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Nous avons vu précédemment que le concept de reterritorialisation dans la première phase de l’œuvre scliarienne, qui va de A Guerra no Bom Fim (1972) jusqu’à O Centauro no jardim (1980), subissait un progressif affaiblissement. Ainsi, les contours visibles de la reterritorialisation de l’espace allégorisé du shtetl dans A

Guerra no Bom Fim s’effacent dans les romans postérieurs au fur et à mesure que les

différents lieux de la mémoire juive, symbole d’idéologie socialiste et d’esprit messianique ne trouvent pas leur place dans l’espace brésilien. Cet affaiblissement du phénomène de la reterritorialisation atteint le sommet lorsque les personnages ne sont plus capables de comprendre les motifs de leurs déplacements, à l’instar de Raquel d’Os Deuses de Raquel ou encore de Guedali d’O Centauro no jardim. Leur incapacité à comprendre leur souffrance les empêche également de rêver aux lieux primordiaux et de donner un sens à leur vie.

En effet, ces personnages suivent la trajectoire normale de descendants d’immigrés, vivant dans un « entre-deux » où, d’une part, l’attraction de l’assimilation à la culture dans laquelle ils sont nés, et d’autre part, l’effort de sauvegarde de leurs racines juives, créent des tensions tellement fortes qu’ils sont incapables de s’enraciner complètement dans ces deux cultures. De fait, le résultat ne peut être autre qu’une incessante déambulation entre les deux rives avec lesquelles ils sont censés garder leurs distances.

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Cet état de déambulation, de migration et d’exil, comme nous l’avons vu au début de ce chapitre, est tout de même un élément essentiel intégrant de l’identité juive. Nous pourrions croire que, en se déplaçant, les personnages juifs scliariens répètent les gestes du patriarche Abraham passant ainsi d’une rive à l’autre. Mais jusqu’ici, ce n’est pas le cas. Le déplacement d’Abraham est le résultat d’une invocation divine et, en ce sens, il correspond à une mission ayant comme but final l’arrivée à Canaan, lieu de constitution du Peuple Élu. Si pour Mayer Guinsburg, Benjamin ou encore les personnages juifs d’A Balada do falso messias le but final était encore envisageable malgré leurs désillusions, pour d’autres, tels que Raquel et Guedali, ce but final n’existe pas, et c’est pourquoi leur déplacement est dépourvu de sens, prenant la forme d’une déambulation aveugle. Ne se sentant pas investis d’un rôle missionnaire, ils ne créent d’assises nulle part, ce qui les empêche finalement de jouer le rôle de « passeurs culturels ».

Cette notion de « passeur culturel » fait partie intégrante d’une éthique juive selon laquelle le juif est censé respecter les règles de vie que la tradition lui prescrit tout en sachant s’ouvrir aux cultures qui l’entourent189. Il nous semble que lors de la continuité du projet romanesque scliarien, cette éthique juive a fortement touché notre écrivain, à tel point qu’il s’est rendu compte que sa judéité pouvait être mise au service d’une meilleure compréhension de la société dans laquelle il vivait. Cela ne veut pas dire que dans sa première phase, Moacyr Scliar était indifférent à la société brésilienne, car bien que l’atmosphère fantastique soit omniprésente dans ses récits, elle est tout de même ancrée dans un contexte historique brésilien clairement défini.

Toutefois, cet espace brésilien était relégué au second plan par rapport à la complexité psychologique, marquée par la schizophrénie de personnages hybrides, partagés entre deux mondes. Vivant dans un « entre-lieu », ils risquaient même d’évoluer vers le « hors-lieu », tellement leur état perturbé les empêchait de se raccrocher aux lieux primordiaux ou de construire un espace hybride, dans lequel les valeurs des cultures juive et brésilienne puissent coexister de façon harmonieuse.

