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Un appui aux groupements de producteurs qui n’a pas encore préparé son retrait

Si les résultats sont indéniables, la pérennité des appuis apportés par le projet n’est pas assurée au-delà de sa durée de vie. Le projet doit dès à présent préparer son désengagement pour que certaines des fonctions qu’il exerce, et dont la permanence apparaît nécessaire, puissent continuer à être assurées.

Pour l’instant seule la fonction « alphabétisation » semble assurée par le projet dans un souci que le service perdure après lui. C’est du moins le cas en termes de ressources humaines (formation d’alphabétiseurs villageois) mais pas en terme financier (prise en charge des formations en alphabétisation assurée en grande partie par le projet).

Les fonctions essentielles, et qui présentent un caractère permanent, comme l’appui en gestion et l’information des producteurs ne sont, en revanche, pas du tout mises en œuvre dans le souci d’en assurer la pérennité ne serait-ce qu’en termes de ressources humaines. Ce sont, en effet, les animateurs du projet qui font tout. Ils restituent notamment chaque mois les relevés des comptes des groupements et l’on voit mal comment l’exercice pourra être reproduit en leur absence. La pérennité dans la transparence des comptes n’est donc pas assurée. Il en est de même pour la diffusion des informations via le journal « Le paysan » dont la rédaction est assurée par le responsable de la composante « professionnalisation ».

Pour la pérennité des actions, le projet mise dans la deuxième phase — qui se termine dans moins d’un an — sur une redistribution des ressources humaines du projet dans différentes structures de prestation de service autonomes. Dans la pratique, cependant, la reconversion d’un personnel projet apparaît toujours difficile du fait notamment des niveaux de salaire (et de moyens) beaucoup plus bas qu’ils sont susceptibles d’avoir par la suite dans des structures d’appui publiques ou privées (qu'elles soient privées de type « professionnel », c'est-à-dire une organisation paysanne, ou privées marchandes). C’est indéniablement l’un des points faibles du volet professionnalisation.

Appuyer la mise en place de structures d’appui aux organisations paysannes indépendantes dès le démarrage d’un projet ralentit, certes, ses impacts à court terme (ceux du projet sont indéniables) mais garantit mieux ensuite sa pérennité, et ce n’était ni dans l’air du temps au

moment de la conception du projet (1992) ni dans la culture d’entreprise de la Sodecoton. Reste à savoir si un tel montage, qui a été mis en œuvre dans les provinces sud dans le cadre de l’autre composante du projet Asppa et ailleurs dans la sous-région (zone de l’Office du Niger au Mali par exemple), était dès le départ envisageable dans le contexte du Nord-Cameroun qui se caractérise par une forte présence de la Sodecoton ?

Un ancrage institutionnel du projet

qui a permis des avancées, même si des améliorations restent souhaitables

L’ancrage du projet au sein de la Sodecoton présente plusieurs avantages. Il a permis notamment outre le démarrage rapide des activités du projet et un accès aisé aux groupements, d’atténuer les résistances de la part des agents et de l’institution en tant que telle vis-à-vis du projet tout en permettant que des changements importants interviennent dans les méthodes d’appui aux groupements par la Sodecoton. Cela n’aurait pas été possible dans un cadre institutionnel hors Sodecoton.

En contrepartie, cette insertion institutionnelle présente un certain nombre d’inconvénients. Le projet a notamment une image ambiguë tant aux yeux des paysans que vis-à-vis de l’extérieur (autres intervenants de la zone), et ce qu’autant plus que ses animateurs sont pour la plupart des anciens encadreurs de la Sodecoton et sont identifiés comme tels. Cette situation peut poser des problèmes aux animateurs du projet d’autant que les tâches qui leur incombent dépassent largement leurs compétences initiales (le travail d’« animateur » est fondamentalement différent de suivi d’ « encadreur » tant dans le contenu que dans la méthode).

Le problème d’identité est le même pour la structure de représentation des producteurs de coton qui a élu domicile dans les locaux de la Sodecoton. Si cette domiciliation a l’avantage de faciliter la communication, elle sème le trouble et ne marque pas l’indépendance de cette structure par rapport à la société cotonnière.

