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Le rôle du maître

C) La littérature : à la croisée de l’individu et de l’universel

1) La littérature pour se (re)vivre à bonne distance

La littérature de jeunesse, en tant qu’art véhiculant des images et de l’imaginaire, ne pourra donc être considérée, dans notre travail, que comme un lieu de rencontre entre l’œuvre et le lecteur. Mais, on se rappelle que cette littérature est aussi reliée à d’autres œuvres et à l’époque dans laquelle elle apparaît. Elle est donc, en plus d’être une actrice participant d’une relation avec un lecteur à un moment donné, un espace transitionnel, un passeur dévoilant une anthropologie des secrets humains. On est alors en droit de se demander comment une œuvre est susceptible de résonner chez un individu ayant un passé s’actualisant dans un présent censé préparer un avenir. Et comment une œuvre véhiculant un matériel anthropologique, est- elle susceptible de faire grandir l’espèce humaine à travers les individus qu’elle rencontre ? Ces apports viendront nourrir nos choix d’œuvres et leurs analyses littéraires lorsqu’il s’agira d’imaginer une méthodologie apte à mettre à l’épreuve notre problématique.

Cette partie concerne la rencontre singulière entre une œuvre et un individu. La théorie de Michel Picard représente un point de départ intéressant pour comprendre les enjeux d’une

74 telle rencontre qui met en jeu différentes instances: il y aurait premièrement le lu1 (le playing

ou jeu sans règles) qui serait du côté « de l’abandon, des pulsions plus ou moins sublimées, des identifications, de la reconnaissance et du principe de plaisir2 ». C’est, autrement dit, la partie du lecteur pleinement prise par l’illusion référentielle et teintée de narcissisme. Elle réagit pulsionnellement, sur le mode émotionnel, s’identifie aux personnages, se projette dans l’univers fictionnel, introduit ses propres références dans le récit. Il faudra donc s’attendre à rencontrer cette dimension lorsque nous confronterons les élèves aux œuvres choisies. Nous faisons d’ores et déjà le pari qu’elle représentera d’ailleurs un levier important pour permettre d’entrer dans l’œuvre et de l’interroger. Il ne faudra donc pas la considérer comme une manière inférieure d’appréhender l’œuvre. Néanmoins, elle ne devra pas être la seule dimension sous peine de rester à un niveau archaïque de plaisir immédiat sans possibilité d’interroger sa propre réalité. Justement, dans la théorie de Picard. Il y aurait aussi le lectant3

(le game ou jeu à règles). Ce serait « la partie du lecteur qui pense, réfléchit, prend du recul par rapport au texte, perçoit les règles du jeu littéraire4 ». Mais alors, que doit privilégier

l’école ? Privilégier le lu reviendrait à ne plus poursuivre d’objectifs, à laisser l’imaginaire errer dans un monde supposé sans règles. La réception de l’œuvre deviendrait d’ailleurs complètement imprévisible. A l’inverse, favoriser le lectant reviendrait à nier l’enfant affectif avec toutes les conséquences décrites par Boimare. Pour dépasser cette dichotomie, Picard défend l’idée qu’une troisième instance intervenant dans la rencontre entre un lecteur et une œuvre, le liseur, qui servirait d’intermédiaire aux deux autres, conscient d’être dans le réel tout en établissant un pacte de lecture particulier avec la fiction. C’est donc le liseur5 que

l’école doit viser. Si l’on extrapole cette notion à ce que la psychanalyse nous a appris, nous dirions que le liseur est cet espace personnel et transitionnel qui forme les compromis entre le

ça et le surmoi en vue d’un assouvissement (nécessairement) partiel du désir et la (toute aussi

nécessaire) prise en compte des règles du vivre ensemble et de ses normes et obligations. Nous retrouvons donc nos idées précédentes qui stipulaient qu’un enfant doit avoir pleinement conscience qu’il ne peut accéder à l’objet supposé de sa jouissance (le liseur sait que ce n’est qu’une fiction) mais que néanmoins nous devons donner droit de cité à ses

1 Picard, M. (1986). La lecture comme jeu. Essai sur la littérature. Paris : Editions de minuit, p. 112 2 Loc. Cit.

3 Loc. cit. 4 Loc. cit. 5 Loc. cit.

75 mouvements affectifs (le liseur peut se projeter à bonne distance dans la fiction pour vivre les (més)aventures du héros par procuration).

