henri Lorin, “L’idée familiale comme inspiratrice et ordonnatrice des lois sociales”, in La Famille, compte-rendu des 9° Semaines Sociales de France, Lyon, Gabalda, 1912 ; enfin, on pourra consulter la thèse de Jean-Yves Pranchère, L'autorité contre les Lumières : la philosophie de Joseph de Maistre, thèse de philosophie, sous la dir. d'A. Philonenko, Rouen, 1996, qui étudie plus particulièrement le rattachement de ce traditionaliste à certains concepts de la philosophie des Lumières.

500 Elle est ainsi considérée comme représentative des principes de la légitimité de droit divin, parmi les théories de la souveraineté que Maurice Barbé recense pour la première moitié du siècle ; voir Etude historique des idées sur la souveraineté en France de 1815 à 1848, thèse de doctorat, Paris, 1904.

501 Stéphane Rials, “La contre-révolution”, in Nouvelle histoire des idées politiques, sous la dir. de Pascal Ory, Paris, Hachette, coll. Pluriel, 1987, p. 166.

502 Stéphane Rials, “La contre-révolution”, in Nouvelle histoire des idées politiques, op. cit., p. 166.

en compte de la position révolutionnaire en même temps que sa réfutation”503, permettant au théoricien de “penser le social comme organisme régi par la complémentarité des organes, comme hiérarchie des familles et comme suprématie d’un pouvoir dont l’unicité s’avère analogue à celle du père de famille”504.

Trois séries de raisons justifient, aux yeux de Louis de Bonald, la nécessité de rétablir dans la monarchie, l’indissolubilité du mariage : des raisons prises dans la nature physique et morale de l’homme, des raison tirées des considérations civiles et des raison tirées des considérations politiques. Premièrement, la fin du mariage est la conservation des enfants et des femmes qui tous deux ont besoin de cette protection. Deuxièmement, l’engagement conjugal étant formé entre trois personnes présentes, il ne saurait être dissout par deux seulement, au préjudice du tiers (l’enfant) qui représente la seule raison de l’union sociale de l’homme et de la femme. Quant aux raisons politiques, “elles sont prises dans une théorie, expliquait le député, dont les bornes d’un rapport ne permettent pas le développement" ; mais, ajoutait-il :

"... il suffira de dire que telle est l’identité des principes et de la constitution de la société domestique et de la société publique ; telle, par conséquent, l’analogie de nos idées sociales, que les pensées, les sentiments et les habitudes que fait naître l’indissolubilité de la monarchie domestique, conduisent naturellement aux pensées, aux sentiments, aux habitudes qui défendent et conservent l’indissolubilité, ou, ce qui est la même chose, la légitimité de la monarchie politique. Toutes les doctrines qui ont affaibli l’une, ont attenté à l’autre ; partout où le lien domestique a été dissous, le lien politique a été rompu ou relâché : la démocratie politique, qui permet au peuple, partie faible de la société politique, de s’élever contre le pouvoir, est la compagne nécessaire de la faculté du divorce, véritable démocratie domestique, qui permet aussi à la partie faible de s’élever contre l’autorité maritale, et d’affaiblir ainsi l’autorité paternelle ; et pour retirer l’Etat des mains du peuple, comme dit Montesquieu, il faut commencer par retirer la famille des mains des femmes et des enfants.

(...) Renforcez le pouvoir domestique, élément naturel du pouvoir public, concluait-il, et consacrez l’entière dépendance des femmes et des enfants, gage de la constante obéissance des peuples.”505

Au terme de son discours, l’orateur proposait que tous les articles relatifs à la dissolution du mariage et au divorce506 fussent retranchés du Code civil. La discussion qui s’ensuivit montre que les députés de la "Chambre introuvable" n'avaient visiblement rien

503 Gérard Gengembre, “La famille des contre-révolutionnaires : une réponse archaïque à la modernité”, in La famille, la loi, l'Etat..., op. cit., p. 157.

504 Ibid., p. 160.

505 Développement de la proposition du 14 décembre 1815 de M. de Bonald sur le divorce, 26 décembre 1815, Chambre des députés. On peut remarquer que la même citation de Montesquieu avait été reprise par P.-L.

Roederer, dans les textes déjà cités, et aux mêmes fins que Louis de Bonald : justifier le pouvoir marital et paternel dans une société confiée à un gouvernement fort.

506 Contenus aux chapitres 7 et 8 du titre V, et dans les chapitres 1, 2, 3, 4 et 5 du titre VI.

à redire à la proposition de Louis de Bonald, qui s’imposait telle une évidence — c'est-à-dire comme un effet c'est-à-direct du rétablissement de la monarchie — tant la famille était encore considérée comme l’un des leviers de l’action politique.

