• Aucun résultat trouvé

La ménopause du moyen âge au XVIIIème siècle:

La ménopause à travers les siècles

4- La ménopause du moyen âge au XVIIIème siècle:

Après la chute de l’empire romain, la médecine européenne va faire appel à la mythologie et au mysticisme, jusqu’en1131, lorsque le Concile de Reims interdit la pratique médicale aux Clergés.

Les véritables progrès en anatomie ont été réalisés au moyen âge. Notamment avec la reprise des dissections, interdites jusque là, en Italie grâce à la loi de Frédéric II.

Quand à la physionomie qui ne bénéficie d’aucune contribution, les croyances de l’antiquité n’ont pas changé et considèrent les règles comme des impuretés.

Parallèlement à cette évolution occidentale, la civilisation arabe, chapeautée par Avicenne (Ibn Sina) l’un de ses plus prestigieux médecins, réalise une synthèse des ouvrages anciens, reprend la théorie de Galien, mais apporte peu d’innovation à la gynécologie, car rapporte R Arnaud (1995), les examens gynécologiques étaient interdits aux hommes, seuls médecins à cette époque.

Le XVIè est le siècle de la « Renaissance médicale ». Vésale (1514-1564) est le premier à utiliser le nom « utérus » pour désigner la matrice. Mais il continue à appeler « testicules femelles » les ovaires. Son contemporain, Fallope, (1523-1562), décrit avec précision les ovaires et les trompes qu’il appelle « tubes utérins ».

Ce mouvement qui a commencé au XVIè se poursuit au XVII è siècle. Régnier De Graaf, fut le premier à décrire, en 1672, les follicules ovariens et le corps jaune. Selon De Graaf, ce sont les ovaires qui produisent les œufs.

32

Ainsi, après les théories lunaires d’Aristote et pléthoriques de Galien, naît la théorie mécaniciste de la menstruation, et avec elle les débuts de la physiologie. Harvey (cité par R. Arnaud 1995) pensait qu’il existe une corrélation entre les fonctions ovariennes et utérines et Maurice Professe, en 1694, que « le sang sert à nourrir l’enfant s’il y a conception et il s’évacue dans le cas contraire ».

Les bases de l’anatomie ayant été fournies au XVIè et XVIIè siècles, ce qui a permis aux auteurs qui ont suivi, de se tourner vers la physiologie. Le début du XVIIIè siècle est encore caractérisé par une vision négative et méprisante du cycle féminin, comme le démontre cette phrase écrite par Dionis en 1718: « la matrice est la plus noble et nécessaire partie de la reproduction ; elle n’en est pas moins un égout par lesquelles les périodes sont évacuées chaque mois. » (Cité par. Arnaud, 1995).

Un bouleversement se produit dans la deuxième moitié du XVIIIè siècle grâce à Astruc en France et Fothergill en Angleterre.

Astruc, 1761, annonce : « le sang menstruel est du sang sain et louable chez la femme bien constituée ». De son côté, Fothergill proclame en 1776 : « la menstruation n’est pas une évacuation de matière morbide et maligne. Sa rétention n’est jamais extrêmement grave car c’est seulement du sang vital ». (Cités par R. Arnaud 1995).

Cependant, malgré tout l’intérêt porté au sang des règles, le cycle génital féminin est encore loin de trouver ses explications.

Qu’en est-il de la ménopause ?

Des hypothèses étaient émises, nous rapportons celles d’Astruc et de Fothergill : Astruc, liait la ménopause à une diminution de la quantité d’ « humeur

lymphatique » de la matrice associée à une rigidité progressive de la paroi des veines utérines, l’arrêt des règles ne peut être considéré comme dangereux.

Pour Fothergill: « les règles cessent lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les vaisseaux utérins se collapsent par degré et ceci sans interruption de la santé ».

Encore une fois, tous les deux vont contredire les idées reçues de leurs

prédécesseurs et c’est grâce à eux que le XVIIIè siècle représente un tournant dans l’évolution des concepts sur la ménopause.