Au risque de cultiver l’espace du « hors-lieu », caractérisé par une aliénation profonde, Moacyr Scliar propose dans la deuxième phase de sa production littéraire à

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thématique juive, le maintien d’un « entre-lieu » d’autant plus défini que nous pouvons l’envisager comme un projet hybride judaïco-brésilien190

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Cette deuxième phase révèle au monde la maturité d’un écrivain, conscient de sa double identité, et désireux, non seulement de mettre en valeur, mais surtout sur un pied d’égalité les deux cultures dont il est issu. Ce choix personnel de donner plus de visibilité à la culture brésilienne et juive inscrit Moacyr Scliar dans la lignée juive des « passeurs culturels » qui contribuent à la compréhension de la société dans laquelle ils sont enracinés physiquement et émotionnellement, portant sur elle un regard juif.

Il faut souligner que ce projet hybride judaïco-brésilien n’a pu se faire que lorsque le Brésil est devenu dans la fiction scliarienne non seulement un espace d’enracinement physique, mais aussi émotionnel pour les personnages. En revisitant la biographie de l’écrivain, ce lien affectif avec sa terre natale nous semble évident, car, pendant sa jeunesse, Moacyr Scliar a pu choisir entre vivre en Israël ou au Brésil. Il a finalement choisi le Brésil pour ne pas se détacher de sa famille, de ses amis et de tout un cadre de vie dans lequel il se plaisait.

En assumant ce choix de s’installer définitivement sur la « terre incognita », le Brésil devient la « Terre de Promission191 », au même titre que la « Terre Promise », non pour tous les membres du Peuple Élu, mais tout simplement pour ceux qui sous les tropiques se sont installés, ou même pour ceux qu’y sont nés. Dès lors, l’enracinement physique et émotionnel éprouvé par la communauté juive brésilienne revêt un sens de pérennité. Toutefois, cette pérennité qui inscrit cette communauté dans le présent et dans l’avenir de la réalité brésilienne ne peut être légitimement acquise que si l’on tient compte de l’importance du rôle de l’élément juif dans la constitution même de l’identité brésilienne.

Le roman A Estranha nação de Rafael Mendes (1983) inaugure cette nouvelle phase de la production scliarienne. L’écrivain comprend que son sentiment d’enracinement émotionnel ainsi que la pérennité de la communauté juive au Brésil sont des faits indéniables. Il comprend également que sa contribution à faire du

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Nous pensons ici aux romans A Estranha nação de Rafael Mendes (1983), Cenas da vida

minúscula (1991), A Majestade do Xingu (1997), A Mulher que escreveu a Bíblia (1999), Na noite do ventre, o diamante (2005), Os Vendilhões do Templo (2006) et Manual da paixão solitária (2008).

191 Nous soulignons la différence entre Terre de Promission, c’est à dire un espace de réussite, et Terre Promise, investie d’une dimension spirituelle.

Brésil un espace légitime de continuité de la saga juive dans la diaspora peut être encore plus incisive si l’on remonte loin dans le temps, localisant le juif comme l’élément fondateur de l’identité brésilienne, au même titre que les Portugais, les Noirs et les Indiens. Comme la culture et l’identité ashkénazes dans le pays diminuait à l’épisode de l’immigration récente, n’ayant pas influencé la fondation de la culture nationale, le moyen trouvé par Moacyr Scliar fut de promouvoir, à l’instar du projet romantique brésilien, un retour aux origines, localisant cette fois-ci non pas la « présence fondatrice » des Indiens, mais plutôt celle des nouveaux-chrétiens parmi le futur peuple brésilien.

Ainsi, dans A Estranha nação de Rafael Mendes, Moacyr Scliar examine du point de vue fictionnel ce qu’il y aurait de juif dans la formation ethnique et culturelle du peuple brésilien, récupérant par une voie oblique – car négligée par l’historiographie officielle – l’importance des nouveaux-chrétiens en tant que premiers colons qui ont occupé le sol brésilien.

À l’image des romantiques qui ont vu chez l’Indien idéalisé le héros approprié autour duquel on construirait le mythe fondateur de la nation brésilienne, Moacyr Scliar introduit le juif, dans le but non seulement de conserver la mémoire de cet épisode de l’Histoire, mais aussi de la réécrire, soulignant une progressive identification de l’élément juif à l’élément indien. S’emparant de mythes diasporiques et « haggadiques » qui ont toujours peuplé l’imagination juive, comme le destin méconnu des dix tribus perdues d’Israël et la fondation de colonies par des marins et descendants du roi Salomon, Moacyr Scliar transforme le juif dans le premier élément de l’identité brésilienne, puisque les Indiens brésiliens descendraient des juifs de l’Antiquité.