Le rapport de M. de Trinquelague, prononcé en comité secret le 19 février 1816, se contente de reprendre les principaux arguments de la proposition en insistant tout spécialement sur la nécessité de rétablir, dans la famille, un gouvernement fort ; d’autant plus fort, meilleur et respecté qu’il ne peut cesser de l’être. Le principe fondamental qui justifie l’abolition du divorce, c’est que la famille constitue l’unité élémentaire de la société politique et qu’à cet égard, son organisation interne doit être en rapport avec la nature du gouvernement. C’est pourquoi la première tâche d’un gouvernement monarchique qui repose sur “le pouvoir d’un seul, supérieur à tout, soumis pour sa durée à la seule action du temps”507consiste à rétablir les mêmes principes de gouvernement dans la famille. Si le divorce correspond aux sociétés démocratiques, parce qu’il n’offre qu’une “société sans pouvoir fixe”, la monarchie doit nécessairement l’abroger :

“le mariage, dans une religion catholique, offre, dans une famille unie, un chef unique, que la mort seule prive de son pouvoir, et de qui tout ordre dérive, pour tendre vers un seul intérêt ; il offre l’épouse tenant de lui, et exerçant, avec lui, un pouvoir pour le bien commun, et des enfants que rien ne peut rendre étrangers à la famille.”

Les arguments qui reviennent le plus souvent dans les discours précédant le vote presqu’unanime de cette loi font de la famille le lieu de l’éducation des futurs citoyens, ce qui serait déjà une raison suffisante pour y intéresser l’Etat. Des sujets fidèles et dévoués ne seront formés que dans une famille protégée, car sans cette utile protection, les enfants n’ont plus de père, la femme n’a plus d’appui, et aucun ne prend la bonne habitude de se soumettre durablement à une autorité. La famille n’est donc pas simplement le rapprochement de deux sexes, mais une communauté sociale destinée à l’éducation civique de ses membres. Elle est également le lieu de la soumission de tous aux nécessités sociales. Hommes et femmes doivent sacrifier leur liberté sur l’autel de l’indissolubilité du mariage. Comme dans toutes les lois “bien coordonnées avec l’ordre social”508, on trouve dans la loi prohibitive du divorce

“ce grand principe, qu’il faut, pour le bonheur commun, enlever à l’homme une partie

507 Chifflet, Intervention en faveur du projet de loi sur le divorce, dans la séance de la Chambre des députés du 2 mars 1816. Les citations suivantes, jusqu'à indication contraire, sont extraites du même discours.

508 Blondel d’Aubers, Intervention en faveur du projet de loi sur le divorce, dans la séance de la Chambre des députés du 2 mars 1816.

de sa liberté, et qu’il n’est lui-même indépendant, heureux, que lorsqu’il est soumis.”509

La famille est une petite patrie, et seul l’attachement à celle-ci garantit l’attachement futur des citoyens à la “grande patrie” : cette idée de Rousseau qui exprimait là une idée courante de l’ancien régime est reprise par Royer, qui l’utilise pour démontrer

qu’”un mari divorcé a cessé d’être un bon mari et un bon père ; [et que] le fils, très innocent sans doute, d’un père divorcé, ne peut être un bon fils, puisque, selon la belle pensée de M. de Bonald, il ne peut honorer son père, et l’un et l’autre ne seront jamais bons citoyens dans la rigueur de ce mot”510.

Autre argument en faveur de l’abolition du divorce : la différence naturelle entre les sexes, qui établit entre les hommes et les femmes une “cruelle inégalité”511. C’est un argument courant à cette époque, énoncé par des auteurs des deux sexes, de laisser entendre que le mariage est aussi lourd pour l’époux qu’il est protecteur pour la femme512, et que n’étaient les devoirs du premier envers les faibles et l’intérêt de la société, nul homme ne serait assez fou pour engager sa liberté (et ses revenus) de telle façon513.

La justice, dans l’esprit de ceux qui votent la loi, consiste à réintroduire une hiérarchie de pouvoirs et de fonctions, donc une solidarité fonctionnelle entre des êtres que la nature a faits inégaux, et de ce fait, complémentaires :

“la femme par le divorce, n’est pas moins opprimée que l’enfant, disait déjà Louis de Bonald dans sa proposition. Dans cette société, les mises ne sont pas égales ; l’homme y place sa force, la femme sa faiblesse. Les résultats, en cas de dissolution, ne sont pas égaux,

“la femme par le divorce, n’est pas moins opprimée que l’enfant, disait déjà Louis de Bonald dans sa proposition. Dans cette société, les mises ne sont pas égales ; l’homme y place sa force, la femme sa faiblesse. Les résultats, en cas de dissolution, ne sont pas égaux,