D’ailleurs, Serge Boimare, après avoir fait le constat de ce qu’il nomme la peur d’apprendre, a tenté de comprendre pourquoi telle ou telle œuvre agissait sur le lecteur, résonnait en lui. Car en effet, ce pédagogue psychanalyste a remarqué que choisir un support littéraire et le proposer à des enfants en grandes difficultés affectives et scolaires permettait à ces derniers d’entrer dans les apprentissages de manière bien plus efficace. Mais il n’utilise pas n’importe quelles œuvres. Selon lui, il faut que le support permette aux questions angoissantes et aux inquiétudes des enfants d’avoir droit de cité. En ce sens, il s’agit de prendre en compte le lu de Picard. Il faudra néanmoins que ces représentations angoissantes soient contenues dans un registre symbolique, imagé dans une métaphore qui les mettra en forme et les atténuera. C’est le lectant qui est ici visé en ce sens que la pulsion régie par le simple principe de plaisir devra être mise à distance, contenue dans un registre symbolique. De cette mise à distance pourra naître le raisonnement. D’ailleurs, Boimare indique que le récit devrait offrir au lecteur dans le même temps un fil pour s’en éloigner et aménager un cadre où le passage à l’abstraction et à la règle devient possible. On retrouve ici la formation de compromis du liseur.

Ces considérations générales amènent à comprendre par déduction que certaines œuvres, soit trop « aseptisées », soit pas assez pourraient provoquer chez le lecteur une posture qui empêcherait d’entrer dans l’œuvre voire pire, qui déclencherait des réactions peu souhaitables. Cela pose donc en négatif la question du « dosage » entre les différentes instances. Boimare met justement en garde en indiquant que si le support doit être chaud1, il ne doit jamais être brûlant2 sous peine de risquer des débordements affectifs qui ne feraient qu’empirer les choses. Pour éviter ces débordements, l’auteur propose alors deux orientations qui constitueront notre point de départ pour répondre à cette nouvelle question : qu’est-ce qu’une œuvre littéraire chaude mais non brûlante ?

Ainsi, premièrement, selon lui, le thème qui sert de support au travail doit être à distance dans le temps et dans l’espace si l’on souhaite que la représentation qu’il offre soit négociable par la pensée tout en évitant de ramener de manière trop visible l’angoisse sur la

1 Boimare, S. L’enfant et la peur d’apprendre. Op. cit. p. 127 2 Loc. cit.

76 scène de la vie psychique de l’enfant. Deuxièmement, cette représentation ne pourra prendre effet que si le cadre dans lequel elle est utilisée est maintenu rigoureusement. On retrouve ici le rôle du maître qui se porte garant des règles. Ainsi, on comprend qu’essayer de prédire une rencontre entre une œuvre et un individu n’est possible qu’en prenant en considération la présence d’un tiers, ici le maître qui, pourrait-on dire, serait une sorte de liseur externe sur lequel l’élève pourrait prendre appui pour négocier le sens de l’œuvre, laquelle deviendrait alors une véritable médiation culturelle telle que décrite par Boimare lors d’une conférence :