En 1805, le médecin français Jallon, parlait dans sa thèse, des « grands dangers qui précèdent, accompagnent et suivent la cessation de cette fonction ».

Les dangers dont il parle, sont déduits du modèle physiologique galénique, et ont demeuré longtemps et fortement dans la pensée savante jusqu’au milieu du XIXè

33

Le dominicain érudit Albert Le Grand (1978) dans Les secrets des femmes, affirmait que le sang menstruel, dont la fonction est d’éliminer des résidus toxiques, n’est plus éliminé et reste dans l’organisme . Cité dans revue n°24-2001/4 CAIRN par Delanoë. Dans un texte, diffusé dans toute l’Europe, et très lu jusqu’ au XIXe siècle, l’auteur, explique le danger causé par la présence de la femme ménopausée, à son entourage :

« Les vieilles femmes qui ont encore leurs règles et, certaines dans lesquelles elles sont retenues, si elles regardent des enfants couchés dans un berceau, elles leur communiquent du venin par leur regard. La cause de cela, dans les femmes auxquelles elles coulent, vient ce que le flux et les humeurs étant répandus par tout leur corps, offensent les yeux, et les yeux étant ainsi offensés infectent l’air, et l’air infecte l’enfant, suivant le sentiment du philosophe. On demande aussi d’où vient que les vieilles femmes à qui leurs règles ne fluent plus infectent les enfants. On répond que c’est parce que la rétention des menstrues engendre beaucoup de méchantes humeurs et qu’étant âgées, elles n’ont presque plus de chaleur naturelle pour consumer et digérer cette matière, et surtout les pauvres qui ne vivent que de viandes grossières qui y contribuent beaucoup; celles-là sont plus venimeuses que les autres. »

On voit que la dangerosité, de la rétention du sang chez la femme les préjuges populaires de « vieille femme dangereuse pour autrui », la poursuivent jusqu’au XIX siècle.

L’intérêt semble se concentrer sur la menstruation, d’où l’on recense, au XIXe siècle, plus de 200 thèses sur l’irruption des règles, leurs dangers, leur cessation.

Les troubles attribués à la ménopause sont d’une grande diversité. Dans les divers écrits qui lui sont consacrés, la ménopause parait justifier l’expression d’âge critique. Elle marque à la fois la mort d’un organe, l’utérus, perçu comme caractéristique primordiale de la femme, la fin d’un processus, la menstruation, présenté comme régulateur de toute son économie et l’approche de la vieillesse. La ménopause est donc porteuse d’une forte charge symbolique. En perdant la faculté de procréer, la femme se voit tout d’abord, privée de l’extraordinaire pouvoir qu’elle détenait dans la reproduction de l’espèce et la perpétuation des générations. En second lieu, cette perte et les phénomènes de vieillissement qui

l’accompagnent peuvent être vécus selon l’expression de Moreau de la Sarthe (1803) cité par, A.Tiller, 2005, comme une « mort partielle », annonciatrice de la mort naturelle. La femme, enfin, cesse d’incarner les vertus sociales attachées à la maternité et, la procréation étant l’ultime fin du mariage, l’amour même lui devient superflu, (Guyot, 1817 ) précise, que: « Lorsque la mort du sexe est consommée, les femmes n’offrent plus dans leur existence aucun événement, aucunes fonctions qui exigent une direction particulière des facultés et des moyens de la vie : les agitations du cœur et de l’esprit cessent de leur être nécessaires en cessant de leur être utiles ; elles doivent se borner à arrêter le bonheur et à l’empêcher de fuir, en se livrant en paix aux affections durables et aux vertus domestiques ».Théodore Pétrequin (1836) va même jusqu’à décrire la ménopause comme le moment où « la femme, dépouillant

34

peu à peu ses caractères distinctifs, cesse, pour ainsi dire, d’être femme en perdant la faculté de devenir mère »