Ce retour aux origines de la constitution du peuple brésilien est également accompagné d’un élargissement temporel de l’Histoire juive qui ne se limite plus aux lieux de la mémoire juive évoqués dans le contexte de l’immigration au Brésil, tels que les bourgades juives d’Europe Orientale ou les idéaux socialistes et messianiques en Israël. Dans une dimension temporelle qui remonte à 4 000 ans, allant de 783-734 av. J.C. jusqu’au 17 novembre 1975, l’écrivain reconstitue par le biais de son imagination les principaux épisodes de l’Histoire juive, commençant par l’aventure de Jonas à l’intérieur de la baleine pour ensuite placer les nouveaux-chrétiens dans les principaux épisodes de l’Histoire brésilienne, tels que la découverte de la future

colonie portugaise, la Guerre dos Palmares du XVIIe siècle, l’Inconfidência Mineira (1789) et les scandales de corruption politique et économique de la dictature militaire des années 1970.

Dans Cenas da vida minúscula (1991), le narrateur pose également la question de l’origine du peuple juif ainsi que sa quête d’identité à travers la mémoire. L’action romanesque dure moins de vingt-quatre heures, période durant laquelle le protagoniste Baixinho, en attendant sa copine Glória, réalise un effort mnémonique dans le but de se souvenir de son peuple minuscule ainsi que de son ascendance la plus lointaine. Pour ce descendant du roi Salomon, né en pleine forêt amazonienne grâce à l’obsession du sorcier juif Habacuc de créer un homme, l’histoire de son arbre généalogique part des années 1980 et remonte jusqu’à l’Antiquité. À l’image d’A Estranha nação de Rafael Mendes, ce récit revisite les lieux de la mémoire juive séfarade de l’Europe du XVIe

siècle où la magie et l’alchimie se développaient parallèlement aux progrès scientifiques et aux découvertes maritimes, pour atteindre sa dernière destination : la forêt amazonienne.

Comparant la dimension spatiale de ces deux romans, nous observons que le retour aux origines effectué par Rafael Mendes et Baixinho ne se limite pas à un projet d’enracinement de la culture juive sur le territoire brésilien, car le recul dans le temps dépasse largement l’Histoire moderne du Brésil pour s’établir dans l’Antiquité, à l’époque de la constitution du Peuple Juif. À travers un voyage vertigineux dans l’espace et dans le temps, Moacyr Scliar met à l’épreuve son identité hybride créant sans cesse un espace de dialogue, d’interaction et très souvent de fusion entre les Histoires juive et la brésilienne qui commence par un long voyage d’introspection des protagonistes en quête de leurs racines. Ce voyage représente un élément moteur propice à l’élargissement des contacts culturels, politiques et idéologiques. Il en résulte une expérience de vie plus enrichissante que la mobilité limitée au régionalisme de Porto Alegre de sa première phase.

Par ailleurs, les similitudes entre les deux romans ne se réfèrent pas seulement à l’élargissement temporel par le biais de la thématique du voyage. Autant dans A

Estranha nação de Rafael Mendes que dans Cenas da vida minúscula, l’effort

mnémonique des protagonistes prend la forme d’un voyage aquatique, à l’image d’une plongée :

Abre o primeiro caderno. Mergulha na leitura como o profeta Jonas no mar revolto. No ventre do tempo, viaja célere como o profeta dentro do peixe, ruma a um destino que desconhece192.

Mergulho em águas profundas, águas em que mal penetra a luz do dia. Como esses mergulhadores que procuram restos arqueológicos de antigas embarcações, estou em busca do passado193.