« Alors où aller chercher ces représentations qui peuvent être porteuses d’émotions, qui vont permettre de côtoyer les craintes sans pour autant en arriver à l’explosion ? Je dirais tout simplement dans notre culture, ce patrimoine culturel que nous avons aussi le devoir de transmettre aux générations qui montent, est pleine de ces histoires qui mettent en scène, qui mettent des mots sur toutes ces angoisses, sur toutes ces interrogations vives que certains, et particulièrement ceux qui sont violents, ne peuvent voir qu’à travers le miroir déformant d’un imaginaire pauvre et trop cru, d’un imaginaire qui n’a pas les moyens d’être un support pour une pensée véritable et que nous devons nous efforcer d’enrichir. Quelquefois les images portées par les textes sont aussi très crues, pleines de violence, surtout quand il s’agit des mythes fondateurs de nos civilisations. Nous hésitons à les utiliser, mais il faut savoir qu’elles ne font que proposer une forme, donner une cohérence à des émotions qui de toute façon seront présentes, qui vont enfin pouvoir être côtoyées sans que cela débouche sur l’explosion. Quand elles sont données dans un cadre rigoureux, avec des adultes qui comme Eurysthée sont garants des repères et des lois, ces enfants peuvent alors entrer dans un scénario pour approcher leurs craintes, un filtre pour porter un regard sur leur monde intérieur ; alors le vécu assigné au corps se modifie. Les mythes, les contes, toute une partie de notre littérature, peut-être aussi notre peinture, notre musique, sont pleins de ces histoires qui ont traversé les âges, qui sont venues traduire, représenter, organiser les inquiétudes, les craintes, de ceux qui nous ont devancés ».

Finalement, Boimare pense la culture apte à (ré)inscrire l’enfant dans le flot d’humanité auquel il a droit. C’est ce qui a fait dire à Nathalie Prince, citant Platon : « Le mythe naît là où l’étonnement est si fort que la raison ne peut plus être soulagée1. » Nous

retrouvons également les dires de Nussbaum lorsqu’elle préconise le retour des humanités

1 Platon. (315 avant J.-C.). La République. In Prince, N. & Servoise, S. (2015). Les personnages mythiques dans

77 dans le but de développer un imaginaire sain et seul capable de former le futur citoyen et homme. C’est enfin l’idée directrice de Meirieu qui indique qu’ « éduquer un enfant, c’est l’aider à se donner un récit plausible de son passé, une représentation de son présent et une anticipation possible de son futur1. »

L’apport de Boimare concernant les exigences que l’on doit avoir lorsqu’on choisit une œuvre à présenter aux enfants peut et doit être complété afin de comprendre plus en détail ce qu’est une œuvre chaude. En somme, il s’agit de se demander comment une œuvre peut à la fois résonner chez le lecteur en donnant droit de cité à son imagination, ses émotions, ses pulsions tout en permettant une négociation du sens. En termes psychanalytiques, c’est la question du psychisme humain en développement et son fonctionnement qui est posé : quelles situations, même fictives, seraient à même de déborder ou non l’enfant et pourquoi? Finalement, quels sont les critères nécessaires pour favoriser la stimulation du liseur ?

Bruno Bettelheim s’est intéressé à ces questions. Voici, en préambule, ce à quoi la littérature de jeunesse doit s’attacher selon lui :

« Pour qu’une histoire accroche vraiment l’attention de l’enfant, il faut qu’elle le divertisse et qu’elle éveille sa curiosité. Mais pour enrichir sa vie, il faut en outre qu’elle stimule son imagination ; qu’elle l’aide à développer son intelligence et à voir clair dans ses émotions ; qu’elle soit accordée à ses angoisses et à ses aspirations ; qu’elle lui fasse prendre conscience de ses difficultés tout en lui suggérant des solutions aux problèmes qui le troublent. Bref, elle doit, en un seul et même temps, se mettre en accord avec tous les aspects de sa personnalité sans amoindrir, au contraire en la reconnaissant pleinement, la gravité de la situation de l’enfant en lui donnant par la même occasion confiance en lui et en son avenir2. »

Sa Psychanalyse des contes de fées paraît aux Etats-Unis en 1976, sous le titre original : The uses of enchantment, qu'il faudrait traduire plus littéralement par : Du bon usage

du merveilleux. Ce titre fait écho à celui de la première partie de l'ouvrage : De l'utilité de l'imagination. Par là est affirmée la perspective de Bettelheim, qui est un clinicien: les contes

sont faits pour être racontés aux enfants comme des remèdes, et cela sans qu'il soit nécessaire de les expliquer, car ils agissent sur l'inconscient des enfants. Dans son introduction, l’auteur met en garde les adultes contre la tentation didactique, car le fait d'expliquer ferait perdre au conte une partie de cette force d'enchantement :

