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Une nouvelle méthodologie est adoptée pour estimer la SIC. Elle est basée sur le schéma classique d’estimation optimale [Rodgers, 1976, 1990] qui est largement adopté pour l’estimation des paramètres océaniques et atmosphériques et qui a déjà été introduite au Chapitre II. L’estimation optimale utilise la dérivée des observations par rapport au paramètre à estimer, ainsi que l’erreur d’observation, l’erreur du modèle direct et une estimation a priori avec son erreur associée. Elle peut s’exprimer comme suit :

xi+1= xi+ Q(KtSe−1(y − F(xi)) + S−1

a (xi− xa)) (III.1)

x est le paramètre à estimer, y les observations satellitaires, F (x) représente le modèle direct, K la matrice jacobienne contenant les dérivées des observations, Se est la matrice de covariance des erreurs d’observation, xa la valeur a priori, Sa l’erreur a priori et i l’itération. Pour initialiser le processus d’itération (i=0), une valeur de première estimation

x0 est nécessaire, elle peut être la même que la valeur a priori ou différente. La matrice de covariance de l’erreur d’inversion Q est exprimée en :

Q= (KtSe−1K+ S−1

a )−1 (III.2)

La racine carrée de la matrice Q donne l’erreur théorique d’inversion.

Dans notre cas, la seule variable x à estimer est la SIC, et le vecteur y représente les TBs observées dans différents canaux. Comme nous restituons seulement une variable x,

Q, xa et Sa sont des scalaires. Dans ce formalisme, y, K et F (x) sont des matrices de dimension 1 × Ncanaux et Se est une matrice de dimension Ncanaux× Ncanaux, où Ncanaux est le nombre de canaux du radiomètre passif utilisés pour l’inversion. Cette méthode a été introduite pour l’estimation de la SIC dans Kilic et al.[2018].

Pour l’inversion, un modèle direct F(x) est nécessaire. Dans le cas de la SIC, il n’existe pas de modèle de transfert radiatif permettant de relier efficacement les TBs à la SIC. Le modèle direct est empiriquement basé sur le contraste entre les TBs de l’océan et de la glace. Les TBs moyennes (aussi appelées points de rattachement ou tie points) pour l’océan (0% de SIC, TBocéan) et la glace de mer (100% de SIC, TBglace) sont estimées à partir d’un ensemble d’observations passives micro-ondes. Ensuite, le modèle direct est un modèle de mélange linéaire dérivé de la contribution des deux types de surfaces (0% et 100% de SIC) dans l’empreinte du capteur. Le modèle direct exprimant la TB en fonction de la SIC peut s’écrire ainsi :

La matrice jacobienne K contient le long de sa colonne les dérivées des TBs en fonction de la SIC pour les différents canaux radiométriques utilisés pour l’inversion.

K= K1 ... Kcanal ... KN canaux ,

Pour un canal donné, le jacobien s’exprime :

Kcanal= ∂T Bcanal

∂SIC = T Bglace,canal− T Bocéan,canal (III.3) La matrice de covariance des erreurs d’observation Se est exprimée :

Se= SIC2

· COVT Bglace+ (1 − SIC)2

· COVT Bocéan

COVT Bocéan et COVT Bglace sont les matrices de covariance des erreurs des points de rattachement. Ils représentent la variabilité de T Bocéan et T Bglace au canal donné. Ces variables sont calculées statistiquement à partir de la collection d’observations passives micro-ondes à 0% et 100% de SIC. Les bruits de l’instrument ont été négligés car ils sont petits devant COVT Bocéan et COVT Bglace.

Dans ce qui suit, la valeur SIC a priori (xa) est prise à 50%, avec une erreur Sade 25%, ce qui signifie que la valeur a priori a un rôle très limité. L’inversion est initialisée avec une première estimation x0 égale à la valeur a priori xa. Seulement deux itérations sont effectuées, car le problème est linéaire. La deuxième itération est requise pour actualiser la valeur de l’erreur d’inversion, mais elle ne modifie pas la valeur de SIC trouvée lors de la première itération.

2.2 Jeu de données d’observations satellites colocalisées sur des zones avec 0% et 100% de concentration en glace

Le RRDP du projet CCI de l’ESA sur les glaces de mer est un ensemble de don-nées publiquement accessible (Pedersen et al (2018),https://figshare.com/articles/ Reference_dataset_for_sea_ice_concentration/6626549). Il contient une vaste col-lection de données de radiomètres micro-ondes passifs satellitaires colocalisées qui sont pertinentes pour le calcul et la compréhension de la variabilité des observations micro-ondes sur la glace de mer. Il inclut des observations passives micro-micro-ondes de SMOS (1,4 GHz), AMSR-E et AMSR2 (6 à 89 GHz). Il couvre des zones avec 0% de SIC et 100% de SIC respectivement appelées SIC0 et SIC1 dans le RRDP. Il fournit différents types de glace de mer (glace mince, glace de première année, glace pluriannuelle), pour toutes les saisons, y compris la fonte en été, pour les pôles nord et sud. Cet ensemble de données permet d’estimer les points de rattachement T Bocéan et T Bglace nécessaires pour l’algorithme d’inversion, avec leurs variances et covariances respectives à différentes fréquences et polarisations.