Ce n’est pas par hasard que ce voyage prend sa source dans le milieu aquatique. Les « grandes eaux », selon l’Encyclopédie des symboles, constituent le symbole de l’archétype de la Mère et également de l’inconscient le plus profond. Elles sont pourtant le réservoir de toutes les énergies et de toutes les capacités de création. Si on lui reste extérieur, mais qu’on est en relation profonde avec elle, elle occupe calmement la place qui est la sienne ; elle constitue alors, comme c’est souvent le cas dans les contes, la véritable « eau de vie194 ».

Ainsi, Rafael Mendes et Baixinho, tout en étant fixés dans les espaces respectifs de Porto Alegre et de São Paulo, peuvent s’aventurer dans un voyage imaginaire qui leur promet d’aller jusqu’à la source, jusqu’à leurs origines les plus lointaines. De plus, le symbolisme du milieu aquatique va au-delà de la quête d’une source mère, puisque le mouvement des eaux permet également la réalisation de constantes traversées. L’océan constitue ainsi un milieu fluide capable d’amener les passagers sur l’une ou l’autre rive. Il rend plus facile le dépassement des frontières et invite à découvrir d’autres « Terres de Promissions » dont le Brésil, qui se présente aux yeux des ancêtres juifs comme le lieu utopique par excellence vers lequel ils aimeraient se diriger.

Ce voyage qui commence dans la mer et qui s’élargit dans le temps n’est à aucun moment aléatoire, car dans la reconstitution du passé, l’écrivain essaie de suivre une linéarité historique qui touche sa fin sur le territoire brésilien. Comme l’affirme Baixinho :

Não se trata, porém, de pesquisa científica e muito menos mera curiosidade. O que tento fazer é organizar de maneira coerente acontecimentos que ultrapassam não apenas o âmbito da minha existência – curta ; estou com vinte e sete anos, menos, portanto, que muitos anciãos ; vivo num país onde muitas crianças morrem antes de atingir o primeiro ano de vida – mas abrangem milênios195.

192 Moacyr Scliar, A Estranha nação de Rafael Mendes, Porto Alegre, L&PM, 1983, p. 18.

193 Moacyr Scliar, Cenas da vida minúscula, Porto Alegre, L&PM, 1991, p. 7.

194 Michel Cazenave, Encyclopédie des symboles, Paris, La Pochothèque, 1996, pp. 210-211.

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Ainsi, en essayant de reconstituer la trajectoire des lieux de la mémoire juive qui composent la mosaïque des espaces identitaires, Moacyr Scliar rejoint d’une certaine manière l’imaginaire géographique d’Augustin Berque. Ce dernier privilégie le déploiement du sujet dans l’univers spatial, ce qui l’amène à considérer l’espace potentiel de la trajectivité. Ce néologisme proposé par Augustin Berque comporte un périple qui affronte l’illimitation (ou l’infini) de l’espace. Dans cette perspective, il n’y a d’espace que ce que nous en percevons196

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En outre, selon Augustin Berque, la création de nouveaux lieux habités et de nouvelles trajectoires de sens exige que nous prenions en considération la formation de nos mondes interne et externe. Nous sommes à la fois les acteurs de la vie sociale et de la vie psychique. Pour cette raison, la culture n’est pas seulement migration ou pérégrination. Elle nous ramène aussi au-dedans. En ce sens, « l’habitabilité psychique » permet de transformer l’espace cartographié en lieudits de la culture. Elle fait se rencontrer une frontière interne (qui est la relation nouée avec l’affect) et une frontière externe (la réalité concrète du lieu). Cette notion de trajectivité est ainsi résumée par Augustin Berque :

À chaque instant, c’est une histoire que chaque chose incarne, et ce sont des lendemains qu’elle engage, dans la mouvance de son milieu. Si le mot de trajectivité conceptualise un état ou une propriété, il s’agit donc aussi d’un processus : la trajection. Ce terme exprime la conjonction dynamique, dans l’espace-temps, de transferts matériels et immatériels : des transports (par la technique), comme des métaphores (par le symbole) ; et c’est la convergence de tout cela vers un même foyer qui fait la réalité des choses. Sa concrétude197.

