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L’analyse intertype de nombreux types de points deux à deux pose des difficultés pratiques (l’analyse de 𝐼(𝐼−1)2 courbes pour 𝐼 espèces) et théoriques : si toutes les précautions sont prises dans la construction des fonctions K et M intertypes pour que les structures détectées ne soient pas la conséquence des structures de cha- cun des types de points, rien ne garantit que la structure caractérisée par la fonc- tion 𝐾23 ne soit pas due seulement aux valeurs de 𝐾12et 𝐾13, les fonctions n’étant

pas indépendantes.

Une solution attrayante consiste à évaluer la structure spatiale intertype dans son ensemble, tous types de points confondus, quitte à se pencher sur chaque type en détail par la suite. C’est l’objet du travail de Podani et Czárán (1997).

Définition

On considère 𝐼 espèces de points, notées 𝑖. On définit une combinaison d’espèces par le vecteur à 𝐼 dimensions composé d’une suite de 0 et de 1, selon que l’espèce 𝑖 est absente ou présente. Il existe donc 2𝐼 combinaisons d’espèces différentes, no-

tées 𝐹𝑗.

Sous l’hypothèse d’une répartition complètement aléatoire (CSR), les points de l’espèce 𝑖 sont la réalisation d’un processus de Poisson dont l’intensité est estimée par 𝑛�𝑖(𝐴) 𝐴⁄ . La probabilité de ne trouver aucun point de l’espèce 𝑖 dans la surface

𝑆 ⊂ 𝐴 est 𝑝𝑖0(𝑟) = 𝑒−𝑛�𝑖(𝐴)𝐴 𝑆. La probabilité de la présence d’une espèce dans un

cercle de rayon 𝑟 centré sur un point quelconque est donc 𝑝𝑖1(𝑟) = 1 − 𝑒−

𝑛𝑖(𝐴)

𝐴 𝜋𝑟2. La

probabilité de trouver une combinaison d’espèces 𝐹𝑗 dans le cercle est le produit

des probabilités de présence ou d’absence des espèces la composant. On la note 𝑃�𝐹𝑗, 𝑟�.

Un exemple permet de clarifier ces notions. Supposons 3 espèces dont les proba- bilités de présence dans un cercle de rayon 𝑟 donné sont respectivement 0,1, 0,2 et 0,7. La probabilité de trouver la combinaison d’espèces 𝐹1 = (0; 1; 1) est

𝑃(𝐹1, 𝑟 ) = (1 − 0.1) × 0,2 × 0,7.

La théorie de l’information (voir page 90) définit la quantité d’information appor- tée par l’observation d’un évènement 𝐸 par la valeur 𝐼(𝐸) = − ln 𝑃(𝐸). Plus l’évènement est rare, plus sa survenue apporte de l’information. 𝐼(𝐹𝑘, 𝑟) =

− ln 𝑃(𝐹𝑘, 𝑟 ) est la quantité d’information apportée par la combinaison d’espèces

On se place maintenant autour de chacun des 𝑛(𝐴) points du système étudié. Pour une valeur de 𝑟 donnée, on peut calculer la quantité d’information moyenne, notée MCI (Mean Compositional Information) : 𝑀𝐶𝐼(𝑟) = ∑𝑛(𝐴)𝑘=1𝐼(𝐹𝑘,𝑟)

𝑛(𝐴) .

L’espérance sous l’hypothèse nulle d’indépendance complète de la quantité d’information des combinaisons d’espèces observées dans un cercle de rayon 𝑟 est la somme pondérée par leur probabilité des quantités d’information des toutes les combinaisons : 𝔼(𝑀𝐶𝐼(𝑟)) = ∑2𝑗=1𝑛 𝑃𝑟�𝐹𝑗�𝐼𝑟�𝐹𝑗�= − ∑2𝑗=1𝑛 𝑃𝑟�𝐹𝑗� ln 𝑃𝑟�𝐹𝑗�.

