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La gouvernance concomitante à la modernisation

2.1 - Introduction

Des organismes d'envergure internationale préconisent que la gouvernance permette d'instaurer une régulation sociale et politique par l'harmonisation des règles relatives à l'activité mondiale. Cette harmonisation se trouve, à vrai-dire, fortement dictée par la dominance du marché imposant ses préceptes, sa doctrine et ses lois. Toutefois, l'approche socio-historique que nous avons utilisée pour présenter le concept de modernisation est également adaptée à l’appréhension de ce que renferme la notion de gouvernance.

2.2 – Un dispositif de régulation

En effet, c’est depuis les années 1970 qu’un certain regain est né pour façonner des politiques de régulation de la vie Politique, Sociale et Économique (PSE) surtout dans les sociétés occidentales, et notamment celles de type anglo-saxon. Cet engouement s’exprime à travers une évolution remarquable et des changements d’envergure de l’environnement politique, social et économique observé, en parallèle aux changements conceptuels de la régulation dans son essence, ses contraintes et ses finalités.

Les efforts marquant cette régulation conduisent à revoir les rôles, les missions et les responsabilités de l’État, en tant qu’acteur politique, économique et social, sans compter les relations de l’appareil étatique avec l’ensemble des acteurs, notamment via les services fournis. Ces efforts réussissent à faire prévaloir un nouveau type de management public149.

Cependant, des analystes mettent en évidence des dysfonctionnements qui conduisent « à parler de crise, notamment de la crise de l’État-providence. Ainsi, tous s’entendent pour parler à tout le moins de changements profonds et de redéfinition quant au concept de gouvernance »150. Néanmoins, la question cruciale à se poser est celle de l’apparition d’une logique faisant de la gouvernance un pilier incontournable de l’action publique, dans son essence, dans un environnement en mutation continue. En effet, comme le précise Isabelle Lacroix, « l’apparition d’une logique de la gouvernance serait le résultat d’un bouleversement

149

Cette notion du nouveau management public sera discutée plus loin dans notre les chapitres suivants.

150

Lacroix.I et St-Arnaud P-O, (2012) « La gouvernance : tenter une définition », Cahiers de recherche en politique appliquée, Vol. IV, Numéro 3.

dans les rapports entre le politique, l’économique et la société civile. Cette remise en question de l’État-providence et le phénomène de mondialisation interrogent les capacités étatiques, et gouvernementales, de réguler les sociétés. Ce serait carrément une crise de la ‘‘gouvernabilité’’ qui se dessinerait dans les sociétés occidentales ».

Cette crise de gouvernabilité serait particulièrement expliquée par une montée flamboyante des demandes sociales, par la prolifération des acteurs de tous genres dans un contexte marqué de plus en plus par la rareté des ressources. Isabelle Lacroix affirme que devant la persistance et la gravité de la crise en question et ses conséquences, la quête de « nouvelles réponses aux problèmes de régulation des rapports sociaux, et des rapports entre les acteurs politiques et la société civile. Les propositions de la gouvernance ouvrent à la négociation, à la coopération et aux partenariats qui accroissent la participation de nombreux acteurs différents et diffusent la responsabilisation de la régulation sur cet ensemble large diminuant par le fait même l’intensité de la responsabilité étatique. Du même coup, on assiste à un déplacement des légitimités de décisions et d’actions des acteurs étatiques vers la société civile et ces groupes/individus la composant et prenant part à cette démarche de gouvernance ».

2.3 – À la recherche du bien commun

Pour convenir d'une définition générique de la gouvernance, on avance que la Banque mondiale l'identifie « comme étant l’ensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s’exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous ».151 Sur le fond, « cette définition est intéressante en ce sens qu’elle lie l’exercice du pouvoir à la recherche du bien commun. Cette idée de l’intérêt général, du bien commun, est donc, dans ce cadre, au cœur de cette définition de la gouvernance ».152 Souvent, à cette notion de gouvernance est associé le qualificatif ‘‘bonne’’. En effet, « la bonne gouvernance prend en compte des dimensions sociales, politiques et économiques, ce qui la subjectivise, car ce que l’on peut caractériser comme étant la "bonne" gestion des affaires est contextualisé, dépend du