1 Meirieu, P. Comment aider nos enfants à réussir. A l’école, dans leur vie, pour le monde. Op. cit. p. 34 2 Bettelheim, B. (1976). Psychanalyse des contes de fées. Paris : Pluriel, p. 15

78 « Les interprétations des adultes, aussi judicieuses qu'elles puissent être, privent l'enfant de l'opportunité de sentir qu'il a, de lui-même, en entendant plusieurs fois l'histoire et en la ruminant, réglé une situation difficile. Nous évoluons, nous donnons un sens à la vie, nous découvrons la sécurité intérieure en comprenant et en résolvant tout seuls nos problèmes personnels et non pas en écoutant les explications des autres1. »

Cette première remarque donne une indication sur la posture que devrait tenir l’adulte face à la rencontre entre un enfant et une œuvre. En effet, une posture purement didactique où il s’agirait de dévoiler un seul et unique sens de l’œuvre est à bannir car cela placerait l’enfant à une place qui lui empêcherait d’emblée l’accès à l’autonomie de penser, ce qui pourrait avoir pour conséquence l’émergence de l’angoisse, le moi réagissant à cette remise en cause identitaire. Ainsi, une littérature chaude, pour qu’elle enrichisse le lecteur, doit le laisser seul sans l’abandonner.

Outre cette exigence de posture, Bettelheim a également étudié la réception des thèmes véhiculés par les enfants. Ainsi, il a étudié soixante-et-onze contes de Grimm et Andersen. La plupart décrivent la sortie du complexe d’Œdipe se référant ainsi très clairement à la théorie freudienne. Plus généralement, à travers plusieurs contes populaires tels que Blanche-Neige2 ou La Belle et la Bête3, Bettelheim analyse le contenu psychanalytique des contes pour enfants, s'attachant en particulier à décrire des thèmes comme la rivalité fraternelle, la crainte de l’abandon, l’angoisse de morcellement... Il montre comment ces contes répondent aux angoisses des enfants en les informant sur les épreuves à venir et les efforts à accomplir avant d'atteindre la maturité. Il met en perspective différentes versions des contes et montre quelles sont celles qui correspondent le mieux à la structuration psychologique de l'enfant. Ainsi, telle version des Trois petits cochons4 permet au jeune enfant d'intégrer la nécessité, pour grandir, de passer du principe de plaisir (régi par la prévalence du monde imaginaire, de la toute- puissance infantile) au principe de réalité (régi par les contraintes de la vie quotidienne, liées à la socialisation), ce que ne permettent pas, d'après Bettelheim, d'autres versions. En somme, sa démarche intéresse notre propos qui s’attache à comprendre ce qui peut ou ne peut pas déborder affectivement un enfant face à ce qui est véhiculé par une histoire. Plus globalement, il rappelle l’importance des thèmes latents traités par les fictions.

1 Ibid. pp. 30 - 31

2 [Anonyme]. (1812) Blanche-Neige. Conte recueilli par Jacob et Wilhelm Grimm

3 [Anonyme]. (1757). La Belle et la Bête. Conte recueilli par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont 4 [Anonyme]. (1843). Les trois petits cochons. Conte recueilli par James Orchard Halliwell-Phillips

79 Ainsi, par exemple, si l’on se réfère à la partie consacrée à l’étude du Petit Chaperon Rouge, l’on se rend compte que Bettelheim établit un lien entre l’histoire du trio que forment la petite fille, la mère(-grand) et le loup (symbole du mâle, donc du père) et le complexe d’Œdipe (la petite fille qui veut inconsciemment éliminer sa mère et prendre sa place dans le lit du père). Il soulève en effet une question cruciale : le Petit Chaperon Rouge a-t-elle tout fait pour que le loup mange la grand-mère ?

