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La médiathèque André Malrau

Dans le document 37 : Israël (Page 72-74)

L’ouverture à Strasbourg d’une grande médiathèque tête de réseau, envisagée pour la mi-juin, est

une étape déterminante dans une politique de lecture publique mise au service d’un projet social :

décloisonnement et perméabilité en sont les principes directeurs.

Médiathèque André Malraux, vue extérieure (arch. Ibos-Vitart).

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Espaces et architectures

dans ce que l’on appelle « l’archipel culturel », au cœur d’un quartier doté à présent d’une double vocation de cen- tralité, urbaine et culturelle.

> La « silver factory » et son

ruban rouge

Le programme de la médiathèque, mis au point par le Service des bibliothèques en collaboration avec le cabinet Café Programmation , a été soumis comme il se doit, dans le cadre d’un concours de maîtrise d’œuvre. Le cabinet Ibos-Vitart, lauréat, a conçu un projet aux ambian- ces originales et sans concessions. Le béton brut existant a été conservé et valorisé en conservant les « cicatrices » d’un bâtiment industriel qui a vécu. Le

métal sera omniprésent, des banques d’accueil en inox aux rayonnages stan- dard BCI, en passant par les escaliers et caillebotis qui relient l’espace d’accueil aux cinq étages de services publics. Le concept est rigoureux jusqu’à la façade du bâtiment existant aux reflets désor- mais métalliques d’une « silver factory » qui ne laissera personne indifférent. La couleur n’est pas absente des ambiances intérieures, les espaces sont parcourus par un ruban rouge, sorte de fil conducteur, déployé en angles vifs sur les sols, plafonds et… rayonnages de l’entrée au cinquième étage. La partie neuve abrite tous les espaces publics ; elle est complètement vitrée au nord et au sud et profite d’une lumière naturelle abondante et d’une visibilité totale de l’extérieur.

> Sept départements et trois

pôles d’excellence

La médiathèque est structurée en sept départements thématiques où tous les supports sont bien entendu associés. On a voulu favoriser la « perméabilité » et la circulation libre des publics et s’il existe un département jeunesse, il est largement ouvert sur les autres dépar- tements pour les allées et venues des jeunes, mais aussi des adultes. L’offre documentaire, au-delà de l’en- cyclopédisme inhérent aux collections des bibliothèques publiques, déve- loppe particulièrement trois domaines en rapport avec l’identité passée et actuelle de Strasbourg et de la région : les littératures européennes – en raison du rôle institutionnel de la ville dans

ce domaine ; le fonds patrimonial mis à disposition de la médiathèque par la ville de Strasbourg qui en reste le propriétaire – un développement sans nul doute légitime dans une des villes chères à Gutenberg ; l’illustration et l’image – dont la ville est un des viviers de Gustave Doré à Tomi Ungerer, en passant par une école des Arts décora- tifs (ESAD) dont sont issus bon nombre d’illustrateurs de livres pour enfants, formés dans le sillage de Claude Lapointe.

Pour les fonds initiaux, la politique documentaire a été définie en fonc- tion de l’existence à Strasbourg de la Bibliothèque nationale et universitaire (BNU), en ce qui concerne les niveaux d’accès et de ses collections. À l’échelle de la communauté urbaine et des 28 bibliothèques publiques, une politique documentaire commune est incontesta- blement l’un des prochains chantiers à entreprendre.

L’établissement développe bien entendu, un projet qui dépasse le domaine documentaire et les missions traditionnelles du champ culturel, édu- catif et de loisir : un projet social. Dans cette perspective, le document, le livre et l’action culturelle seront quelque- fois réduits au rang de prétexte aux rencontres et échanges entre les habi- tants de toutes générations et cultures. La médiathèque, élevée ainsi au rang d’outil du lien social, ne répond pas à une définition nouvelle mais s’avère de plus en plus indispensable.

Philippe SPECHT Médiathèque André Malraux UN PROGRAMME DE TYPE

POST-BMVR

La médiathèque, sans en avoir le statut, s’inscrit dans la filiation des bibliothèques municipales à vocation régionale, telles qu’il en existe dans les métropoles du pays depuis plu- sieurs années.

• Plus de 18 000 m2 de surface

hors œuvre nette ; surface utile : 11 800 m2.

• 1000 places assises environ ; 102 points d’accès multimédias répartis dans les départements.

• 102 personnes prévues à l’ouver- ture : 85 agents pour la médiathèque, 17 autres affectés au réseau.

• 160 000 documents : 35 000 CD/ DVD, 33 000 livres jeunes, 750 pério- diques en accès libre à l’ouverture. (Un plan de développement prévoit de multiplier par deux ces collections pour atteindre 320 000 documents en 2012.)

• Un fonds ancien et patrimonial encore trop méconnu, celui de la BM de Strasbourg (200 000 livres anciens, incunables et manuscrits) sera mis à disposition à la médiathèque et con- sulté dans la salle du patrimoine.

• Budget d’investissement : 58 mil- lions € environ (construction, équipe- ment et collections comprises).

