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Critères de différenciation des programmes d’appui

Si de nombreux travaux ont permis de mieux caractériser les organisations de producteurs en cherchant à les classer par grands types, il n’en est pas de même pour les programmes d’appui qui curieusement font l’objet de beaucoup moins d’efforts de synthèse.

Plusieurs critères peuvent être utilisés pour classer ces programmes.

• La place de l’appui aux Opr dans le programme permet de distinguer les programmes spécifiques d’appui aux Opr, de ceux dans lesquels l’appui à l’organisation des producteurs ne représente qu’une composante d’un programme plus global de développement au sens large. Le deuxième type est de loin le plus fréquent avec cependant des composantes « appuis aux Opr » qui ont tendance à se développer et à gagner en autonomie (cas du Nord Cameroun et de la zone de Niono au Mali par exemple).

• Le niveau d’intervention permet de distinguer les programmes qui appuient les Opr de base de ceux qui appuient la mise en place et le fonctionnement d’Opr de niveau supérieur (regroupements d’Opr aux niveaux régional et national). Les premiers sont de loin les plus nombreux, mais de plus en plus de programmes appuient désormais la structuration des organisations à différentes échelles (cas des programmes « professionnalisation » du Mae).

• Le type d’Opr concerné permet de distinguer les programmes qui appuient les Opr œuvrant dans les grandes filières de produits stratégiques (produit d’exportation ou produit alimentaire important pour la sécurité alimentaire des centres urbains), de ceux qui appuient les producteurs organisés autour de filière d’importance plus locale ou éclatée (élevage, maraîchage, etc.). L’appui aux Opr « grande filière » est sauf exception de loin le plus important en terme financier. L’appui aux Opr considérées secondaires reste le domaine « réservé » des Ong locales et internationales ou de la coopération décentralisée et ne bénéficie généralement pas de budgets importants (cas des appuis aux groupements maraîchers féminins notamment) et souffre souvent d’un manque de professionnalisme.

• Le degré de spécialisation du programme d’appui aux organisations permet de distinguer ceux qui offrent un appui multiforme aux Opr de ceux qui apparaissent plus spécialisés. Les programmes d’appui aux Opr de second ou troisième niveau ont tendance à apporter des appuis plus spécifiques et privilégient notamment la formation-information des responsables. Les activités des programmes d’appui aux organisations de base apparaissent en revanche généralement beaucoup plus diversifiées, mais assez standardisés.

• Le type d’opérateur distingue notamment les programmes mis en œuvre par des structures publiques (services techniques de l’Etat ou sociétés parapubliques avec une assistance technique directe) de ceux mis en œuvre par des structures privées de type Ong ou bureaux d’étude indépendants.

• La démarche d’intervention distingue les programmes en fonction du degré de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’œuvre des appuis par les Opr, c’est-à-dire leur degré de responsabilité dans la définition du contenu de ces appuis et la gestion des fonds correspondants. Si de plus en plus de programmes s’efforcent de mettre les Opr en position de maîtrise d’ouvrage des appuis les concernant, cela reste encore l’exception (cf. Fédération des paysans du Fouta Djalon).

A noter également que certains programmes s’attachent plus particulièrement à appuyer la mise en place d’un environnement économique et politique favorable au développement des Opr : appui à l’élaboration de nouvelles lois sur les associations, appui à la mise en place d’instances de concertation entre pouvoirs publics et producteurs, réforme des services de recherche et de vulgarisation, etc. Ce type de programmes d’appui aux réformes institutionnelles constitue un appui indirect aux Opr et ne peut être à proprement parler considéré comme programme d’appui au renforcement des capacités des Opr.

Dans la pratique, un programme peut, bien entendu, répondre à plusieurs des caractéristiques citées précédemment. Toutefois une distinction nette apparaît entre les programmes d’appui aux organisations de base et ceux qui appuient les Opr d’envergure nationale à la fois en termes de contenu et d’enjeu. La typologie la plus pertinente repose donc sur le niveau d’intervention. Les programmes « professionnalisation » financés par le Ministère des affaires étrangères (Mae) français par exemple interviennent en appui aux structures de représentation des Opr à l’échelle nationale et soutiennent aussi des organisations plus locales ainsi que les réformes des institutions pour améliorer l’environnement économique et politique des Opr. Ils cherchent aussi à décentraliser leurs actions en appuyant également les organisations locales, mais il s’agit toutefois généralement plus de coordonner les actions du programme à l’échelle nationale avec les autres programmes œuvrant plus localement que d’appuyer directement les organisations de base. C’est notamment le cas de la Guinée par exemple avec une forte coordination entre l’Afd et le Mae à travers des projets de renforcement des fédérations régionales coordonnées avec des projets d’intervention de type productif sur des filières (café, coton,…).

