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Chapitre 1 : Synthèse Bibliographique

I. Les interactions interparticulaires

2. La double couche électrique

Deux types de particules sont retrouvées dans l’environnement : les particules dites dures et les

particules dites molles. Les particules dures sont homogènes et imperméables aux ions et au solvant

dans lequel elles se trouvent. De plus, elles portent leurs charges uniquement à leur surface. Les

particules molles possèdent, ou non, un cœur dur de rayon 𝑎𝑎 entouré d’une couche de polymères,

perméable au solvant, d’une épaisseur 𝑑𝑑 (Figure 1). Il peut s’agir e.g. de bactéries présentant diverses

biostructures de surfaces de plusieurs nanomètres à plusieurs micromètres de long (Duval and

Gaboriaud 2010).

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Figure 1 : Représentation d'une particule molle soumise à un champ électrique (Duval and Gaboriaud

2010; Ohshima 2000). 𝒂𝒂 est le rayon du cœur de la particule (m), 𝒅𝒅 est l’épaisseur de lacouche molle

de surface composée de polyélectrolytes chargés (m).

Les particules, ou colloïdes, acquièrent une charge surfacique ou volumique lors de leur mise en

contact avec un milieu aqueux. La présence de ces charges induit un potentiel électrostatique à

l’interface liquide/particule. La charge d’un colloïde provient de l’adsorption ou la désorption de

certains types d’ions liés fortement à la surface et appelés potentiels déterminants, la ionisation ou la

dissociation des groupements surfaciques existants, l’adsorption de molécules chargées (e.g.

tensioactifs), la substitution isomorphique

1

ou l’adsorption spécifique d’ions (e.g. hydroxyde, ions

métalliques). L’établissement de cette charge génère un champ électrostatique et la distribution des

ions à la surface du colloïde se fait de sorte à ce que la charge surfacique ou volumique soit neutralisée.

L’attraction des ions de charge opposée à celle de la surface, ou contre-ions, et la répulsion des ions

de même charge, ou co-ions, ont pour effet de créer une structure ionique appelée double couche

électrique (DCE).

Stern a concilié en 1924 les différents modèles de DCE établis par Helmholtz, Gouy et Chapman

(Chapman 1913; Gouy 1910; Helmholtz 1879; Stern 1924) en créant un modèle prenant en compte la

taille finie des ions ainsi que l’agitation thermique. La DCE se décompose en deux couches : une couche

compacte, dite couche de Stern, solidaire de la surface de la particule, et une seconde couche, que l’on

qualifie de couche diffuse. Ainsi, la première couche (Figure 2), est une couche divisée en deux parties.

La première partie de cette couche de Stern est délimitée par le plan d’Helmholtz interne, situé à une

distance de la surface de la particule de l’ordre du rayon des ions adsorbés sur la surface chargée. La

seconde partie est délimitée par le plan d’Helmholtz externe, situé à une distance de l’ordre du rayon

des ions hydratés depuis la surface de la particule. Ces ions sont attirés par la surface de la particule

chargée.

1

La substitution isomorphique consiste en un remplacement des ions par des ions de même type avec une

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La deuxième couche est appelée la couche diffuse, ou la couche de Gouy-Chapman, et débute au plan

d’Helmholtz externe. La distribution du potentiel électrostatique dans la couche diffuse se fait selon

l’équation de Poisson-Boltzmann. A la surface du colloïde on a un potentiel de surface appelée 𝜓𝜓

0

qui

décroit depuis la surface de colloïde jusqu’au cœur de la solution, à un potentiel nul. Le potentiel

électrostatique entre la couche de Stern et la couche de Gouy-Chapman est le potentiel électrostatique

𝜓𝜓

𝑑𝑑

. Par ailleurs, l’épaisseur de la DCE est assimilée à la longueur de Debye 𝜅𝜅

−1

.

Figure 2 : Représentation schématique de la distribution ionique et du potentiel électrostatique à

proximité de la surface d’une particule dure selon le modèle de Gouy-Chapman-Stern. Les ions sont

représentés avec leur sphère d’hydratation. Les ions localisés sur le plan d’Helmholtz interne sont

séparés de la surface de la particule par d’une distance 𝒅𝒅

𝒅𝒅

(m) e l’ordre du rayon des ions. La distance

𝒅𝒅

𝒅𝒅

(m) est de l’ordre du rayon de l’ion hydraté. Adapté de Merlin 2012; Présent 2018; Stern 1924.

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Pour déterminer les caractéristiques de cette DCE, des techniques électrocinétiques comme

l’électrophorèse sont utilisées (§ IV.1). Cette dernière consiste à appliquer un champ électrique sur

une dispersion de particules colloïdales. Sous l’action de ce champ, les particules portant une charge

électrique non nulle entrent en mouvement. La mobilité électrophorétique 𝜇𝜇 est alors mesurée. Elle

représente le déplacement des particules chargées dispersées dans un milieu aqueux contenu dans un

capillaire fermé sous l’action d’une champ électrique continu. Ainsi, la vitesse de migration 𝑣𝑣 des

particules (m.s

-1

), sous l’effet du champ électrique, est relevée et divisée par la valeur de champ

électrique appliqué 𝐸𝐸 (V.m

-1

) (Equation 1).

v

E

µ= (1)

Lors de l’application de ce champ électrique, la couche stagnante, située entre la surface de la particule

et le plan d’Helmholtz externe, ne suit pas le mouvement hydrodynamique du fluide autour de la

particule et reste fixe. Au-delà de ce plan, la couche supérieure est non solidaire de la surface et donc

mobile. Dans le cas de particules dures, le plan entre la couche stagnante et la couche mobile se

nomme le plan de cisaillement, ou plan de glissement. Le potentiel électrostatique à ce plan est appelé

le potentiel zêta, et il est calculé à partir de la mobilité électrophorétique. Cependant, dans le cas de

particules molles, la définition de ce plan de cisaillement devient impossible du fait de la présence

d’une couche polymérique d’épaisseur 𝑑𝑑 perméable aux ions et la DCE s’étend vers la solution et à

l’intérieur de la couche polymérique (Figure 3). La notion de potentiel zêta est alors dénuée de sens

physique et inapplicable.

Figure 3 : Représentation schématique d’une particule molle composée d’un cœur dur rigide et

d’une couche polymérique perméable. 𝒂𝒂 est le rayon du cœur de la particule (m), 𝒅𝒅 est l’épaisseur

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de lacouche molle de surface composée de polyélectrolytes chargés (m) (Duval and Ohshima 2006;

Merlin 2012).

La distribution des potentiels électrostatiques s’en trouve modifiée. Ainsi, si l’épaisseur de la couche

polymérique est très supérieure à la longueur de Debye 𝜅𝜅

−1

, le potentiel de Donnan 𝜓𝜓

𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷

désigne le

potentiel au cœur de cette couche (Figure 4). L’épaisseur de la DCE intraparticulaire est désignée par

𝜅𝜅

𝑚𝑚−1

.

Figure 4 : Représentation schématique de la distribution du potentiel électrostatique à une

interphase molle (d’après Merlin 2012; Ohshima 1995) dans les conditions dites de « Donnan ».

Des modèles physiques analytiques et numériques permettent, à partir de la mobilité

électrophorétique, d’accéder aux propriétés électrostatiques des particules. Plusieurs d’entre eux sont

mentionnés en § IV.1.

Ainsi, les charges positives et négatives, présentes aussi bien dans le corps de la particule qu’à sa

surface, sont responsables des interactions électrostatiques qui peuvent se produire entre ces mêmes

particules et d’autres éléments chargés existant en solution.