La fonction Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟) est définie par la différence entre la quantité d’information observée et la quantité d’information attendue.

La significativité statistique de la valeur observée est assurée par le calcul d’un intervalle de confiance de l’hypothèse nulle (CSR) par la méthode de Monte- Carlo.

Interprétation

Les auteurs estiment (p. 262) :

• Qu’une valeur négative correspond à une répulsion : les combinaisons d’espèces autour des points sont « moins nombreuses et moins diverses » que dans le cas d’une distribution complètement aléatoire

• Qu’une valeur positive suggère l’agrégation : les combinaisons sont « plus nombreuses et plus rares ».

Ils nuancent cette interprétation en indiquant que les exemples montrent que l’interprétation n’est pas toujours simple.

Discussion

L’interprétation des auteurs peut être remise sérieusement en doute en analy- sant la construction de la fonction.

Si on fixe les effectifs 𝑛𝑖(𝐴) de chaque espèce, on fixe également 𝔼(𝑀𝐶𝐼(𝑟)), la

quantité d’information attendue qui sert de référence. Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟) ne dépend alors plus que des combinaisons d’espèces rencontrées autour des points.

Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟) n’est pas liée directement à la variété des combinaisons d’espèces autour des points. Partons d’une distribution complètement aléatoire, pour laquelle Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟)∆MCIr est égal à 0 (aux fluctuations stochastiques près) pour tout 𝑟. Pour

la présence de nombreuses combinaisons rares nécessite qu’elles soient variées parce que les espèces rares ne peuvent pas être présentes autour de nombreux points.

Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟) n’augmente pas non plus obligatoirement quand les nombre d’espèces augmente au voisinage des points. L’information apportée par une combinaison d’espèces 𝐹𝑘 est − ln 𝑃(𝐹𝑘, 𝑟 ). La probabilité de 𝐹𝑘 est le produit des probabilités

de présence de certaines espèces et d’absence des autres. Considérons 𝐹𝑘′ une

combinaison obtenue en ajoutant une espèce nouvelle 𝑖 à 𝐹𝑘. La probabilité de 𝐹𝑘′

est obtenue à partir de celle de 𝐹𝑘 en remplaçant dans le produit la probabilité

d’absence de la nouvelle espèce par sa probabilité de présence. 𝐹𝑘′ est moins pro-

bable que 𝐹𝑘 si 𝑝𝑖1(𝑟) < 𝑝01(𝑟), c'est-à-dire si 𝑝𝑖1(𝑟) < 0,5.

La répulsion est définie par les auteurs comme l’absence d’autres espèces autour des points considérés, l’agrégation par la présence de nombreuses espèces. En réalité, l’apparition d’une nouvelle espèce augmente la quantité d’information si et seulement si sa probabilité de présence est inférieure à 0,5. Pour les petites valeurs de 𝑟, on conçoit facilement que les probabilités de présence de toutes les espèces soient petites. Pour des grandes valeurs de 𝑟, la quantité d’information sera au contraire plutôt augmentée par l’absence d’espèces (à la limite, quand 𝑟 atteint la taille du domaine, toutes les probabilités de présence tendent vers 1). On devra donc limiter l’application de Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟) aux rayons pour lesquels les pro- babilités de présence des espèces sont inférieures à 0,5.

Enfin, par construction, la fonction Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟) traite indifféremment la structure propre de chaque type de point et les structures dues à leurs interactions. Le premier exemple de Podani et Czárán (figure 2, p. 265) en est la meilleure illus- tration : plusieurs agrégats de points monospécifiques distribués indépendam- ment les uns des autres sont analysés. La fonction Δ𝑀𝐶𝐼(𝑟) détecte une répulsion significative à des distances de l’ordre de grandeur des agrégats. L’analyse par la fonction K intertype aurait conclu à l’indépendance entre les types de points, son hypothèse nulle prenant en compte la structure propre de chacune des espèces. En pratique, la fonction paraît inutilisable parce que son écart à l’hypothèse nulle peut être due à des causes très différentes.