Par ailleurs, même si certains programmes nationaux cherchent parfois à diversifier leurs « clients » et à intégrer les organisations de producteurs de filières moins stratégiques (Paopa au Mali par exemple et Psaop au Sénégal), force est de reconnaître qu’ils travaillent généralement avec les Opr des grandes filières. Cette quasi-exclusivité des grands programmes d’appui aux Opr peut s’expliquer par le faible niveau d’organisation de base des autres Opr qui s’explique lui-même par la prédominance des programmes d’appui antérieurs en faveur des Opr des grandes filières. Inverser

cette tendance nécessiterait d’importants efforts de structuration à la base des producteurs des zones non intégrées dans ces grandes filières (zones d’élevage extensif notamment et zones d’agriculture familiale très diversifiée).

Attentes des bailleurs de fonds

Les objectifs des bailleurs de fonds qui appuient les organisations de producteurs peuvent être schématisés comme suit.

• Pour les grandes agences d’aide internationales, les programmes d’appui aux organisations de producteurs semblent principalement avoir pour objectif de réduire les dépenses publiques tout en améliorant l’efficacité des services rendus par l’Etat selon la formule consacrée « moins d’Etat mais mieux d’Etat » et de sécuriser les grandes filières de produits d’exportation principales sources de revenus de ces Etats. Ces programmes apparaissent dans ce cas comme des mesures d’accompagnement des plans d’ajustement structurel imposés aux Etats et les organisations sont avant tout considérées comme des acteurs de substitution à l’intervention de l’Etat.

• D’autres bailleurs, notamment les agences d’aide des pays d’Europe du Nord, voient dans les programmes d’appui aux organisations de producteurs surtout un moyen pour les producteurs de mieux faire entendre leur voix afin de sécuriser leurs revenus et s’inscrivent ainsi principalement dans un objectif de renforcement de la démocratisation de la vie publique.

• D’autres enfin, notamment le dispositif de l’aide française, s’efforcent de concilier ces deux objectifs.

Des dispositifs d’appui diversifiés

Les dispositifs mis en place par les bailleurs de fonds en concertation avec les Etats pour mettre en œuvre des programmes d’appui aux Opr sont très diversifiés (et ce parfois pour un même bailleur de fonds). On peut distinguer les critères de différenciation suivants.

• La participation plus ou moins grande des structures de l’Etat à la mise en œuvre des projets permet de distinguer les projets d’appui mise en œuvre par des structures privées (cas du Pcps à Niono) de ceux mis en œuvre par des structures publiques (cas de la Guinée10 par exemple) avec des situations intermédiaires de coopération (cas du programme « professionnalisation » mis en œuvre conjointement par l’Afdi et la Dcpm au Burkina Faso par exemple).

• La mise en œuvre plus ou moins directe des appuis proprement dit par la structure projet permet de distinguer ceux qui font appel à des prestataires de services spécialisés qu’ils s’efforcent de professionnaliser (cas du Pcps et du Pgr au Mali) de ceux qui mettent en œuvre directement les actions d’appuis aux Opr avec leur personnel propre (cas n° 2 au Nord Cameroun). La première catégorie reste encore exceptionnelle, mais la tendance actuelle semble être à sa généralisation par un désengagement progressif des structures projets dans la mise en œuvre des actions, l’idée étant de pérenniser le service d’appui aux Opr en favorisant l’acquisition de compétences par des prestataires de service locaux. Il s’agit cependant souvent plus d’une sous-traitance qu’une mise en relation directe des Opr avec ces prestataires (contrat entre projet et prestataire et non entre Opr et prestataire).

• Les modalités de financement distinguent les projets dont les fonds nécessaires aux actions de renforcement des capacités des organisations de producteurs sont gérés par ces dernières de ceux dont les fonds sont gérés par la structure projet (cas n° 2 au Nord - Cameroun) avec des situations intermédiaires de cogestion (appui à l’Anopaci en Côte d’Ivoire).

La première situation reste encore l’exception même si la plupart des experts s’accorde désormais sur l’intérêt d’un tel dispositif pour la responsabilisation des organisations de producteurs et s’efforce progressivement de le mettre en place.

Cette diversité des dispositifs apparaît parfois entre différents programmes mis en œuvre par une même agence d’aide dans différents pays voire à l’intérieur d’un même pays (cas par exemple des programmes du Mae français). Cette diversité interne à un même bailleur peut être interprétée de différentes manières :

– par un souci d’adapter les programmes à la diversité des contextes dans lesquels ils sont mis en œuvre ;

– par le caractère encore expérimental de ces programmes (phase test) ;

– ou encore par la liberté laissée aux différents opérateurs chargés de mettre en œuvre ces programmes.