« Même un enfant de quatre ans ne peut s’empêcher de se demander où le Petit Chaperon Rouge veut en venir quand elle répond aux questions du loup et lui donne tous les détails qui lui permettront de trouver la maison de l’aïeule. A quoi peuvent bien servir ces renseignements, se demande l’enfant, si ce n’est à permettre au loup de trouver facilement son chemin ? Seuls les adultes persuadés que les contes de fées n’ont aucun sens peuvent ne pas voir que l’inconscient du Petit Chaperon Rouge fait tout ce qu’il faut pour livrer la grand-mère1. »

Mais la grand-mère aussi est responsable. En effet « elle renonce à son pouvoir de séduction sur les hommes et le transfère à l’enfant en lui offrant un bonnet rouge trop joli2. »

Ainsi, il peut conclure que la vraie leçon du conte (malgré ce que dit Perrault) concerne la construction de la sexualité. Il la résume ainsi :

« Le danger qui menace la petite fille, c’est sa sexualité naissante, car elle n’est pas encore assez mûre sur le plan affectif. L’individu qui est psychologiquement prêt à vivre des expériences sexuelles peut les maîtriser et s’enrichir grâce à elles. Mais une sexualité prématurée est une expérience régressive, qui éveille en nous tout ce qui est encore primitif et menace de nous déborder. La personne immature qui n’est pas encore prête pour la vie sexuelle (…) croit qu’elle ne peut triompher en matière sexuelle qu’en se débarrassant de ses rivaux plus expérimentés, comme le fait le petit Chaperon Rouge en donnant au loup des indications précises qui lui permettront d’aller chez sa grand-mère. Mais en agissant ainsi, elle montre son ambivalence. Tout se passe comme si elle disait au loup : « Laisse-moi tranquille ; va chez grand-mère, qui est une femme mûre ; elle est capable de faire face à ce que tu représentes ; pas moi3. »

Cette deuxième remarque donne plusieurs indices concernant notre thèse : en effet, l’on y apprend que tout l’intérêt d’une histoire bien choisie réside en ceci qu’elle possède

1 Ibid. p 258 2 Loc. cit. 3 Ibid. p. 260

80 plusieurs niveaux d’interprétation qui se chevauchent, co-existent. Bettelheim va même plus loin lorsqu’il utilise le terme d’ « ambivalence » en indiquant de la sorte que ces diverses lectures demeurent parfois antagonistes, le petit Chaperon Rouge étant à la fois intéressée par la chose sexuelle tout en la repoussant dans un même mouvement incarné par l’aïeule, attirante et repoussante à la fois. De ces contradictions naît la possibilité de réfléchir tout d’abord à sa propre histoire mais aussi à cette grande question de la sexualité. On retrouve à nouveau les caractéristiques relevant du seul individu et celles liées aux grandes questions humaines, les secondes atténuant l’angoisse potentielle émanant des premières tout en permettant de la transcender. En effet, grâce à l’ambivalence de l’œuvre, l’enfant en vient à s’éloigner de l’urgence de son immédiateté pour se diriger vers le concept, lequel permet d’enrichir et d’apaiser l’égocentrisme. En somme, une œuvre se doit d’éviter l’émergence de l’angoisse et pour cela, elle doit donner du grain à moudre au liseur de Picard en le mettant au contact d’une ambivalence à même de faire naître une réflexion. Cela dit, les enfants d’âge scolaire, même s’ils se posent de nombreuses questions, n’ont pas encore accès à tous les enjeux auxquels ils seront confrontés par la suite. Est-ce à dire qu’il faille proposer uniquement des œuvres mettant en scène les enjeux connus des enfants tout en sachant que, comme le rappelaient Boimare et Bettelheim, proposer une histoire aseptisée, au sens donné d’avance aurait tendance à voir émerger l’angoisse chez les plus vulnérables ?

Pour apporter des éléments de réponse à cette interrogation, il est possible de s’appuyer sur l’analyse que fait Bettelheim de la scène où le Petit Chaperon Rouge se retrouve au lit avec le Loup. En effet, l’auteur nous apprend :

« A un niveau différent d’interprétation, on peut dire que si le loup ne dévore pas le Petit Chaperon Rouge immédiatement, c’est parce qu’il veut d’abord être au lit avec