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Banque Mondiale. « La gouvernance collaborative », Site de la Banque mondiale, consulté le 02 janvier 2017. 152

Lacroix.I et St-Arnaud P.O (2012), « La gouvernance : tenter une définition », Cahiers de recherche en politique appliquée, Vol. IV, Numéro 3.

moment de la caractérisation des règles, de leurs usages et applications qui sont eux-mêmes tributaires d’une certaine idéologie ».153

Pour la Commission Européenne, « la notion de "gouvernance" désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence ».154 Malgré son caractère approprié au contexte de développement du vieux continent, cette définition « présente des éléments qui deviendront centraux pour bon nombre d’auteurs, soit les notions de règles, de processus et de comportements. De plus, la notion de participation est bien présente dans cette définition et cette notion est mise en relation avec la notion de responsabilisation »(Isabelle Lacroix et Pier-Olivier St-Arnaud, 2012).

L’organisation des Nations Unies (ONU), par le biais du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) offre elle aussi une définition de la gouvernance plus générale qui se« réfère aussi aux procédures et évoque les règles légales encadrant cette démarche, tout en référant à cette même logique de participation et de responsabilisation. Or, elle ajoute à la notion de participation la dimension de la gestion des différends au moyen d’une certaine médiation »( Isabelle Lacroix et Pier-Olivier St-Arnaud, 2012)155.

D'autres chercheurs identifient la notion de gouvernance comme « une manière d’exercer le pouvoir qui consiste à mobiliser et piloter les acteurs publics, privés et associatifs concernés de façon efficace, efficiente et durable. Il s’agit non pas de diriger mais de piloter, c’est-à-dire de viser à atteindre les objectifs légitimement fixés par la constitution et par les lois avec une économie de moyens, en favorisant la participation de toutes les parties prenantes , tout en en créant avec elles des relation durables équitables, respectueuses et transparentes »156.

153

Gaoussou.D, Plane P (2012),« La Banque mondiale et la genèse de la notion de bonne gouvernance », Mondes en développement, 2/2012 (n°158), p. 51-70.

154

Union Européenne. « Gouvernance européenne : un livre blanc », sur le site de La Commission européenne, [En ligne], http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1487238831124&uri=CELEX:52001DC0428 , consulté le 10/02/2017.

155

Lacroix.I et St-Arnaud P-O (2012), « La gouvernance : tenter une définition », Cahiers de recherche en politique appliquée, Vol. IV, Numéro 3.

156

Dedoud .A, Koita. B, El Moctar.S,M, Wedoud, (2015), « Éducation à la citoyenneté et aux droits de l'homme: manuel pour les jeunes en Mauritanie », Publications de l’UNESCO (bureau de Rabat), Impression Toumi, p.51

2.4 -Conclusion

En somme, et comme l'évoquent Rouillard et Bourlon (2011), « s’intéresser à la gouvernance équivaut à mettre en relation les courants de modernisation de la gestion publique avec les relations entre l’État et la société civile »157.

CONCLUSION DU CHAPITRE 3

À vrai dire, les questions de modernisation et de la gouvernance marquent le pas d’un nouveau management de la chose publique jadis portée vers la quête de l’intérêt général et aujourd’hui plus orientée sur les questions de coût d’efficience et d’efficacité de chaque euro ou dirham dépensé. Concrètement, cela traduit une véritable « transformation des relations avec les administrés de l’État qui recherche une certaine qualité de contact… L’État est amené à utiliser de nouveaux procédés de gestion, y compris de gestion d’opinion » (Miège, 1989)158. Le management public implique, stricto sensu, une modification profonde des comportements, des conduites, des règles et des procédés. Le caractère principal des changements qui s’imposent résident, dans l’adoption d'actions bien ciblées, d'accompagnement des actions, d'applications de règles, de procédures, de prise de décisions publiques et de reddition de comptes sans déphasage, pour ne pas dire en temps réel.

157

Rouillard.C etBurlon.N, (2011), « L’État et la société civile sous le joug de la gouvernance », Québec : Presses de l’Université Laval, p. 7.

158

Bessières.D (2009), « La définition de la communication publique : des enjeux disciplinaires aux changements de paradigmes organisationnels », Communication et organisation, 35 | 2009, 14-28.