Pour identifier les zones avec 100% de SIC, la méthode utilisée dans le RRDP est fondée sur des données de dérive des glaces provenant d’observations radar (ENVISAT

Fig. III.1 Positions des zones avec 0% de SIC (SIC0, en bleu) et 100% de SIC (SIC1, en rouge) dans le jeux de données contenant les observations AMSR2. Les données SIC0 situées aux basses latitudes sont filtrées. Après filtrage, les jeux de données SIC0 et SIC1 totalisent respectivement 26289 et 2008 observations.

ASAR, Radarsat2 et Sentinel-1). Des zones d’environ 100x100 km2 avec une convergence des dérives de glace sur une période consécutive de 2 jours au minimum sont sélectionnées. En hiver, cela correspondra aux zones avec une couverture de glace de 100% (en supposant qu’elle commence le jour 1 avec près de 100% de glace). En été, le pourcentage de glace est moins fiable, car une ouverture dans la glace peut apparaître. La zone à 0% de glace est choisie à une distance de 100 km des marges de glaces à l’aide de cartes de la banquise. Certaines des zones sélectionnées ne sont fiables que pour l’été ou l’hiver en fonction de leur position. Ensuite, les données satellite avec une empreinte au sol incluse à l’intérieur des zones sélectionnées de 0% et 100% sont choisies pour la colocalisation.

La Figure III.1 résume l’emplacement des zones avec 0% (SIC0) et 100% (SIC1) de glace. Notez la présence de données SIC0 situées à basses latitudes qui ne sont pas repré-sentatives des régions en bord de la banquise et des océans polaires. Ces données ont été filtrées.

Table III.2 – Distribution des données avec 100% de SIC de l’ensemble de données contenant les observations AMSR2 en fonction des saisons et des hémisphères.

Nombre d’observations (%)

Nord hiver 39

Nord été 35

Sud été 22

Sud hiver 4

Les données SIC0 et SIC1 sont disponibles pour deux radiomètres différents, AMSR-E et AMSR2, en fonction de l’année d’observation. Nous préférons utiliser les données

AMSR2 car il s’agit du radiomètre actuel (opérationnel depuis 2012), tandis que AMSR-E n’est plus opérationnel (2002-2011).

La moyenne TBglaceet TBocéan(les points de rattachement respectifs pour 100% et 0% SIC) et leurs déviations standards (StD pour Standard Deviation en anglais aussi appelée écart-type) sont calculées à partir du RRDP. Tout d’abord, nous calculons les points de rattachement à l’aide de tout l’ensemble de données. Ensuite, ils sont calculés en limitant les données à une saison (hiver ou été) et un hémisphère (nord ou sud) donnés. Les résul-tats sont présentés dans la Figure III.2. Les différences entre les points de rattachement pour les différentes saisons, les différentes hémisphères et les différents instruments sont minimes, et comprises dans les StDs. Les StDs sur les points de rattachement sont plus petites pour les basses fréquences, quelle que soit la saison ou l’hémisphère. La variabilité est plus faible en hiver qu’en été : en hiver, il n’y a pas de processus de fonte et l’émis-sivité de la glace de mer est plus stable. La variabilité de la TBglace est également plus faible dans l’hémisphère sud où il n’y a pas de glace pluriannuelle mais seulement de la glace jeune et de première année, contrairement à l’hémisphère nord où les deux types de glace sont présents. La distribution des données AMSR2 SIC1 et SIC0 est présentée dans le TableauIII.2 pour les différentes situations : à noter que certains cas sont moins représentés que d’autres.

Les points de rattachement ont été calculés pour différents types de glace : glace pluriannuelle et glace de première année. Pour différencier le type de glace, nous utilisons le rapport du gradient spectral entre 19 et 37 GHz avec le seuil deBaordo and Geer[2015]. Les résultats sont présentés dans la FigureIII.3. Entre les types de glace, on observe de fortes différences de TBs surtout aux fréquences > 10 GHz. Notez que l’algorithme de type de glace est basé sur les valeurs de TBs, il est donc cohérent qu’il introduit une différence dans la TBglace à 18 et 36 GHz.

La FigureIII.4montre les jacobiens de SIC pour différents cas. Le type de glace intro-duit les plus grandes différences dans les jacobiens, surtout pour les fréquences > 10 GHz. La sensibilité à la SIC est plus grande aux basses fréquences et en polarisation horizon-tale. Les canaux à 1,4 GHz ont une plus grande sensibilité à la SIC mais leur StD est également plus grande ; leur résolution spatiale est également beaucoup plus mauvaise. Il est préférable d’utiliser les canaux à 6,9 ou 10,6 GHz car ils ont une StD inférieure et une plus grande sensibilité à la SIC. Les canaux à 18 et 36 GHz sont également utilisés actuellement pour leur meilleure résolution spatiale même s’ils sont moins sensibles et plus bruyants que les canaux à 6 et 10 GHz.

2.3 Sensibilité de l’estimation de la concentration de glace de mer aux