Nous observons par ce néologisme proposé par Augustin Berque que le sujet est en mesure de donner toute sa portée à une trajectoire. Celle-ci caractérise son déplacement dans l’imaginaire des lieux de la mémoire jusqu’au point de les fusionner vers un même foyer. Ce concept de trajectoire d’Augustin Berque va de pair avec les romans de la deuxième phase de la production scliarienne, s’approchant également de la définition de reterritorialisation que nous étudions.

L’écrivain brésilien Luís Fernando Veríssimo, dans son texte intitulé Os Dois

Ulisses fait référence au personnage d’Homère et à celui de Dante qui finissent par

fusionner dans l’œuvre de James Joyce, dans une odyssée où ils ne se retrouvent que

196Augustin Berque, Ecoumène : introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Belin, coll. « Mappemonde », 2000, p. 93.

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pour une journée. L’Ulysse d’Homère est, selon Luís Fernando Veríssimo, un « ficador centrifugal », qui désire à la fin de l’aventure retourner chez lui. Celui de Joyce, Stephen Dedalus, est un « partidor centripetal », pour qui l’exil prend la forme d’une aventure sans retour. Ils appartiennent tous les deux à la marge de la société de Dublin comme deux exilés en leur propre terre. Le premier cependant est un citoyen en quête d’une réintégration dans sa communauté d’origine ; le dernier est un poète qui poursuit une mission poétique : créer la conscience de sa culture198.

Nous pensons que les personnages scliariens sont à mi-chemin entre ces deux types de voyageurs, se trouvant ainsi dans un « entre-lieu », un espace comme l’a suggéré Michel Maffesoli d’ « enracinement dynamique199 ». Rafael Mendes et Baixinho au moment de récupérer leurs racines juives sont obligés d’entamer ce voyage à travers le temps pour tenter de construire leur identité hybride. Cependant, une fois qu’ils comprennent d’où ils viennent, ils ne sont pas tentés de regagner ces espaces primordiaux de la mémoire juive et finissent par élire le Brésil comme la dernière étape du voyage.

Tout en étant conscients de leurs doubles racines à travers la connaissance des différents lieux de la mémoire qui ont construit l’identité juive, ces personnages sont tout de même enracinés émotionnellement dans l’espace brésilien. En ce sens, le phénomène de reterritorialisation acquiert d’autres contours, car le Brésil devient le

réceptacle légitime de la culture juive, la « Terre de Promission » rêvée par les

personnages.

Dans A Estranha nação de Rafael Mendes, le prophète Jonas aurait bien voulu prêcher sous les tropiques plutôt qu’à Ninive :

Pedem-lhe que ceda, estes do ventre do peixe ; que se humilhe perante Jeová, que cumpra a Sua ordem – o que significa semear a morte e a destruição numa cidade inteira. Sim, os ninivitas pecaram, mas quem não peca ? São seres humanos, merecem compaixão. Por outro lado, os do peixe – que também desafiaram o Senhor – também são seres humanos, também são dignos de piedade. Que dilema. Mas, que diabos, por que tinha Jeová de escolhê-lo para esta missão ? Por que não muda seu desígnio – pode fazê-lo, é Deus – e não o envia, ao invés para um país desconhecido ? Um país de belas paisagens...habitado por gente amável... e sem pecado, num país assim, tudo que ele teria de fazer seria admoestar e por faltas

198 Luís Fernando Veríssimo, Os Dois Ulisses, Zero Hora, 3 fev. 2002, Revista ZH Donna, p. 2.

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leves, a uns poucos travessos. Num país assim seria fácil ser profeta. Mas Jeová é cruel. Cruel com os pecadores, cruel com seus eleitos200.

Quelques siècles plus tard, le prophète portugais Bandarra localise également le paradis :

Bandarra tem uma visão do paraíso – o Brasil. Pede aos Mendes que se tornem navegadores : no entanto, de algo sabia ; da existência de terras distantes, e aparentemente ricas e dadivosas – o lugar, se não da Árvore do Ouro, pelo menos de um futuro reino201.

Suivant ce même raisonnement, le moine Campanella dans Cenas da vida