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tefactory

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Parole(s) d'éditeur

> Jean-Étienne Cohen-Séat,

Calmann-Lévy

Fondée par un Juif alsacien, Michel Lévy, Calmann-Lévy a donné le jour à « une production qui, peut-être plus qu’ailleurs, est très attentive à toutes les question qui tournent autour de la philosophie juive, de l’histoire du sio- nisme, de l’histoire d’Israël ou de la place des Juifs dans le XXe s. »

Les deux noms à retenir dans notre histoire sont ceux de Manès Sperber et Raymond Aron, aux- quels il faut ajouter Roger Errera. Manès Sperber et Raymond Aron, avaient l’un et l’autre connu Robert Calmann- Lévy qui dirigeait la maison avant moi quand il était réfugié à Londres. Ils sont rentrés avec lui à Paris en 1945 et ont redéveloppé le catalogue de la fin des années 1940 à 1980. La création de Calmann-Lévy remonte à 1836, nous avons un catalo- gue extrêmement prestigieux – Flaubert, Alexandre Dumas, Anatole France, Patricia Highsmith, etc. – mais c’est une maison de taille modeste, d’une ving- taine de personnes. Il y a toujours un malentendu : du fait de notre célébrité les gens pensent que c’est une maison beaucoup plus grosse. Nous préférons donc nous concentrer sur la construction et la défense de la notoriété d’un petit nombre d’auteurs et le développement de leurs lecteurs, plutôt que d’ouvrir de nouveaux chantiers. Comme nous avons commencé à publier de la littéra- ture d’Israël au moment où elle n’était pas du tout à la mode, nos auteurs ont

aujourd’hui une grande œuvre derrière eux. Notre choix est donc de laisser à des maisons plus jeunes que nous, comme Actes Sud et Gallimard, la recherche et la défense de la littérature des générations suivantes, postérieures à la création de l’État ou carrément de jeunes auteurs comme Zeruya Shalev, etc. Ce qu’ils font d’ailleurs remarquablement. Nous n’ex- cluons pas du tout de publier des livres d’autres auteurs israéliens, mais il faut bien voir qu’à quelques exceptions près, s’ils ont généralement un très grand écho dans les médias, leurs ventes ne sont pas spectaculaires et même parfois modestes par rapport à la notoriété des auteurs. Les auteurs dont je parle, Amos Oz et Avraham B. Yehoshua, issus de familles venues d’Europe centrale ou d’Europe du sud, sont tous les deux nés en Israël vers 1936, avant la création de l’État, ils ont 70 ans aujourd’hui. Il y avait une bonne correspondance entre leur manière de regarder le monde et l’his- toire de Calmann-Lévy. Il y a là une forte affinité avec des auteurs qui ont gardé des racines intellectuelles ou littéraires dans la littérature européenne même s’ils sont nés en Palestine – à l’époque, ça s’appelait la Palestine. C’est peut-être la caractéristique des auteurs israéliens que nous avons publiés depuis 40 ans. Mais dans le domaine des essais, des documents, de l’histoire des idées, de l’histoire tout court, nous avons une production très importante liée aux questions juives, à l’histoire du sionisme et à l’histoire d’Israël. La collection « Diaspora » notamment, dirigée par Roger Errera, a publié de très grands auteurs israéliens comme Gershom Scholem ou Isaiah Berlin – l’un et l’autre morts aujourd’hui –, mais aussi Moshé Idel qui est un spé- cialiste des messianismes juifs, Amnon Rubinstein, ou des chercheurs ou his- toriens israéliens étrangers sur l’his-

toire du sionisme et l’histoire d’Israël. Notre partenariat avec la Fondation pour l’histoire de la Shoah a donné lieu à une collection co-éditée avec le Mémorial de la Shoah dans laquelle nous avons publié, par exemple, les

Carnets de guerre de Vassili Grossman,

ou Des voix sous la cendre, un livre sur les Sonderkommandos d’Auschwitz qui a eu un très grand retentissement. Pour en revenir à la littérature, je ne la publie pas mais je la lis et je la trouve extrêmement vivante, extrêmement brillante et ça confirme que, dans les pays et dans les langues où il y a des lut- tes importantes, des conflits importants, des batailles importantes, la littérature évidemment est souvent plus vivante, plus vivace, plus musclée que dans les pays qui se sont un petit peu assoupis sur leur confort, et je crois que la litté- rature israélienne d’aujourd’hui est à l’image de ces déchirements, de ces contradictions, de ces batailles, de ces fragilités et de ces contestations, et que ça donne naissance à une littérature qui reflète tout cela et qui est très vivante.

> Michel Valensi,

éditions de l’Éclat

L’Éclat travaille à « départiculariser » Israël, en l’inscrivant dans un terri- toire plus vaste, géographique – la Méditerranée – et culturel, en provo- quant une confrontation directe avec les autres cultures. Ainsi, la présence d’Israël est-elle volontairement diffuse dans le catalogue des éditions.

Aux éditions de l’Éclat, créées en 1985, l’intérêt pour le judaïsme et Israël est permanent au niveau éditorial, mais il n’y a pas de collection proprement consacrée à Israël. Le choix est de faire cohabiter des textes de la tradition hébraïque, musulmane ou occidentale dans les différentes collections. À l’ori-

Dans le document 37 : Israël (Page 72-74)