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La localisation et les repères spatiaux :

PARTIE II : Faire vivre l’espace sans son

3. La localisation et les repères spatiaux :

3.1. Rapport topologiques, et direction sonore :

L’unification perceptive traduit la capacité à associer aux sensations une origine, une place dans l’espace, et une cohérence. Lorsque nous entendons un bruit, nous sommes capables de le localiser, de dire s’il se trouve en haut, ou en bas, ou encore à côté de quelque chose.

La place et la direction qu’occupe l’objet du bruit, définit des rapports topologiques avec les autres objets environnants. Les rapports topologiques sont organisés autour du concept de voisinage et de continuité. Un enfant sera donc capable de dire, si son lit se trouve à côté de sa table de nuit. Le jeune enfant s’appuie tout d’abord sur des repères topologiques pour localiser ce qui se trouve dans son champ perceptif (Boule, 2006). Selon A.Siegel et S.White, trois types de connaissances spatiales existent. C’est lorsqu’un enfant explore de manière répétée un milieu, qu’elles émergent (Jacob et al., 2018) :

- Les points de repères : L’enfant intégrera premièrement, la présence d’une chaise, d’une table d’un obstacle devant lui, comme point de repère.

- Les trajets : C’est le trajet entre deux points de repères, qui sera émergence d’une relation spatiale entre deux objets. Par exemple, l’enfant établira une distance, en allant de sa boîte à jouets jusqu'à son parc. L’action est indissociable de cette connaissance, elle ne peut exister si le corps ne la met pas en forme.

- La configuration : Des points de repères et des trajets, l’enfant organise une carte mentale de son environnement. Les objets seront ainsi, traduits en données topographiques, c’est-à-dire situés les uns par rapport aux autres. Ainsi, l’enfant saura dans une pièce, où se situe son lit, pourra dire si sa boîte à musique se situe en hauteur par rapport à celui-ci.

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Selon C.Sherrington médecin, ces connaissances spatiales se constitueraient autour d’un moment critique : La précurrence. L’objet y sera perçu, recherché, puis localisé à travers tous les sens. L’enfant pourra ensuite agir sur lui. La période de la précurrence, organise le monde au niveau cognitif, c’est en cet instant que se constituent les cartes mentales (Virole, 2018).

Le sonore joue également un rôle dans la construction des repères topologiques. J et M. Postel définissent la dyschronie, comme la différence de temps d’arrivée du son aux oreilles. Si un son se situe à ma gauche, mon oreille gauche le percevra en premier, tandis que la droite l’entendra quelques millièmes de secondes plus tard. La dyschronie permet une localisation latérale de la source (Postel et Postel, 1981). C’est ainsi, que la direction du son pourra être déterminée.

On peut alors, se demander en quelle mesure, l’absence de stimulation auditive affecte la localisation des objets du milieu, et en quoi cela impacte la perception spatiale ?

3.2. Comment la surdité affecte l’unification perceptive :

Valentine, 7 ans. Surdité sévère de l’oreille droite, porte un contour d’oreille.

Lorsque nous entrons en séance, Valentine profite d’un moment où la psychomotricienne a le dos tourné, pour partir se cacher. Elle se positionne alors sur un tapis vert, près de la fenêtre.

Un jeu de cache-cache s’amorce alors : « devine où je suis », s’écrit-elle. La réponse ne tarde pas, « près de la fenêtre ». D’une grande exclamation, elle riposte « Mais non voyons, je suis sur le tapis vert ! ».

Ici, Valentine, ne traduit pas l’espace en une seule et même unité représentative, elle n’arrive pas à mettre en lien, deux informations spatiales simultanées. Cette non unification peut se retrouver chez l’enfant porteur de déficience auditive. Même si certaines plages sonores peuvent être préservées, lorsque le son est diminué et distordu, en distinguer une information porteuse de cohérence s’avère compromis.

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Les sons vont engager une recherche visuelle, sur laquelle le corps va s’appuyer pour se diriger dans l’espace. Cependant, où engager son corps si l’on ne sait pas d’où provient le son ? Fondamentalement, la précurrence s’appuiera alors sur le tactile, le vibratoire, et le visuel, pour créer ses cartes mentales. Par exemple, pour un objet tombant au sol, le bruit ne sera pas nécessairement bien perçu. Mais l’appel vibratoire permettra une orientation du corps.

Cependant, pour certains sons émis, l’absence de concomitance sensorielle pour suppléer, peut engager l’enfant dans une incompréhension de la situation. De même, en fonction de la nature de l’appareillage, l’enfant pourra avoir des difficultés à se localiser vis-à-vis de la source. Par exemple, pour un sourd implanté de l’oreille droite, un son provenant de gauche, peut donner l’impression qu’il vient du côté appareillé (Cajal, 2013). Ainsi, orienter son corps pour appréhender le milieu, sans clairement avoir défini l’origine de la source, s’avéra complexe. L’appréhension de l’espace par trajet, pourra s’en trouver atteinte.

On peut supposer, pour le cas de Valentine, que celle-ci, par absence de localisation de la source sonore, n’a pu mettre en place une recherche visuelle efficiente, pour engager son corps dans l’espace. Par conséquent, les connaissances spatiales par trajet et par repères ont pu être amoindries, compromettant la perception de la configuration spatiale, comme un tout unifié. Cette situation met en évidence sa difficulté à prendre en compte deux informations spatiales simultanées pour en avoir une représentation globale.

De cette difficulté pourra en émerger des difficultés attentionnelles. C’est-à-dire, se fixer sur une information en prenant en compte toutes les autres.

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