• Aucun résultat trouvé

Recommandation N°3 :

Mieux appliquer les textes existants et renforcer la loi pour mieux protéger face à certaines formes de cybervio-lences conjugales.

L’analyse des textes existants face aux cyberviolences conjugales (cf. supra, partie 3) montre que la plupart des formes de cybervio-lences conjugales correspondent à des infrac-tions prévues dans la loi. Certains textes ne sont cependant pas spécifiques aux contextes des relations de couple et les preuves peuvent parfois être complexes à mobiliser. Ces textes restent, cependant, encore insuffisamment connus, peu appliqués et devraient être ren-forcés pour une meilleure protection dans certaines situations.

DES TEXTES PEU CONNUS

Concernant l’arsenal législatif existant, la moitié des avocat-e-s interrogé-e-s dans le cadre de cette recherche-action déplore que les textes sur les cyberviolences soient mal connus par les victimes. De manière gé-nérale les professionnel-le-s déplorent leur propre manque de connaissances mais aussi celui des femmes sur leurs droits et la mé-connaissance des recours possibles en cas de cyberviolences. Le délit de violation du secret de correspondance en particulier est très mé-connu, la plupart des femmes pensant qu’il est normal de devoir partager ces historiques d’appels ou ses mails avec son conjoint. Cette méconnaissance explique que peu de femmes déposent plainte pour les cyberviolences

conjugales spécifiquement (29% contre 70%

pour les violences conjugales, cf. supra) alors même que ces formes de violences peuvent plus facilement être prouvées que d’autres formes de violences psychologiques, comme le harcèlement moral. Cette méconnaissance est également en partie partagée par une partie des professionnel-le-s des associations qui aimeraient pouvoir être spécifiquement formé-e-s sur ces sujets.

Recommandation N°3.1 :

La réalisation et la diffusion d’une grande campagne nationale d’information publique présentant des conseils et des ressources juridiques simples face aux cyberviolences dans le couple pourraient permettre aux femmes de savoir qu’elles sont protégées par le droit.

DES TEXTES INSUFFISAMMENT APPLIQUÉS

Les avocat-e-s interrogé-e-s dans le cadre de la recherche-action déplorent également que ces textes qui existent soient peu appli-qués par les magistrat-e-s.

De manière générale, les avocat-e-s constatent que les cyberviolences conju-gales, quelles que soient leurs formes, sont « plus souvent traitées à la légère par les institutions (police et justice) que pour d’autres types d’infractions »61. _

61

Extraits du question-naire « avocats » (ano-nyme). Champ libre.

Recommandation N°3.2 :

Renforcer l’application des textes existants face aux cyberviolences conjugales.

D’après les avocat-e-s interrogé-e-s l’amélio-ration de l’application de la loi passerait par trois actions :

/ Améliorer la prise en charge des vic-times de cyberviolences dans les commis-sariats (brigades de gendarmerie) et renforcer, notamment, les moyens techniques pour mener à bien des enquêtes : « en prenant au sérieux dès le stade de la plainte et en faisant un minimum d’enquête »62;

/ Renforcer les condamnations et systématiser le suivi des agresseurs pour éviter la récidive : il faudrait une « poursuite du Parquet systématique avec de lourdes condamnations avec sursis et obligation de suivi psychologique du harceleur, car tant que le harceleur n'a pas compris ou réalisé l'im-pact grave de ses agissements sur la victime et ses proches […] on constate que le harceleur fait fi des premières décisions même pénales, et la réitération des agissements malgré les peines avec sursis est dévastatrice pour les victimes.»63;

/ Prendre en compte spécifiquement l’impact des cyberviolences sur les en-fants dans les décisions au civil concer-nant l’exercice du mode de garde : les avocat-e-s recommandent par exemple de

« mettre en place des contacts/droits de visite médiatisés pour le père »64 de façon systéma-tique dès que des cyberviolences notamment via les enfants sont exercées dans le cadre de violences post-séparation.

Quelques professionnel-le-s des UMJ (2) re-commandent que les cyberviolences conju-gales soient explicitement inscrites dans la réquisition judiciaire ce qui faciliterait le traite-ment systématique. Mais cela nécessite aussi en amont, un questionnement systématique de la part des policiers et policières.

_ 62

Extraits du question-naire « avocats » (ano-nyme). Champ libre.

_ 63

Extraits du question-naire « avocats » (ano-nyme). Champ libre.

_ 64

Extraits du question-naire « avocats » (ano-nyme). Champ libre.

_ 65

Extraits du question-naire « avocats » (ano-nyme). Champ libre.

DES ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES POUR PRÉVENIR LES CYBERVIO-LENCES CONJUGALES ET PROTÉGER LES FEMMES

Recommandation N°3.3 :

Renforcer l’interdiction de rentrer en contact qui devrait pouvoir aussi s’étendre systématiquement aux outils numériques y compris des enfants, avec des sanc-tions systématiques et rapides en cas de non-respect par le mis en cause.

En effet, on constate que près de 70% des professionnelles associatives ont déjà accom-pagné une femme victime de violences conju-gales pour laquelle le-la juge a prononcé une interdiction de s’approcher pour l'ex-parte-naire, alors que ce dernier cherche encore à rentrer en contact avec elle par téléphone (pour connaître par exemple sa nouvelle adresse), ou indirectement via le téléphone de ses enfants (n=2). Parmi les avocat-e-s qui ont accompagné au moins une femme victime de cyberviolences conjugales au cours des 12 derniers mois, 5 ont rencontré une situation où la femme avait obtenu d’un-e juge une in-terdiction pour son (ex) partenaire de rentrer en contact, alors que ce dernier continuait à la contacter régulièrement via les outils numé-riques, y compris ceux de ses enfants (un cas).

Recommandation N°3.4 :

Faciliter la dissimulation de numéro de té-léphone des femmes victimes de violences conjugales.

Les avocat-e-s proposent que cela soit rendu possible et ce « même sans obtenir d’ordon-nance de protection, ce qui est déjà difficile à avoir »65.

Recommandation N°3.5 :

Renforcer la protection des enfants dans le cadre de violences conjugales post-sépara-tion.

En effet, les enfants peuvent être instrumen-talisés par leur père, qui via les communica-tions téléphoniques ou via les réseaux sociaux, va chercher à obtenir des informations sur la vie privée de son ex-partenaire, comme par exemple sa nouvelle adresse (dans le cas où elle l’aurait cachée par mesure de sécurité).

La récente loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes permet pour la première fois de prendre en compte les enfants co-victimes de violences conjugales : une circonstance aggravante a été ajoutée au délit du harcèlement moral au sein du couple quand il été commis alors qu'un mineur était présent et y a assisté. Il faudrait, cependant, aller plus loin : les cyber-violences exercées via les enfants devraient davantage être qualifiés en droit comme une forme de harcèlement moral dont les enfants sont directement les victimes.

RECOMMANDATION N°4 :

LA FORMATION DES PROFESSIONNEL-LE-S