Synthèse

L’appui aux organisations paysannes et rurales apparaît ici comme une composante d’un projet plus global d’appui au développement régional axé principalement sur le développement de la filière cotonnière. Il s’insère également dans un projet national d’appui à la professionnalisation des organisations paysannes et rurales (projet Asppa) qui intervient dans d’autres provinces du pays et en appui institutionnel à l’Etat, tout en étant mis en œuvre de manière indépendante et en liaison étroite avec le projet Dpgt.

Il constitue de ce fait un cas intéressant de tentative d’autonomisation d’un programme d’appui aux organisations paysannes et rurales dans une zone fortement structurée par une société d’Etat et de coordination entre des actions d’appui aux organisations à différentes échelles (régionale et nationale).

Il montre toute la difficulté qu’il y a à reconvertir les ressources humaines publiques (agents des services de l’Etat) dans la prise en charge de nouvelles fonctions d’appui aux renforcements des capacités des organisations pour qu’elles maîtrisent mieux leur environnement et gagnent en autonomie et en responsabilité. Il montre également toute la difficulté à mettre en place un dispositif d’appui qui permette d’atteindre ce résultat en cherchant à gérer la transition en douceur dans un contexte qui se caractérise par un désengagement de l’Etat peu avancé.

E

TUDE DE CAS N

° 3 : P

ROJET DE DEVELOPPEMENT RURAL DU SUD

-

OUEST

, (P

SO

)

M

ADAGASCAR13

Localisation : Madagascar, région de Tuléar.

Echelle d’intervention : régionale, 320 000 habitants avec environ 1 500 organisations paysannes formelles.

Organisation appuyée : Maison des paysans (Mdp) du sud-ouest malgache.

Objectifs du projet : Renforcer les capacités techniques, économiques et institutionnelles de l’ensemble des acteurs du monde agricole en vue d’accroître la production, améliorer les revenus et mieux gérer les ressources de l’espace.

Renforcer la coordination, la collaboration et les synergies entre les agriculteurs et les autres acteurs du développement, privés et publics.

Activités du projet : Mise au point et diffusion d’innovations techniques, information sur les prix et les filières, alphabétisation, appui au fonctionnement d’une structure de représentation des producteurs et d’une structure de coordination entre acteurs.

Maîtrise d’ouvrage : Comité régional d’orientation et de suivi (Cros). Bailleur : Mae et Etat malgache.

Budget : Phase 1 : 25 millions de FF (1994-1998) ; phase 2 :8 millions de FF (1999-2002). Opérateur : Cirad et Afdi et assistance technique directe du ministère des affaires étrangères.

Contexte

Le Sud-Ouest de Madagascar, zone d’intervention du Pso, est considéré comme la région la plus difficile de Madagascar avec notamment :

– un enclavement par rapport à la capitale qui se trouve à plus de 1 000 km ;

– un manque d’infrastructures sociales notamment éducatives avec un taux d’analphabétisme qui varie de 70 à 95 % selon les classes d’âge ;

– un milieu physique contraignant (risque climatique élevé et sols sensibles à l’érosion) ;

– une population composée par une mosaïque ethnique suite à d’importants mouvements de populations en provenance des autres régions ;

– un investissement privé extrêmement faible ;

– une faible présence des services techniques de l’Etat (un seul chercheur par exemple au démarrage du projet)

– un degré d’organisation des producteurs considéré faible malgré la présence de plus de 1 500 organisations paysannes (dont 1 000 structurées sur la base de la production cotonnière). Longtemps oublié, le Sud-Ouest n’a jamais été une zone de développement prioritaire. De ce point de vue, le désengagement de l’Etat ne change donc pas grand-chose à la situation si ce n’est que la décentralisation qui l’accompagne devrait permettre aux producteurs de mieux faire entendre leur voix. Le processus Padr (Plan d’action pour le développement rural) soutenu par les principaux bailleurs de fonds internationaux et la mise en place au niveau régional des Gtdr (Groupe de travail pour le développement rural) offre un cadre institutionnel qui doit permettre la définition d'une stratégie de développement concertée. Le Gtdr regroupe cinq collèges : administration, collectivités territoriales, opérateurs économiques, organisations de producteurs et Ong–projets.

13. Nous remercions Dominique ROLLIN (Cirad) et Olivier PARAT (Mae) pour leurs commentaires et compléments sur la version initiale de cette étude de cas.